Performances économiques: « L’Afrique subsaharienne francophone demeure le moteur de la croissance africaine »

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En 2017, et pour la cinquième fois en six ans, l’Afrique subsaharienne francophone a réalisé les meilleures performances économiques du continent, malgré les difficultés rencontrées par les pays d’Afrique centrale. La tendance devrait se maintenir en 2018, même si une certaine vigilance s’impose.

Une version plus courte de cet article a également été publiée le même jour sur le site des Échos, et est accessible à travers le lien suivant :
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-178989-lafrique-subsaharienne-francophone-demeure-le-moteur-de-la-croissance-africaine-2151997.php

Pour la quatrième année consécutive et pour la cinquième fois en six ans, l’Afrique subsaharienne francophone a affiché les meilleures performances du continent, selon les données fournies par la Banque mondiale dans son rapport « Perspectives économiques mondiales », publié en janvier dernier. Cet ensemble de 22 pays a ainsi enregistré une croissance globale de 3,2 % (3,9 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne enregistrait un taux de 2,1 %.


Une croissance globale en hausse

La croissance de l’Afrique subsaharienne francophone a donc connu une hausse par rapport à l’année précédente (2,8 %, ou 3,6 % hors Guinée équatoriale). Dans le même temps, l’écart s’est réduit avec le reste de l’Afrique subsaharienne, dont la croissance avait été plus de trois fois inférieure (0,8 %). En 2017, quatre des cinq pays ayant réalisé la progression la plus élevée du continent faisaient partie de l’Afrique francophone, à savoir la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Sénégal et la Guinée.

Cette hausse résulte essentiellement de la relative stabilisation de la situation dans certains pays d’Afrique centrale, encore très dépendants des hydrocarbures, et plus marginalement par une légère hausse de la croissance en Afrique de l’Est francophone. En zone CFA, qui regroupe 14 des 22 pays francophones, la croissance est passée de 2,7 % en 2016 à 3,1 % (ou de 3,8 % à 4,1 %, hors Guinée équatoriale). Cette moyenne est à nouveau tirée par l’espace UEMOA, qui continue à être la plus vaste zone de forte croissance du continent (> 6 % par an).

Pour le reste de l’Afrique subsaharienne, la croissance globale demeure affectée par les graves difficultés des trois principales économies (le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola), ainsi que par un ralentissement de la croissance en Afrique de l’Est, dont font d’ailleurs partie les deux pays connaissant les conflits les plus meurtriers du continent (le Soudan du Sud et la Somalie).

Au Nigeria, en Afrique du Sud et en Angola, la situation reste très difficile malgré une légère amélioration, due principalement à la hausse des cours des matières premières. Ces pays ont ainsi respectivement affiché une croissance de 1 %, 0,8 % et 1,2 %, contre respectivement -1,6 %, 0,3 % et 0,0 % en 2016. Pour l’Afrique du Sud, cette croissance anémique se poursuit depuis plusieurs années, et semble durablement installée. Le PIB de ce pays devrait d’ailleurs, à terme, être dépassé par celui de l’Algérie, dont la progression annuelle semble être structurellement environ trois fois supérieure, en moyenne (2,2% en 2017, et plus de 3% les années précédentes), même hydrocarbures. Quant au Nigeria et à l’Angola, leurs économies peinent à redémarrer en dépit d’une dépréciation – probablement trop brutale – de leur monnaie, dont la valeur a baissé d’un peu plus de 50 % depuis le 1er janvier 2015 par rapport au dollar.

Sur la période 2012-2017, soit six années, la croissance annuelle moyenne de l’Afrique subsaharienne francophone s’est donc établie à 4,2 % (4,9 % hors Guinée équatoriale, et 6,4 % dans la zone UEMOA). Ce taux a été de 3 % pour le reste de l’Afrique subsaharienne.

 

Une Afrique de l’Ouest francophone particulièrement dynamique

Pour la quatrième année consécutive et la cinquième fois en six ans, les huit pays de la zone UEMOA (dont la lusophone, mais très francophile, Guinée-Bissau) ont enregistré une croissance globale supérieure à 6 % (6,5 %, et 6,6 % un an plus tôt). Alors qu’en 2016, sept de ces huit pays avaient connu une progression de plus de 5 %, tous ont cette fois dépassé cette barre symbolique. La zone UEMOA confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, et de relais de la croissance mondiale. Hors UEMOA, la Guinée confirme le redémarrage de son économie avec une hausse de son PIB de 6,7 % (6,6 % en 2016).

La Côte d’Ivoire et le Sénégal ont à nouveau affiché les meilleures performances d’Afrique de l’Ouest. Avec une croissance 7,6 %, la Côte d’Ivoire n’a été dépassée que par l’Éthiopie (8,5 %), dont les performances résultent essentiellement du très faible niveau de développement du pays, avec un PIB par habitant qui n’était encore que de 710 dollars début 2017 (contre de 1530 dollars pour la Côte d’Ivoire). La Côte d’Ivoire continue aussi à faire mieux que le Kenya, économie la plus développée d’Afrique de l’Est continentale, dont la croissance a été de 4,9 % en 2017 malgré un PIB par habitant légèrement inférieur (1450 dollars). Sur la période 2012-2017, la croissance annuelle a ainsi été de 8,9% en moyenne en Côte d’Ivoire et de 5,3 % au Kenya, soit un écart de près de 68 % en moyenne par an, sur ces 6 dernières années.

De son côté, le Sénégal a continué à afficher une croissance de plus de 6 % (6,8 %), soit davantage que des pays comme l’Ouganda (4,0 %) et le Rwanda (5,2 %), dont le PIB par habitant n’était que de 580 et 700 dollars, respectivement (950 pour le Sénégal). La croissance semble ainsi se tasser dans ces deux pays d’Afrique de l’Est, et notamment au Rwanda qui demeure l’un des quatre seuls pays africains – et non francophones – dans lesquels il n’existe aucune liberté d’expression, avec l’Érythrée, l’Égypte (au régime bien plus autoritaire que sous Moubarak) et le Swaziland (dernière monarchie absolue du continent, et 0,9% de croissance en 2017).

Si la faiblesse des cours des matières premières a également eu un impact positif, les bonnes performances de l’Afrique de l’Ouest francophone s’expliquent principalement par les nombreuses réformes mises en œuvre par la majorité des pays de la région. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso (dont la croissance s’est établie à 6,4 % en 2017). Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2018, et notamment la Côte d’Ivoire (passée de la 167e place à la 139e place), le Bénin (de la 175e à la 151e), la Guinée (de la 179e et de la 153e) et le Sénégal (de la 154e à la 140e).

À l’exception du Togo (156e), tous les pays francophones de la région se situent désormais à peu près au même niveau que le Nigeria (145e). Par ailleurs, il est à noter que le dernier classement Doing Business met en évidence une détérioration considérable de climat des affaires en Éthiopie, passée de la 111e à la 161e place. Ce pays, qui peine à développer ses zones rurales et où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts depuis deux ans, est d’ailleurs le pays qui connaît les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec l’Afrique du Sud (où l’on compte plus de 15 000 homicides par an).

Enfin, il est à noter que la croissance économique de l’Afrique de l’Ouest francophone continue à être globalement plus de deux fois supérieure à sa croissance démographique, pourtant légèrement supérieure à la moyenne subsaharienne. Cet essor démographique contribue à ce dynamisme économique, en permettant au marché intérieur de ces pays d’atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, la plupart des pays de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d’exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l’indiquent la majorité des cartes en circulation), comptent respectivement près de 12 et 20 millions d’habitants, contre 66 millions pour le Royaume-Uni.

Une Afrique centrale en difficulté

Grâce à la légère remontée des cours des matières premières, la croissance s’est légèrement redressée en Afrique centrale, passant de -0,3 % an 2016 à 0,3 % en 2017 (ou de 1,1 % à 1,5 %, hors Guinée équatoriale). La République démocratique du Congo (RDC) est parvenue à atteindre une croissance de 2,6 % (2,4 % un an plus tôt). En zone CEMAC, cette dernière est passée de -1,1 % à -0,4 %, Guinée équatoriale incluse (ou de 0,6 % à 1,1 %, hors Guinée équatoriale). Ce pays constitue, en effet, un cas très particulier qu’il convient toujours de rappeler, car de nature à fausser l’interprétation des statistiques régionales. Peuplé de seulement 0,8 million d’habitants, ce pays partiellement francophone et ancienne colonie espagnole était subitement devenu l’un des principaux producteurs africains de pétrole à la fin des années 1990, avant de voir sa production commencer à décliner dès le début des années 2010. N’étant pas encore parvenu à diversifier suffisamment son économie, il vient donc d’achever sa cinquième année consécutive de croissance – souvent – fortement négative (-8,5 % en 2017, et -9 % un an plus tôt).

En zone CEMAC, le Cameroun (3,7 %) et le Gabon (1,1 %) ont le mieux résisté à la baisse des cours. Et ce, grâce aux efforts en matière de diversification (plan Cameroun émergence 2035, et Plan stratégique Gabon émergent – PSGE) qui leur ont permis d’afficher une croissance hors hydrocarbures bien supérieure à celle des deux grands pays pétroliers voisins que sont le Nigeria et l’Angola. Sur la période triennale 2016-2018, et selon le FMI, la croissance hors hydrocarbures devrait ainsi atteindre une moyenne annuelle de 4,7 % au Cameroun et de 2,7 % au Gabon, et se situer à 0,4 % au Nigeria et à 0,8 % en Angola.

À l’inverse, force est de constater que pareils efforts n’ont pas encore été entrepris au Congo et au Tchad, à la croissance négative en 2017. Par ailleurs, ces deux pays continuent à occuper les dernières places du classement Doing Business, en étant respectivement à la 179e et la 180e place sur un total de 190 pays étudiés (et en faisant moins bien que l’Angola, 175e). De même, le Congo se classe désormais à la troisième place des pays africains les plus endettés (118 % du PIB fin 2017). Toutefois, il convient de rappeler que les pays francophones ne représentent que trois des dix pays les plus endettés du continent, le Congo étant suivi par le Togo (7e) et le Gabon (10e, avec 66 % du PIB, soit un niveau inférieur à celui de la majorité des pays d’Europe de l’Ouest).


Une croissance stable en Afrique de l’Est francophone

La croissance de cette partie du continent s’est à nouveau située entre 3 % et 4 %, s’établissant à 3,9 % en 2017, en légère hausse par rapport à l’année précédente (3,7 %). Plus grand pays de la région, Madagascar semble être enfin sorti d’une longue période de stagnation économique, due à une instabilité politique. Avec une progression de 4,1 % en 2017, le pays devrait renouer avec une croissance de plus de 5 % à partir de 2018.

De son côté, Djibouti a enregistré une croissance supérieure à 6 % pour la quatrième année consécutive, dépassant cette fois la barre des 7 % (7,1 %). Ce pays continue ainsi à tirer pleinement profit de sa situation géographique stratégique, et est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international, grâce notamment à des investissements massifs en provenance de Chine. Pourtant, seules sept entreprises françaises sont implantées dans ce pays, avec lequel la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris. Contraste saisissant avec les sept vols directs assurés par Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore avec les trois liaisons assurées par le groupe Emirates vers Dubaï.

Cette quasi-absence économique de la France à Djibouti, tout comme en RDC, premier pays francophone du monde et où l’hexagone ne pèse que pour 3 % du commerce extérieur (contre environ 30 % pour la Chine, importations et exportations confondues), en dit long sur la méconnaissance dont souffrent nombre d’acteurs économiques tricolores au sujet du monde francophone… au plus grand bénéfice d’autres puissances.

Enfin, le Burundi (0,5 %) et les Comores (2,5 %) continuent à afficher les moins bonnes performances de la région, tandis que Maurice et les Seychelles – déjà assez développés – demeurent stables à environ 4 %.


Une conjoncture internationale à surveiller en 2018

Même s’il convient toujours de demeurer prudent sur les prévisions faites en cours d’année pour les pays en développement, l’Afrique francophone subsaharienne devrait toutefois rester la partie la plus dynamique du continent en 2018. La croissance mondiale devrait être globalement stable, et la remontée des cours des matières premières observée en 2017 permettra un certain rebond de la croissance dans de nombreux pays africains. À l’exception, toutefois, de l’Afrique du Sud et de l’Angola, qui devraient continuer à connaître une progression assez faible (autour de 1,0% pour le premier, et de 1,5% pour le second).

Cependant, et en entraînant à sa suite une nouvelle hausse des prix des matières premières, une poursuite de la baisse du dollar pourrait affecter négativement les économies de la majorité des pays francophones, assez pauvres en richesses naturelles. Et en particulier les pays de la zone CFA, qui seraient doublement pénalisés en étant également affectés par un euro trop fort (aujourd’hui égal à environ 1,25 dollar, soit son plus haut niveau depuis novembre 2014).

De la même manière que le cours trop élevé de l’euro au début des années 2010 découlait d’une volonté de l’Allemagne, puissance surtout économique, la France devrait alors prendre toutes ses responsabilités afin d’éviter que la politique monétaire de la zone euro ne soit contraire aux intérêts de l’Afrique francophone, et donc à ses propres intérêts. À défaut, l’arrimage actuel du franc CFA à l’euro (souvent moins flexible que le dollar, auquel sont également arrimés plusieurs pays) devrait alors être remis en cause, en optant de préférence pour un panier de devises qui inclurait, notamment, le dollar et le yuan chinois.

https://www.cermf.org/afrique-francophone-demeure-moteur-croissance-africaine-2017

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