Le 17 mars dernier, un congrès extraordinaire a plébiscité Karamoko Lancina comme nouveau président de Lider. Pendant ce temps, l’autre camp, celui du fondateur du parti Mamadou Koulibaly s’active à organiser le 3e congrès de Lider à son siège de la Riviera Golf. Nous avons rencontré Karamoko Lancina qui explique ici les raisons de sa dissidence. Interview…
Après votre plébiscite au premier congrès extraordinaire de Lider quelle sera la suite quant à la vie du parti ?
La suite c’est la restructuration du parti afin qu’il devienne un parti normal. Parce que un parti qui a un président et qui n’a pas de vice-président, un parti qui a un secrétaire général et qui n’a pas de secrétaires généraux adjoints a du mal à fonctionner. Un parti politique où les décisions se prennent entre le président et sa conseillère exécutive n’est pas un parti politique. Nous irons donc rapidement en séminaire pour régler le problème de la restructuration avant d’aborder les problèmes d’organisation administrative.
Vous parlez là de Lider dont le fondateur Mamadou Koulibaly est encore là, il n’a pas encore renoncé et tient toujours les rênes du parti. Est-ce que tout cela ne va pas créer un tas de problèmes ?
Les problèmes vont sans doute s’aggraver mais j’ai toujours dit que Mamadou Koulibaly a créé Lider, c’est vrai ! Mais ce parti n’est ni sa propriété privée ni son entreprise personnelle. C’est un parti auquel nous avons librement adhéré au regard des statuts et règlement intérieur. Les textes s’appliquent donc à lui comme à tout autre militant.
Est-ce que vous êtes en mission pour le Rdr comme s’interrogent nos commentateurs qui estiment que vous venez diviser le parti de Koulibaly qui a d’ailleurs annoncé sa candidature pour 2020 ?
C’est déjà une violation des textes ! Mamadou ne peut pas annoncer sa candidature pour 2020 par une simple déclaration. C’est un congrès qui doit l’investir. Maintenant, ceux qui estiment que nous sommes en mission pour le Rdr prennent des raccourcis. Je voudrais ramener les Ivoiriens aux textes de Lider. Il faut que les Ivoiriens soient aussi regardants des textes. Est-ce que depuis que je dénonce, ils ont pris le temps de regarder les textes. Est-ce que ces textes ont été violés ou pas ? Mamadou Koulibaly a eu deux mandats de trois ans, il a eu le temps d’organiser un congrès, il ne l’a pas fait. Nous constatons simplement qu’il est forclos. C’est cela qu’il faut regarder. Lui-même en son temps, après la chute de Gbagbo, des gens ont dit ici pourquoi ses comptes n’ont pas été gelés, pourquoi il n’a pas été arrêté donc c’est le frère de Ouattara, son pion pour diviser le Fpi. Nous avions dit en ce moment-là qu’il ne fallait pas voir les choses ainsi. Dire que je suis en mission pour le Rdr est donc une fuite en avant que je ne peux pas accepter.
Avez-vous un problème personnel avec Koulibaly ?
Je n’ai pas de problème personnel avec lui. Je le considère comme un ami, comme un frère. J’ai de très bonne relation avec sa famille et vice versa. Mais je me dis que ce qu’il me reproche, c’est d’avoir élevé le ton sur Nathalie Yamb (conseillère exécutive, ndlr) au cours d’une réunion.
Que s’est-il passé ?
J’étais allé à Yapokoi (Azaguié) en 2016 parce que j’étais candidat là-bas. Elle me reprochait le fait de ne pas avoir tenu de propos violent à l’endroit du régime. Pour elle le fait d’y avoir tenu un discours apaisant faisait de moi un partisan du Rdr. En fait je donnais mon opinion sur les mutineries à répétition à cette époque-là. J’ai dit qu’il était inutile de troubler la quiétude des populations parce que Ouattara ne se trouve pas à Yapokoi encore moins à N’Dotré et que s’ils le désiraient, ils pouvaient entrer en politique et battre Ouattara dans les urnes que d’effrayer les populations. A la réunion j’ai tenté de donner des explications, elle m’a traité de menteur et d’être un envoyé du Rhdp. J’ai répliqué pour lui reprocher aussi sa mauvaise gestion du parti et des hommes et qu’elle serait elle aussi en mission pour détruire le parti.
À vous entendre, n’est-ce pas un combat contre Nathalie Yamb que vous menez au lieu de l’affirmation d’une vraie position politique ?
Si le combat que je mène ne tenait pas compte des textes du parti on pouvait affirmer cela. Mais là où je ne suis pas d’accord avec elle, c’est qu’elle viole permanemment les textes du parti et elle veut qu’on avance avec ça. Que ce soit Nathalie ou quelqu’un d’autre, si on ne tient pas compte des textes et qu’on veut nous infantiliser, je n’accepterai pas cela et cette personne me trouverait sur son chemin.
Beaucoup de gens vous ont connu évoluant dans l’ombre de Koulibaly. On vous appelle même son bras droit et vous partagez des secrets avec lui. Cette nouvelle posture de votre part ne vous gêne-t-elle pas ?
Evidemment ! Cela me gêne parce que je l’ai dit, c’est un frère, c’est un ami et nous voir comme ça à couteaux tirés, ça me gêne énormément. Mais voyez-vous je ne pouvais pas sacrifier les textes du parti sur l’autel de notre amitié. C’est pourquoi très tôt, j’ai envoyé des amis vers lui pour qu’on se parle et afin d’évacuer ces questions. Mais la demande des militants était pressante et on n’a pas pu régler ces problèmes. Toutefois, au-delà des questions politiques, il demeure un ami, un frère. C’est un peu comme son cas. C’est lui qui dénonçait le plus au Fpi, il a même démissionné de ce parti et d’aucuns pariaient qu’il n’adresserait plus la parole au président Gbagbo. Ceci n’a pas empêché sa récente rencontre avec son ami Gbagbo à La Haye et ils ont pu évacuer certaines divergences de vue.
A quelle condition pourriez-vous revenir avec lui ?
Revenir avec Koulibaly, c’est évacuer un certain nombre de ressentiments qu’il a vis-à-vis de moi. Parce que j’ai eu à faire des sorties dans la presse qu’il n’a pas toujours appréciées. Je suis toujours prêt à le rencontrer sur ce point pour lui expliquer que ces sorties n’étaient pas dirigées contre lui. Mais sur la violation des textes du parti, je ne transigerai pas. Que ce soit en privé ou en public, je lui dirai que les textes du parti ont été violés et qu’il a dû commettre des erreurs en tant qu’être humain.
En 2020, Mamadou Koulibaly dit qu’il va à la présidentielle. Vous, vous allez où avec votre morceau de Lider ?
Je ne suis pas un divin pour prédire l’avenir. Je me contente de ce que je sois à ce jour, le nouveau président de Lider. J’irai à la rencontre de tout le monde à bras ouverts pour reconstruire le parti. Je ne dis pas que tout le monde à Lider est avec moi mais je me mettrai au travail pour rassembler tout le monde.
Dans la guerre de l’utilisation du logo de Lider qui se profile à l’horizon, êtes-vous prêt à une bataille juridique avec Koulibaly ?
Mais il n’est plus président de Lider. Le logo appartient à Lider, il ne lui appartient pas. Maintenant si je constate de par mes enquêtes que le logo de Lider est sa propriété privée, alors seulement là, je changerai de nom car en définitive, le logo n’est pas important c’est le contenu qui nous intéresse. Souvenez-vous qu’il y a quelques jours Marine Lepen a changé le nom du Front national et l’Ump de Sarkozy est devenu ‘’Les Républicains’’. Lui-même quand il était encore président par intérim du Fpi, il m’avait confié quelques jours avant qu’il allait changer le nom du Fpi parce que le Fpi ne faisait plus gagner. Si lui, il pense qu’on peut changer le nom du Fpi avec les mêmes militants, moi aussi je peux changer le nom de Lider. Ce n’est donc pas le nom qui est le plus important. Maintenant, s’il va en justice, nous irons. Mais sachez qu’il va connaître la plus grosse désillusion de sa vie. Nous avons les textes avec nous !
Avec cette nouvelle configuration du parti divisé, comment voyez-vous la prestation de Koulibaly à la présidentielle en 2020 ?
Si à un congrès Lider choisit Mamadou Koulibaly comme candidat, alors il sera notre candidat. Mais pour le moment, Lider n’a aucun candidat à la présidentielle. En 2014, c’est en congrès que nous l’avions désigné comme candidat et en 2015, c’est par un tweet qu’il a renoncé à la candidature sans s’en référer au congrès encore moins à une structure du parti. Il a pris les 100 millions de FCFA, ils ne sous a jamais rendu compte. Maintenant, s’il est candidat au nom d’une autre structure, si on s’entend on va avec lui sinon on s’affrontera. Il n’y a rien d’autre que ça.
Vous lui prédisez un bon avenir politique ?
Comme je l’ai dit je ne suis pas divin pour dire ce qu’il sera demain. Mais avec ce que je vois aujourd’hui, je doute fort qu’il sera un grand homme politique. Un grand homme politique n’est pas rancunier. Un grand homme politique est un rassembleur, il a beaucoup d’humilité. A un moment donné, il s’arrête pour se demander est-ce que j’ai bien fait ou mal fait. Un grand homme politique doit avoir le sens du dialogue. Voici pourquoi depuis longtemps il patauge et n’avance pas parce qu’il fait tout à sa tête. C’est un enfant gâté.
N’empêche qu’il fait quand même buzz avec sa tribune « jeudi, c’est Koulibaly ». Il rassure bon nombre d’internautes qui n’hésitent plus à le rallier ! Tout cela ne vous impressionne pas ?
Il rassure ceux qui ne le connaissent pas. Vous savez que ceux qui parlent bien sont appréciés de tout le monde. Mais quand il s’agit de passer aux actes il faudra réfléchir deux fois. On est habitué aux bonnes paroles. Il était dans l’appareil du Fpi, il a été président de l’Assemblée nationale. Interrogez ses camarades députés d’alors pour savoir s’il a été un bon président. Je crois que 98 % de ceux-ci vous diront qu’il a été un mauvais président de l’assemblée nationale. Il est ce grand prédicateur qui dit faites ce que je dis mais ne faites pas comme je fais. C’est le monsieur qui veut que tout le monde soit d’accord avec lui mais lui il n’est jamais d’accord avec quelqu’un. Il doit changer ce caractère s’il veut être un grand homme politique.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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