Soro et l’esprit du fescisme en Côte-d’Ivoire: Le renouveau générationnel ivoirien en marche

L’Editorial de Franklin Nyamsi

Professeur agrégé de philosophie, Paris-France

Ces derniers temps, la Côte d’Ivoire politique est une terre en mutations profondes. L’observateur qui la scrute attentivement voit les grandes plaques tectoniques de cette société se déplacer, se recomposer, se repositionner, s’enchevêtrer mutuellement de façon lente, mais tout aussi imprévisible que sûre.

IL y a bien sûr d’abord la plaque du sentiment profond du peuple, en attente de bien-être matériel et moral amplement partagé, frustré qu’on dise faire assez pour lui, alors que bien des millions de gens subissent encore dans ce pays le malheur d’un seul pseudo-repas par jour. Ce peuple-là, n’appartient à aucun parti, à aucun leader, à aucune alliance : il juge tous les politiques sur pièce, toute la classe politique sur la satisfaction ou non de ses besoins et aspirations : manger, boire, se soigner, s’instruire et s’éduquer, se loger, se vêtir, se déplacer, être en sécurité, avoir un emploi stable et bien rémunéré, être respecté dans ses droits, pouvoir préparer l’avenir en toute confiance pour soi-même et ses descendants, etc. Mais il y a une autre plaque, tout aussi puissante, celle des organisations de jeunesse et des femmes, dans lesquelles, par-delà les obédiences politiques et syndicales divergentes, apparaît une exigence nouvelle : assumer ce que la Côte d’Ivoire, pays jeune à 80%, est démographiquement devenue, en confiant l’avenir du pays à ceux qui en ont encore un. Enfin, il y a la plaque des organisations politiques, où les schémas d’alliances se reconfigurent et se redessinent autrement sous nos yeux, au grand dam des grands souffrants de la folie des grandeurs.

C’est donc en pleine conscience de ces demandes sociales fortes et multidimensionnelles que Guillaume Soro, chef du parlement ivoirien, connu pour être imbibé du pouls profond de son pays, privilégie depuis de longues années les expériences d’écoute et d’immersion parmi les gens de son pays, afin d’être au cœur de la réflexion et de l’action pour une nation plus parfaite.

Et dès lors, la question suivante s’éclaire : pourquoi Guillaume Soro accorde-t-il une audience favorable aux générations fescistes qui se réjouissent de l’accueillir ces derniers temps en leurs rangs resserrés ?

A bien écouter les échanges publics ces derniers jours, entre les anciens secrétaires généraux de la FESCI, Martial Ahipeaud, Eugène Djué, Blé Guirao, Guillaume Soro, Jean-Yves Dibopieu, et autres, on découvre que cette génération prend conscience, avec le recul du temps, de son importance dans l’Histoire des trente dernières années de la Côte d’Ivoire, celles qui vont globalement de 1989 à 2018. Par ricochet, cette génération prend conscience pleinement de ses devoirs pour une Côte d’Ivoire meilleure.

La FESCI découvre qu’en raison de ses propres divisions et dissensions internes mues par les opportunismes concurrents des forces politiques qui convoitaient sa puissance, elle n’est pas parfaitement à la place de choix qui aurait dû être la sienne dans ce pays qu’elle a pourtant marqué. La FESCI recherche le sens de l’intérêt général qui fonda autrefois ses plus nobles combats.

En effet, la plus grande mutation politique que ce pays ait connue date des années 1990, avec le retour officiel du système politique au multipartisme. De 1960 à 1990 pratiquement, soit pendant 30 ans, le PDCI-RDA du Président Félix Houphouet-Boigny gouverne ce pays, comme parti unique et unique parti officiellement reconnu. C’est en son sein que le PDCI-RDA prétend alors brasser toute la diversité idéologique ivoirienne, à la manière des partis centralistes de l’Est socialiste, alors même que paradoxalement, l’essentiel de l’Afrique francophone est sous l’influence, via la présence tutélaire française, du camp de l’Ouest libéral.

Répondons donc à présent à la question du pourquoi et du comment du multipartisme. Au plan des raisons, le multipartisme est une exigence de liberté des entrailles des nations africaines éveillées par l’enseignement de leurs élites critiques. C’est aussi une exigence pragmatique pour pouvoir donner un cadre d’expression pacifique au pluralisme idéologique évident de toute société africaine. C’est enfin, une injonction stratégique venue d’Occident, à la suite du fameux Vent de l’Est, et du discours mitterrandien de La Baule, qui admettent que sans cette ouverture démocratique, le vieux monde d’influence occidentale libérale va à sa tour s’effondrer comme le Mur de Berlin signe le déclin de l’Est.

Voilà pour les motivations. Mais comment le multipartisme a-t-il pu être instauré ? Non pas par la seule et unique bonne volonté du parti alors au pouvoir en Côte d’Ivoire, le PDCI-RDA. Loin de là, disons-le tout net. Du multipartisme, ce parti trentenaire au pouvoir n’en voulait pas, pour la simple et bonne raison qu’il avait pris l’habitude de considérer le séjour au pouvoir comme son topos le plus naturel. Qui voulait donc le multipartisme ? Citons les familles contestataires qui en ont précipité l’avènement.

IL y avait bien sûr les intellectuels de la gauche révolutionnaire et sociodémocrate, bien sûr, tels un Bernard Zadi Zaourou, un Djéni Kobina, un Laurent Gbagbo, un Bamba Moriféré, et j’en passe.

IL y eut aussi les cellules radicales des partis révolutionnaires, restées en sommeil à travers toute la Côte d’Ivoire, depuis les années 50, car il ne faut pas oublier que le PDCI-RDA fut lui-même apparenté un temps au Parti Communiste Français, pendant la période précédant l’indépendance.

Mais toutes les entités ci-dessus citées n’auraient pu secouer le cocotier houphouétiste sans l’apport d’un fer de lance décisif : les étudiants syndiqués de Côte d’Ivoire, notamment au sein de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI). Puisqu’il n’y a de pays que d’hommes, il fallait que le peuple soit aux barricades. Mais pas n’importe quel peuple : un peuple instruit et éduqué, conscient des grands enjeux de la lutte pour une réorganisation du système politique national dans un sens plus inclusif, plus objectif, en un mot, réellement démocratique, au sens des démocraties modernes de l’Occident, qui tutorait pourtant les gouvernements francophones. La FESCI a donc constitué pendant les années de braise 90, la masse volumique nécessaire pour donner à l’opposition un poids dans le rapport de forces stratégiques avec le pouvoir PDCI-RDA.

On en vient ainsi à la raison pour laquelle Guillaume Soro répond favorablement à l’appel fraternel des autres leaders de la FESCI. Et le Camarade Général Bogota de dire :

« Dans ce pays, nous ne devons pas laisser falsifier l’Histoire. Qu’on le veuille ou non, le multipartisme a été restauré dans ce pays grâce au combat de notre génération. Nous ne pouvons donc qu’ être solidaires du présent et de l’avenir de notre pays. »

On a donc ici, toute la dimension de l’esprit du fescisme qui réapparait dans toute sa densité, autour d’un concept majeur évoqué par tous les ex-leaders de ce mouvement entendus ces derniers jours : la solidarité. C’est le fait d’agir l’un pour l’autre, comme nous voudrions que les autres agissent pour nous. C’est la conscience d’être embarqués dans le même bateau historique et de ne pouvoir réussir en oubliant qu’on n’est et ne sera jamais seul. Si comme le soulignait Jean-Jacques Rousseau, « IL y a de la honte à vivre heureux tout seul », l’esprit du fescisme qui renaît est celui d’une génération qui sait qu’elle a fait jadis et fait encore la Côte d’Ivoire sans pourtant être encore capable de se faire elle-même. Une génération qui soudain, se rappelle devant les millions d’Ivoiriens en détresse diversifiée, ce mot prémonitoire de Franz Fanon, ce martiniquais fils adoptif de l’Algérie comme je le suis de la Côte d’Ivoire :

« Chaque génération doit, dans une certaine opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ».

Quelle fut et quelle est à présent la mission fesciste ? De toute évidence, elle fut de donner à la lutte pour le pluralisme démocratique la force sociale nécessaire pour s’accomplir. Elle est, aujourd’hui, d’assumer, à l’abri des errements identitaires et tragiques qui ont failli livrer la Côte d’Ivoire aux abîmes, une nouvelle mission : construire un consensus solidaire pour un pays gouverné par et pour les intérêts de ses populations, en tous domaines : santé, éducation, emploi, respect des droits humains, sauvegarde écologique, diversification économique, partage élargi aux plus démunis des fruits de la croissance, intégration africaine, sécurité. Et, fort heureusement, cette nouvelle mission que l’esprit du fescisme pourrait faire sienne se trouve être en parfaite phase avec l’ambition profonde du soroisme : rendre concrète pour tous les Ivoiriens, la prospérité et la dignité humaines, en sortant définitivement de la malédiction de la division et de l’opportunisme politiques qui ont autant freiné le succès politique de l’esprit fesciste que l’accomplissement d’une nouvelle et exemplaire fraternité citoyenne ivoirienne. Puissent les événements futurs confirmer cette chance nouvelle, afin que ce qui doit être soit !

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3 réflexions au sujet de “Soro et l’esprit du fescisme en Côte-d’Ivoire: Le renouveau générationnel ivoirien en marche”

  1. Exercice difficile !!

    Voici un communicateur de SORO qui dépeint son maitre avec brio, des lignes et des lignes alléchantes, qui ont toutes pour objectif d’édulcorer le profil de notre cher ami SORO !!

    On remarquera que le mot REBELLE ne figure pas dans ce texte. La rébellion n’est pas évoquée.

    Ce sont pourtant dix ans dans le CV de SORO (le quart de sa vie sur terre !!!) qui tournent autour de la rébellion, de ses centaines de milliers de morts, des destructions de biens, du retard économique du pays et de l’impact sur l’éducation nationale et l’enseignement supérieur !!

    SORO se retrouve ici avec des gens qui se battaient pour que l’école continue, quand lui, il faisait tout par ses actions de sabotage pour que le pays se bloque tout entier, pour qu’il devienne ingouvernable, pour une sombre raison de carte d’identité déchirée !!

    Du mauvais gout !!

    De la mauvaise foi, mon cher ami NYAMSI.

    On accepte les rapprochements entre membres de la FESCI, anciens ou nouveau, car c’est dans le dialogue que les solutions les plus solides et durables sont trouvées, mais ne nous prenez pas pour des idiots.

    Nous n’oublions pas !!

    Tout comme nous n’oublions pas que la figure la plus emblématique de la FESCI se trouve incarcérée à la HAYE, pour crimes contre l’humanité, quand son alter égo SORO, votre patron, fanfaronne dans la capitale et s’impose aux autres fescistes, après avoir inscrit sur son ardoise quelques génocides, crimes de guerres, crimes de sang, casses de banques, destructions de biens, déstabilisation de tout une république !!

    Il est en position de force et il sourit !! La FESCI se met à genoux devant lui. Il joue ses cartes de politicien et essaie de se construire une nouvelle carrure et image, s’il le faut, en marchant sur les cadavres de tous ces étudiants qui ont combattu aux cotés des FDS pour libérer leur pays !!

    Mais le temps passe et rien n’est éternel !!

    Pop !!

  2. Renouveau générationnel oui, mais pas avec n’importe qui. On ne va se débarrasser des “vieux” pour les remplacer par la médiocrité.

    Un peu de respect pour notre belle Cote d’Ivoire….merde !!!

  3. La FESCI reste un syndicat dirigé par des leaders d’opinion et des défenseurs des droits estudiantins (c’est aussi forcément un creuset d’excellence pour les personnes qui veulent s’adonner à la politique)!!

    Le critère d’excellence qui s’applique ici est avant tout la sensibilité et l’engagement a produire envers la chose estudiantine et non la qualité des notes, le niveau des diplômes ou le nombre de tableau d’honneur !!

    Ceux qui se sont retrouvés devant son donc forcément ce qu’il y avait de mieux à offrir, d’autant plus que la FESCI à la base un fonctionnement démocratique et donc se repose sur le vote de ses dirigeants !!

    Toutefois, il existe aussi des clubs scientifiques, de chimie, de maths, de pharmacie, de football, de karaté, de natation, etc. etc.

    C’est à vous mon cher @petit balèze de les faire connaitre au lieu de vilipender la FESCI qui a eu autant de publicité essentiellement à cause des crises politiques que le pays traverse, crises qui ont eu un impact majeur sur le milieu estudiantin et scolaire !! C’est tout a fait légitime que ce syndicat se sente indexé et hausse le ton, quand une nébuleuse rebelle et assassine se lève et menace le fonctionnement régulier des écoles et universités !!

    En France, en Allemagne, en Autriche, en Norvège, il existe des équivalents de la FESCI, mais on n’en entend pas parler, parce que ces pays ne vivent pas les crises politiques que nous connaissons !

    Respecter son pays, c’est aussi reconnaître à chacun son mérite dans ce pays. Les mouvements syndicaux ont leur part à apporter dans tout pays qui cherche à se construire car ils servent de régulateur, du moins, si on leur donne le droit de parler (n’oublions pas que la peinture appliqué sur les murs de l’université au montant de 115 milliards de FCFA s’est faite sans que la FESCI n’ait eu le droit de broncher. Une grosse facture produite juste pour taper dedans !!)

    SI vous voulez de l’excellence, allez dans les clubs universitaires de nerds et vous serez servis, car ce pays recèle de nombreuses valeurs scientifiques qu’il nous tarde d’exploiter. Mais ne demandez pas à un expert en chimie de produire un discours ou de proposer des solutions pour améliorer la CEI !!

    Vous m’avez compris !!

    Ce rassemblement de la FESCI à une teneur hautement et uniquement politique et non scientifique et technique !!

    Dommage que la FESCI soit en ce moment sous contrôle du gouvernement. Sa voix nous a manqué dans les affaires récentes de meurtres sur les écoliers et la destruction de biens administratifs !!

    BOUBA aurait apprécié que la FESCI fasse un don de soi !!

    Pop !!

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