Par Connectionivoirienne
Des discussions annoncées
Le directeur général des Impôts Ouattara Sié Abou était face à la presse mardi au Plateau pour éclairer sur le nouveau dispositif fiscal greffé à la loi des finances 2018. Plus de deux heures durant, le Dg a passé en revue les 42 articles de l’annexe fiscale, du moins ceux qui sont problématiques, pour expliquer les motivations de la Dgi qui ont présidé à l’élaboration de l’annexe qui fait beaucoup de bruits.
L’on retiendra au terme de son exposé que face aux objectifs de collecte qui lui ont été imposés dans le cadre du budget national à savoir, mobiliser plus de 3 mille milliards de FCFA, la direction générale n’avait d’autres recours que les directives de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-africaine, regroupement de 8 pays) datant de 1998. ‘’Nous évoluons dans un ensemble sous régional qui nous impose des contraintes’’, s’est-il défendu chaque fois qu’il se trouvait coincé par les questions des journalistes.
Il lâchera néanmoins du lest quand vers la fin des échanges il dira à la suite du président de la République qui appelle à des discussions avec le secteur privé : « Les dispositions de l’annexe fiscale ne sont pas fixées dans du marbre ». Selon le directeur général toutes les évolutions sont possibles faisant observer au passage que les africains n’ont pas une bonne culture fiscale. Ces discussions annoncées sont en quelque sorte une charrue avant les bœufs. Dans la vague de contestation actuelle, les opérateurs économiques n’ont cessé de dire qu’ils n’ont pas été associés comme de coutume à l’élaboration de l’annexe fiscale. M. Ouattara Sié s’inscrit en faux, arguant avec étonnement que le patronat regroupé au sein de la faitière Cgeci a été au cœur des discussions préalables.
Quelles sont les principales mesures de l’annexe fiscale ?
Selon l’exposé fait par le patron des Impôts, le nouveau dispositif revoit à la hausse certains impôts qui frappaient déjà des produits ainsi qu’il crée de nouvelles taxes. Tout ceci, inspiré par les directives communautaires, selon le Dg.
En somme, le gain net des mesures contenues dans cette annexe, selon la Dgi, est évalué à 75,4 milliards de FCFA. Ce montant, éclaire le conférencier, est obtenu par la différence entre les recettes générées (78,78 milliards de FCFA) et les pertes induites par ces mesures (3,38 milliards de FCFA).
Au nombre de ces mesures, cinq au total on retient, dans le chapitre « Renforcement des moyens de l’Etat » que la Dgi prévoit la suppression de certaines exonérations ‘’afin d’accroître le niveau des recettes en matière de TVA (Taxe sur la valeur ajoutée)’’. Ainsi, A titre indicatif, sont supprimées les exonérations de TVA sur les opérations de congélation portant sur le poisson – les semences et les graines – les investissements réalisés dans le cadre de leur objet par les associations sportives reconnues… Ces mesures, annonce le Dg devraient rapporter 12,24 milliards de FCFA à l’Etat. L’autre mesure toujours dans ce même chapitre concerne l’aménagement des taux des droits d’accises sur les boissons alcoolisées et non alcoolisées. Un secteur déjà durement taxé qui voit le relèvement des taux des droits d’accises de – 15 points pour le champagne (désormais 40 %) – 10 points pour les vins ordinaires (35%) – 10 points pour les vins mousseux et les bières (40%)…22,39 milliards de recettes fiscales sont attendues avec ces réaménagements. Quant aux tabacs, ils sont désormais soumis à un taux d’imposition unique de 38% alors que celui-ci était de 35 %. La Dgi dit se conformer aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) qui incite à relever les taxes sur les tabacs afin de lutter contre le tabagisme.
Les plus riches invités à mettre la main à la poche
La principale mesure décriée par les industriels et Pme est celle qui concerne la rationalisation du dispositif fiscal. Elle prévoit à l’article ‘’aménagement du régime de l’impôt synthétique’’ la fixation d’un taux unique de 5 % pour les contribuables dont le chiffre d’affaires annuel toutes taxes incluses est compris entre 10 et 50 millions de FCFA – 8 % pour le chiffre d’affaires entre 50 millions et 100 millions. Le paiement de cet impôt est désormais trimestriel alors qu’il était mensuel. Par contre, des sanctions fiscales sont prévues pour les assujettis à ce régime qui ne respectent pas les obligations de la tenue d’un cahier de recettes et de dépenses.
Toujours sur le même chapitre de la rationalisation du dispositif fiscal, le régime du bénéfice réel simplifié est supprimé. Ce régime s’appliquait à ceux des contribuables qui avaient un chiffre d’affaires annuel compris entre 50 et 150 millions de FCFA. Le seuil maximal est ramené à 100 millions. Du coût ceux-ci seront imposés à 8 % comme décrit plus haut.
Au total et à l’analyse, les nouvelles mesures qui sont plus profitables à l’Etat qu’aux contribuables visent tout d’abord les plus riches parmi lesquels les chefs d’entreprise et les industriels. Par contre, selon des fiscalistes, cette nouvelle politique fiscale devrait avoir des effets dévastateurs car non seulement elle incite des pans entiers de l’économie à se tourner vers l’informel mais, les riches qui sont fortement taxés ne voudront pas supporter seuls, les charges d’exploitation induites par l’annexe fiscale. Pour sûr, ils répercuteront ces mesures sur les prix des produits et c’est le consommateur final qui devra payer la note. C’est inévitable même si le Dg Ouattara Sié Abou rejette cette analyse en indiquant qu’au contraire ces mesures sont rationnelles et supportables. Pour lui, la Côte d’Ivoire a mis trop de temps à appliquer les directives communautaires. Elle ne saurait rester le mauvais élève.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
Commentaires Facebook