«L’État, c’est moi». Cette formule est attribuée au roi Louis XIV. La presse française ne s’est pas trompée en baptisant Ouattara «le monarque républicain». Mais pourquoi cet homme fort d’une République à ses ordres se croit-il obligé d’effectuer des passages en force?
«L’État, c’est moi». Cette formule est attribuée au roi Louis XIV. Mais si ce souverain français est accusé d’avoir prononcé cette phrase le 13 avril 1655 pour rappeler les parlementaires parisiens à l’ordre, en Côte d’Ivoire, il n’y a aucune défiance d’aucune Institution. Elles sont toutes aux pas. Mais Alassane Ouattara veut, afin que nul n’en ignore, démontrer qu’il est l’homme fort et rappeler la primauté royale du «monarque républicain» qu’il est.
«L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes Institutions». Barack Obama a quitté le pouvoir et sa célèbre phrase prononcée le 11 juillet 2009 à Accra, capitale du Ghana, est tombée dans des oreilles de sourds en Afrique. Les hommes forts continuent d’y faire la pluie et le beau temps.
Le 24 mars 2018, les électeurs ivoiriens se rendront aux urnes pour élire leurs premiers sénateurs. Pas exactement: c’est le suffrage universel indirect au scrutin majoritaire à un tour qui a été retenu. Le corpus électoral est composé uniquement des conseillers de district autonome élus, de conseillers régionaux, de conseillers municipaux.
Par l’ordonnance n°2018-143 du 14 février 2018 relative à l’élection des sénateurs, Alassane Ouattara a souverainement défini les conditions d’éligibilité et de nomination des sénateurs (un tiers des sénateurs est désigné par le chef de l’État selon l’article 87 de la Constitution), leur nombre (chaque région et chaque district autonome est représenté au Sénat par deux sénateurs élus), le mode du scrutin et le collège électoral.
Le chef de l’État peut gouverner, en effet, par ordonnance. «Le Président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement, par une loi d’ordonnance (appelée la loi d’habilitation, ndlr), pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.»
Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis éventuel du Conseil constitutionnel. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification, n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation», dispose l’article 106 de la Constitution créant la IIIè République.
Le 27 décembre 2017, Alassane Ouattara a eu le feu vert de l’Assemblée nationale pour légiférer par ordonnance, mais seulement «en matière économique et financière». L’article 12 de cette loi d’habilitation dispose: «Le Président de la République est autorisé à prendre par ordonnance, pendant la gestion 2018, pour l’exécution de son programme en matière économique et financière, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces ordonnances doivent être soumises à la ratification de l’Assemblée nationale, au plus tard avant la fin de la session ordinaire de l’année 2018».
Mais pour l’organisation des sénatoriales, Ouattara a détourné cette loi d’habilitation à une fin autre que ce qu’elle prévoit. Au vu et au su du Conseil constitutionnel qui est godillot.
«L’État, c’est moi», peut-on résumer en rappelant cette célèbre formule attribuée au roi Louis XIV en colère contre la défiance des parlementaires parisiens. Ouattara, hors-la-loi a pris ses libertés avec toutes les procédures et dispositions existantes. Son ordonnance controversée par laquelle il a ignoré l’Assemblée nationale, remet à la saint glinglin l’adoption d’un nouveau Code électoral, reconduit la Commission électorale indépendante (CEI) disqualifiée par la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) et remplace la loi organique.
«Les lois organiques, selon l’alinéa 1 de l’article 102 de la Constitution, sont celles qui ont pour objet de préciser ou compléter les dispositions relatives à l’organisation ou au fonctionnement des Institutions, structures et systèmes prévus ou qualifiés comme tels par la Constitution.»
Le scrutin des sénatoriales est universel, mais indirect. Tous les électeurs ne sont pas qualifiés pour porter leur choix sur un candidat.
Et selon l’article 90 de la Constitution, «une loi organique fixe le nombre des membres de chaque Chambre (Assemblée nationale et Sénat), les conditions d’éligibilité et incompatibilités et de nomination, le régime de l’inéligibilité et incompatibilités, les modalités de scrutin ainsi que les conditions dans lesquelles il y a lieu d’organiser de nouvelles élections ou de procéder à de nouvelles nominations, en cas de vacance de siège de député ou de sénateur».
Alassane Ouattara s’est substitué à la loi organique. Car il est aussi le juge Dredd joué par Sylvester Stallone dans le film de science fiction Judge Dredd réalisé par Danny Cannon. «La loi, c’est moi, et l’ordre», soutenait le juge Dredd dans ce film, pour incarner une société dictatoriale dans un monde partagé entre la répression, l’obéissance et la violation des droits.
Dans les violations des dispositions constitutionnelles, le chef de l’État ivoirien n’est pas à un coup d’essai. Il est définitivement disqualifié par l’arrêt de la Chambre administrative de la Cour suprême du 6 octobre 2000. Lui-même savait que, régulièrement, il ne pouvait diriger la Côte d’Ivoire.
«Le nouveau Code électoral ne me permet pas d’être candidat. Et comme je suis attaché à la légalité, il ne m’est pas possible de faire acte de candidature», déclarait-il dans une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique n°1812 du 28 septembre au 4 octobre 1995. Et s’il préside aujourd’hui aux destinées de l’État de Côte d’Ivoire, alors que les conditions d’éligibilité prévalant en 1995 ont été corsées en 2000, c’est suite à une rébellion armée qui lui a permis de fouler aux pieds toutes les conditions d’éligibilité.
C’est dans cette logique de tordre le cou aux lois qui le dérangent qu’il s’est installé. Durant son premier mandat (avril 2011 – octobre 2015), il est resté président en exercice du RDR, le parti au pouvoir, alors que l’article 54 de la Constitution de la défunte IIè République était limpide: «Les fonctions de président de la République sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de tout emploi public, de toute activité professionnelle et de toute fonction de dirigeant de parti politique».
«Je ne vais pas m’ériger en président de plusieurs partis. Selon la Constitution, je n’ai même pas le droit d’être président d’un parti; ce qui d’ailleurs est anormal. Il faut qu’on change notre Constitution sur cette question», s’est-il rebellé dans l’interview au quotidien Fraternité Matin n°15.164 du 26 juin 2015.
C’est pourquoi même s’il a commis un comité d’experts dirigé par le professeur Ouraga Obou qui a taillé un texte constitutionnel instaurant la IIIè République à sa mesure avec toutes les Institutions de la République à sa solde et sous ses bottes, il reste insatiable.
Dans sa colère noire, Ouattara avait dissous le 14 novembre 2012, le Gouvernement du Premier ministre Ahoussou Kouadio Jeannot parce que les groupes parlementaires du PDCI-RDA et de l’UDPCI (partis membres du RHDP, la coalition politique au pouvoir) «ont voté en commission, selon Amadou Gon Coulibaly, secrétaire général de la Présidence de la République, contre le texte du Gouvernement» qui modifie la loi sur le mariage.
Ahoussou Kouadio Jeannot, éphémère Premier ministre qui a subi la col-re noire de Ouattara.
Or, l’alinéa 2 de l’article 66 de la Constitution de la défunte IIè République dispose: «Tout mandat impératif est nul». Mais Ouattara est un je-m’en-foutiste au point que Vangah Romain-Francis Wodié, président du Conseil constitutionnel, a rendu le tablier le 2 février 2015.
Il fait ce qu’il veut, où il veut et quand il veut de sorte qu’il a fait disparaître son prénom Dramane qu’il portait au FMI et à la primature sous Houphouët-Boigny de son état civil. Il n’est plus Alassane Dramane Ouattara dit ADO, mais Alassane Ouattara. C’est, comme les médias français l’ont baptisé, le «monarque républicain».
Montesquieu, dans l’extrait du livre VIII, chapitre 6 de L’Esprit des lois (1748), mettait en garde: «La monarchie se perd lorsqu’un prince, rapportant tout uniquement à lui, appelle l’état à sa capitale, la capitale à sa cour et la cour à sa personne».
Attendez vous à ce que les balafrés répondent à cet article par des invectives vertes et non mures !!
Personne, je dis bien personne, n’osera mener le débat intellectuel et juridique autour de cette question, qui fait de OUATTARA le Roi de ce pays !!
Mais bon, si on les appelle les ADO-moutons, ce n’est pas par hasard !!
Oubliez donc l’opinion des 5.400 et continuez votre forfaiture !!
Pop !!