L’avertissement de Sindou à Ouattara: Soro pourrait réparer ce qu’il a gâté en Côte-d’Ivoire si…

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Martial Frindéthié

La rébellion de 2002 – revendiquée par Guillaume Soro, mais en réalité commanditée, par Ouattara – a conduit, après moult transactions et tergiversations, à son but ultime en avril 2011, la déposition du président Laurent Gbagbo. Depuis la prise du pouvoir du RHDP, un constat crève les yeux : Le RHDP n’avait pas de programme de société. La seule cohérence organisatrice du RHDP était la haine viscérale de ses différentes composantes envers le président Gbagbo. Une fois Gbagbo déporté à la Haye, une fois l’ennemi commun mis « hors d’état de nuire », le RHDP se révéla être une « famille » dysfonctionnelle en dedans et, en dehors, une épouvantable machine d’oppression pour les Ivoiriens.

En dedans, une lutte fratricide a vu les partisans de Soro ainsi que les partis mineurs expulsés à la périphérie du pouvoir, alors que le PDCI, humilié, s’est retrouvé à grappiller de petits morceaux insolemment jetés par le RDR. En dehors, toutes les libertés civiles des Ivoiriens, jusqu’à leur simple droit de marcher et de protester, qui sont les voies les plus pacifiques qu’ont les sociétés civilisées d’évacuer leurs frustrations, leur ont été enlevées.

Pour Soro, la frustration est d’autant plus grande qu’en plus de subir l’ingratitude de Ouattara, c’est lui qui, pour avoir accepté d’être le visage de la rébellion par laquelle tout le déchirement de la Côte d’Ivoire a commencé, est le premier des victimaires montrés du doigt. Pour de nombreux Ivoiriens, Soro est le fils qui a trahi la mère et permis qu’elle soit violée par des hordes étrangères. En même temps qu’il est déterminé à régler des comptes avec Ouattara Soro est conscient qu’il a une dette de réparation envers les Ivoiriens; celle d’abréger leurs peines, au moment où toutes les voies de négociation sont désespérément obstruées par Ouattara. Il l’a suggéré par ses récents appels à la réconciliation, qui peinent à trouver preneurs dans un peuple encore plein de ressentiments. Le régime Ouattara n’a l’intention de discuter avec personne sur aucun sujet, et est convaincu qu’il en sera ainsi dans les dix années à venir, grâce à une constitution qu’il s’est offerte, comme un cadeau empoisonné dont le donateur ignore lui-même les effets éventuels.

Aujourd’hui, Ouattara tient en main sa constitution lui donnant droit à un troisième mandat. Mais il hésite ; il atermoie ; il louvoie ; il ajourne ; il guette ; il menace ; il prie, il mendie ; il courtise. Ouattara fait toutes sortes de contorsions pour coopter le PDCI. Pourquoi ? Parce que cette constitution qu’il tient dans ses mains est nulle sans l’approbation du PDCI, de même que le RDR n’a jamais rien pesé sans le PDCI. Ouattara vise un troisième mandat. Mais il sait aussi qu’une telle approche sans l’acquiescement d’un PDCI de plus en plus frustré le mettrait dans une posture dangereuse par rapport à tout soulèvement populaire. KKB en est conscient, qui nargue joyeusement Ouattara d’oser faire usage de sa constitution votée à 88% avec tambours et balafons pour se présenter en 2020.
Et alors que Ouattara hésite, c’est encore Méité Sindou, ancien ministre éjecté de Ouattara, mais surtout, conseiller de Soro, qui, insinuant les effets de cette constitution-poison, offre à Ouattara cet avertissement : essayer de briguer un troisième mandat en brandissant cette fausse constitution serait pour Ouattara « une erreur très grave » à ne pas commettre. Cela est une claire mise en garde. Le message du conseiller de Soro à Ouattara est très limpide : Essayez ce forcing et vous nous trouverez sur votre chemin. Pour qui sait que Bouaké est une vraie poudrière à la disposition de Soro, et pour qui a entendu Soul de Soul déclarer pour sa défense qu’il n’est pas le seul détenteur de poudrières privées, cet avertissement de Sindou n’augure rien de bon pour la dictature en place.

Une tentative d’un troisième mandat pourrait constituer une erreur de la part de Ouattara qui conduirait Soro à croire que l’occasion est bonne pour lui de solder la faute que lui reprochent les Ivoiriens, tout en faisant payer à Ouattara son ingratitude. D’ailleurs, aujourd’hui, alors que le mépris de Ouattara pour l’opposition et la société civile a bloqué toutes les voies de négociation, et que les Ivoiriens ne perçoivent pas d’issues de sortie de la fournaise dans laquelle ils se trouvent, Soro pourrait gagner en popularité – même parmi les « jamais Soro » – et se positionner, plus facilement qu’il y a seulement quelques mois, comme l’homme dont le coup de force « salvateur » rebattrait les cartes et donnerait une chance à la démocratie après un moment de transition. A moins que Ouattara ne mette de l’eau dans son vin – et l’image est intentionnée – et n’ouvre de franches discussions avec l’opposition, c’est ce scénario ou, comme au Burkina, un coup de balai de la rue, qui remettra la Côte d’Ivoire sur les rails de la démocratie.

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