Justice Cote-d’Ivoire: Le procès Gbagbo « débattu » au parlement français

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Lu pour vous

L’Assemblée nationale française a organisé, dans le cadre de sa session ordinaire de 2017-2018, une séance consacrée aux questions au gouvernement le mardi 27 mars 2018. Au cours de la première partie de cette séance, plusieurs députés ont soulevé des questions orales ou écrites concernant des sujets bien donnés. Lesquels ont trait à la France ou à la politique extérieure de la France dans le monde. C’est dans le cadre de cet exercice que le procès Laurent Gbagbo à la Cpi et le sort des détenus politiques en Côte d’Ivoire, ont été évoqués au parlement français. Par le député Michel Larive, député du parti « La France insoumise »-Ariège. Dont la question n°6910 a concerné la « situation politique en Côte d’Ivoire ».

Il a adressé sa question au Ministère français en charge de l’Europe et des affaires étrangères. En un mot au Quai d’Orsay. La question du député qui a séjourné en Côte d’Ivoire dans le mois de février 2018, a été inscrite au journal officiel de la république française du 27 mars 2018 à la page 2492. Abordant son sujet, Michel Larive a attiré l’attention de M. le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur la situation politique ivoirienne. Un résumé de son intervention a été fait par le bureau de séance de l’Assemblée nationale française. «La situation en Côte d’Ivoire, d’où il revient, est marquée depuis 2011 par une fracture de la société entre les vainqueurs et les vaincus, avec toutes les atteintes au respect des droits de l’Homme qu’elle a engendré. Selon les témoignages qu’il a recueillis, les opposants à M. Ouattara et leurs familles sont persécutés. Six ans après le changement de régime, près de 200 prisonniers politiques sont détenus dans des conditions avilissantes. Ils sont incarcérés dans une promiscuité insupportable. Plus de la moitié d’entre eux sont détenus, sans jugement.

Selon ces témoignages, tortures et mauvais traitements sont monnaie courante dans les geôles de la Dst. En découlent des conséquences dramatiques : aux maladies s’ajoutent les morts, 7 en prison et 5 juste après des « libérations » précipitées. Ces faits lui ont été rapportés par les femmes et les enfants de prisonniers. C’est ainsi que la famille de l’ancien Président Laurent Gbagbo est régulièrement persécutée. Son épouse, très affaiblie, a été condamnée à une lourde peine de prison par une justice aux ordres. Son fils, Michel Gbagbo, a subi une pénible peine de prison à cause de son seul patronyme. Il est né à Lyon, il est donc ressortissant français. Mais il ne peut pas revenir en France, pour répondre à la convocation des juges français, parce que le gouvernement ivoirien lui interdit de quitter la Côte d’Ivoire. Laurent Gbagbo en est à sa septième année de détention. 82 témoins présentés par l’accusation n’ont pas suffi à certifier les charges qui pesaient contre lui.

Les magistrats de la Cour pénale internationale ont enjoint au procureur d’abandonner ou de requalifier les charges contre l’ancien président ivoirien. La France est un partenaire privilégié de la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi il voudrait connaître la position du Gouvernement sur la situation politique et sociale ivoirienne, et sur la cohérence de l’incarcération de M. Gbagbo, au regard de la faiblesse des charges reconnues contre lui ». C’est le drame ivoirien qui a été expliqué par Michel Larive à ses collègues et au ministre français de l’Europe et des affaires étrangères. L’engagement aux côtés des démocrates et résistants ivoiriens de ce député français n’étonne guère. Rappelons qu’en février 2018, il a séjourné durant près de quatre jours en Côte d’Ivoire pour s’imprégner de l’Etat de non droit qui prévaut dans le pays depuis l’arrivée de Ouattara au pouvoir.

A l’issue de son séjour en terre ivoirienne, il a dressé un bilan sombre de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés politiques en Côte d’Ivoire. «Alassane Ouattara est critiqué pour sa gestion de l’armée et de la justice, accusées par les partis d’opposition de perpétrer des exactions contre des partisans de son prédécesseur, et de se livrer à une « justice des vainqueurs ». J’ai rencontré, parmi les partis politiques d’opposition, le Fpi – le Front populaire ivoirien. Ils sont enclins à la négociation, favorables à la réconciliation du pays, fracturé en deux clans pendant la crise postélectorale de 2011. Pour que ce processus de négociation s’enclenche, il n’y a qu’une seule solution selon le Fpi : la libération de Laurent Gbagbo. Ils m’ont avancé des arguments parlants : 82 témoignages à la Cpi en faveur de Gbagbo.

Le 1er décembre 2017, Le Monde diplomatique dans un article intitulé “Débâcle de l’accusation contre M.Gbagbo” affirmait : « aucun des quatre-vingt témoins de l’accusation n’a apporté d’éléments probants sur […] la culpabilité de l’ancien chef d’État ivoirien. Leurs propos ont été soit confus, soit contradictoires, et de nombreux témoignages ont tourné à l’avantage des accusés». (…) Il y a la situation des prisonniers d’opinion, enfermés pour la plupart à la Maca – La Maison d’Arrêt Militaire d’Abidjan. Plus de 250 personnes vivent dans des conditions de détention dramatiques. J’ai été alerté par les familles des détenus. Quasiment tous les détenus sont malades, développent des cas de béribéri, sont mal nourris. Ils souffrent d’hypertension, de paludisme, de fièvre, de tumeurs, et ils ne reçoivent pas le soin nécessaire à leur survie.

Au moins 7 d’entre eux sont morts en prison. Koffi N’dri Boniface est décédé le 23 juillet 2013. Pekoula Joël est décédé le 10 novembre 2013. Assemian Martin est décédé le 15 novembre 2014. Kouya Gnepa Eric est décédé le 5 décembre 2015. Djekouri Aimé est décédé le 17 juin 2016. Kouatchu Assié Jean est décédé le 20 mai 2015 et Todé Bonfils est décédé le 29 juin 2017. Quand on les laisse sortir, c’est parce qu’on est sûr qu’ils ne reviendront pas vivants. Ils meurent dehors, quelques heures après leur sortie. On compte au moins 5 hommes morts dans ces conditions et la liste va encore s’allonger.Beaucoup des détenus demeurent sous le coup de sanctions financières et ont vu leurs comptes bloqués par réquisition du Procureur de la République, au mépris des dispositions légales en vigueur. Cela donne des enfants déscolarisés, des familles entières jetées à la rue, des mères incapables de prendre en charge les frais de santé de leurs enfants…

Nous sommes face à ce que les épouses, les mères, les filles, les sœurs, les enfants et les parents que j’ai rencontrés appellent “un désastre social, économique, sanitaire et psychologique”. (…) La Commission électorale indépendante ivoirienne est discutable. La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples a condamné le Gouvernement ivoirien et lui a clairement demandé dans un arrêt du 18 novembre 2016 de modifier la commission électorale. Elle reconnaît que l’Etat “a violé son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la Charte africaine sur la démocratie”. Elle reconnaît que l’Etat “a violé son obligation de protéger le droit à une égale protection de la loi, garanti par l’article 10 de la Charte africaine sur le démocratie”. Elle ordonne à l’Etat de “modifier (“dans un délais raisonnable”) la loi N°2014-335 du 18 juin 2014 relative à la Commission Electorale indépendante pour la rendre conforme”.

Cette condamnation par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples met en relief un nouveau barrage à l’amélioration de la situation ivoirienne. Il faut, pour que négociation et réconciliation aient lieu, que l’Etat ivoirien accède aux demandes de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, rapidement. Enfin, les multiples attaques perpétrées contre la famille Gbagbo participent de l’empêchement d’une réconciliation entre les “deux côtes ivoiriennes”. Gbagbo-père, l’ancien Président est incarcéré, sans véritables chefs d’accusation, depuis 7 ans. Gbagbo-femme est en “garde à vue” depuis plusieurs années et est aujourd’hui dans un état de santé critique, très affaiblie. Il est important de noter qu’aucune charge n’est retenue contre elle par la Cour pénale internationale. Gbagbo-fils est quant à lui interdit de quitter le territoire. Il s’agit pourtant d’un ressortissant français, né à Lyon, qui a porté plainte auprès des autorités françaises contre Guillaume Soro et contre tous les commandants de zone pour séquestration, traitements inhumains et dégradants.

Les deux convocations devant le juge d’instruction français dont il a fait l’objet se sont vues opposer le refus des autorités ivoiriennes. La libération du couple Gbagbo et l’autorisation de sortir du territoire ivoirien de leur fils est une condition sine qua non à la négociation de demain. Il faut, pour que négociation et réconciliation aient lieu, que la situation des Gbagbo soit solutionnée au plus vite !(…) Les conditions d’arrestation et de détention des prisonniers, l’illégitimité de la commission électorale indépendante de Côte d’Ivoire ou les inculpations et comportements liberticides à l’encontre de la famille Gbagbo doivent cesser. C’est en passant par-là que le processus de réconciliation va s’enclencher et que la situation de blocage pourra être levée, sinon améliorée. La porte d’entrée vers la solution serait pour moi le respect de la loi de 2014 ainsi que de l’application de la décision de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, c’est à dire la condamnation de la Cei. Pour entamer ce processus en vue des prochaines élections, il faut que tout ceci soit réglé ou amélioré.», a dénoncé Michel Larive au cours d’une conférence de presse animée en France.
FT

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