Edwige FIENDE
L’ex-secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), Eugène Djué a affirmé que Charles Blé Goudé est « partant » pour l’amicale des anciens du plus grand syndicat estudiantin, annonçant une « rencontre » avec l’ancien leader des “jeunes patriotes’’ dont le procès est en cours à la Cour pénale internationale (CPI), dans une interview lundi à ALERTE INFO.
Quels sont les objectifs de cette amicale des anciens de la FESCI ?
On n’a pas encore donné de nom. Contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas quelque chose qui naît aujourd’hui. Depuis longtemps, nous avons eu l’intention de nous rassembler dans une association, pour garder le contact, nous resserrer les coudes, être solidaires, et cette idée a toujours existé.
J’en veux pour témoins quelques tentatives d’associations, plusieurs organisations avaient été créées dans ce sens, les premières remontent à 1992-1993 qu’on a appelé amicale de la Fesci.
La différence aujourd’hui, c’est qu’il y a un engouement et moi, je considère que c’est juste parce qu’il est temps. Tout le monde est partant, l’idée n’a jamais manqué de nous retrouver, ce n’est donc pas nouveau.
Certaines personnes estiment que Guillaume Soro veut vous utiliser pour réaliser les ambitions présidentielles qu’on lui prête, quel est votre avis ?
Moi, j’ai 60 ans bientôt, on peut m’utiliser ? Non. Cela traduit une misère morale très déplorable. Il faut reconnaître que dans ce qui se passe, il y a la mauvaise foi. Parce que ce ne sont pas eux qui le font, c’est mauvais.
Soro a été ancien secrétaire général de la Fesci. Nous avons décidé de nous organiser, il faut être honnête, ses responsabilités ne lui permettent pas de venir participer chaque fois à nos réunions. Alors nous avons décidé d’aller vers tous ceux qui ne peuvent pas venir vers nous, pour prendre leur point de vue sur ce que nous sommes en train de faire.
Nous sommes en train de nous organiser pour aller à La Haye pour rencontrer Blé Goudé, pour prendre son point de vue, nous savons qu’il est partant pour cette organisation. Dire que Soro veut nous utiliser, ce n’est pas juste, c’est malsain de la part de ceux qui le disent, moi je suis l’ainé de Soro.
Dans notre plan, nous avons un programme de rencontre d’abord au niveau interne, ensuite, nous avons une délégation qui va au Ghana, au Togo, au Bénin pour rencontrer tous nos camarades qui sont en exil.
Au niveau externe, nous avons décidé de rencontrer tous les hommes politiques pour mettre tout le monde à l’aise, parce que la Fesci est pluriel, il y a des militants de tous les partis politiques parmi nous.
Nous sommes une force qui organisée a la possibilité de régler les problèmes qui semblent les plus complexes comme la réconciliation.
Votre échange avec le président Mabri Toikeusse s’inscrivait-t-il dans ce cadre ?
Nous sommes allés le saluer, le mettre à l’aise, le rassurer, lui dire que nous n’avons jamais souhaité que nos camarades qui sont dans son parti, quittent le parti. Nous respectons l’opinion de chacun. C’est le message que nous allons adresser à tous les partis politiques, nous avons entamé ce programme avec l’UDPCI, nous allons rencontrer tous les autres partis, individuellement, des hommes politiques. Nous allons aller vers tous les responsables religieux, parmi nous, il y a toutes les religions. Au-delà nous voulons leur donner une image de la réconciliation.
Un autre ancien de la FESCI, Damana Pickass a sévèrement critiqué la rencontre avec Guillaume Soro. Pour lui, cette encontre est « un scandale, un grossier montage, une imposture intolérable ». Quel commentaire faites-vous de cette déclaration ?
Il est déconnecté, il faut qu’il rentre en contact avec nous, nous sommes ses ainés. J’ai trouvé cette déclaration un peu trop forte, il faut demander à Pickas de ne pas s’attaquer aux ainés que nous sommes, et la Fesci dont il se réclame, a pour principe fondamental, la discipline. Dans notre discipline, les cadets ne mangent pas les loups. Ce n’est pas dans les journaux que nous allons régler notre problème, c’est pourquoi nous avons décidé d’envoyer une délégation au Ghana, pour discuter avec ces camarades.
Je sais qu’on finira par s’entendre parce que nous, sommes rentrés en politique dans la discussion. Ce que je demande aux camarades de ne pas faire, c’est de ne pas juger, condamner, il faut y aller doucement. J’ai appelé tout le monde et je lance cet appel à tous les camarades, de désarmer les plumes. Le débat aura lieu et il commencera par le Ghana avec une délégation qu’on va envoyer
Je prie Dieu que très bientôt, on se retrouve tous, qu’ils puissent rentrer dans des conditions dignes, qu’on libère nos camarades. Aujourd’hui moi, je supporte mal, que Blé Goudé et Laurent Gbagbo soient à La Haye, c’est inacceptable, pour tout ivoirien. Si c’est pour la crise, tout Ivoirien est d’accord que c’est ici qu’il fallait la régler, ça ne favorise pas la réconciliation, et les Ivoiriens ne doivent pas vivre dans cette crise tout le temps
Qu’est ce qui pourrait favoriser cette réconciliation ?
A l’époque j’avais dit, la première condition, est d’éviter de pratiquer une justice des vainqueurs, aujourd’hui je maintiens encore. Pour moi il y a une justice des vainqueurs qui a sévit et approfondi le fossé qui sépare les Ivoiriens et aggravé les divisions, moi j’ai prôné à l’époque le pardon. Il faut que chacun reconnaisse que ce qu’il a fait n’est pas bon. Il faut sortir tous ceux qui sont en prison, il faut sortir Gbagbo parce qu’il doit participer à la réconciliation. Pourquoi faire la réconciliation sans un acteur principale comme Gbagbo, sans Blé Goudé, ce n’est pas logique. Que ceux qui sont en exil rentrent, il faut créer un cadre pour qu’on se parle, il faut rassurer les Ivoiriens.
On vous voit de moins en moins au FPI camp Affi dont vous êtes membre de la direction. Qu’est-ce qui explique ce retrait ?
Je suis convalescent, je ne peux pas aller régulièrement aux réunions, je suis en contact avec le président Affi qui m’appelle régulièrement, il n’y a aucun problème. Je suis militant du FPI et je souffre comme tous les autres, de ce qui se passe aujourd’hui et mon combat aussi, c’est la réunification. Moi, je travaille avec Affi parce qu’il est dans la légalité. Allons à un congrès. Les crises, je ne les aime pas, si nous cautionnons cela ça peut être une mauvaise tradition dans le parti.
On ne chasse pas un camarade militant de la tête d’un parti, mais cela ne me permet de m’attaquer au président Sangaré. Nous sommes tous militant du FPI, je suis pour qu’on règle cette crise. Pas en disant Affi est radié. Personne n’a le droit de radier son camarade, on a choisi de militer au FPI, réglons nos contradictions.
Vous parlez de congrès, faut-t-il y aller avec les deux tendances ?
Mais bien sûr, il faut qu’on aille à un congrès et je dirais moi-même à ce congrès au président Affi de ne pas se présenter, je crois qu’Abou Drahamane Sangaré devait en faire autant, pour le moment sans un tel congrès, Affi est le président du FPI.
Alerte info/Connectionivoirienne.net
« Dire que Soro veut nous utiliser, ce n’est pas juste, c’est malsain de la part de ceux qui le disent, moi je suis l’ainé de Soro. ». Et vlan ! Encore le même argument-massue de Eugène Djué, servi à chaque occasion quand ilo est dépassé, comme hier face à l’aura grandissante de Blé Goudé. Ce gars à une fâcheuse tendance à privilégier la préséance gérontocratique.
« Le Leader Générationnel », concept fumeux sorti des labos du clan Soro et promu par le fringuant Nyamsi, a besoin de sa concrétisation physique si on peut l’exprimer ainsi. Et quel meilleur moyen pour cette matérialisation, que de donner corps à ce regroupent d’anciens de la Fesci, dont le seul vrai leader historique devrait être Martial Ahipeaud, qui s’est tiré une balle dans le pied par ses prises de position hasardeuses en faveur de Robert Guéi.
La Nature ayant horreur du vide, et l’autre des 3 leaders historiques étant en prison, quoi de plus normal que Soro prenne les devants face à d’anciens camarades, tous politiquement et économiquement floués ? Qu’en fera Soro ? L’avenir proche nous le dira, d’autant que la Fesci traîne une image négative dans l’opinion nationale, unie dans son rejet au-delà des chapelles politiques. Déjà, la capacité de nuisance du mouvement en fait un important outil de pression (en plus des « gars » de Bouaké) contre le duo Ouattara-Gon, en lutte quasiment ouverte contre Soro dans la perspective de 2020. On peut tout reprocher à Soro, mais en aucun cas son sens politique très aiguisé, si aiguisé qu’il dépasse la lecture d’Eugène Djué.