Quatre raisons pour réformer la Commission électorale indépendante en Côte-d’Ivoire (Jeune-Afrique)

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André Silver Konan est un journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Par André Silver Konan

Le maintien de Youssouf Bakayoko, à la tête de la Commission électorale indépendante (CEI) ivoirienne, ainsi que le maintien de la configuration actuelle de celle-ci, soulève plusieurs questions avant les prochaines élections locales.

Sur le plan de la durée des mandats, la loi portant sur le fonctionnement de la Commission électorale indépendante (CEI) est claire : « Les membres de la commission centrale sont nommés par décret pris en conseil des ministres pour une durée de six ans. »

Or, Youssouf Bakayoko – issu du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié – a été nommé à la CEI, en février 2010, par Laurent Gbagbo. Dans quelques jours, cela fera donc huit ans qu’il est à la tête de la CEI, deux ans de plus que la durée légale. Il n’est pas seul dans ce cas de figure, certains membres de la commission centrale siègent depuis 2005.

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Le second problème est politique. En novembre 2016, la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) saisie d’une plainte pour déséquilibre à la commission, au profit de la mouvance présidentielle, par l’association Actions pour la protection des droits de l’homme, a confirmé que la composition de la CEI « viole le droit à l’égalité de tous devant la loi, ainsi que le droit d’avoir un organe électoral national indépendant et impartial, chargé de la gestion des élections, prévus par les articles 10 (3) et 17 (1) de la Charte africaine sur les élections ».

La CADHP a ainsi « ordonné » à l’État de Côte d’Ivoire de rendre conforme sa loi électorale aux instruments internationaux, dont la Charte africaine sur les élections.

De fait, la commission centrale de la CEI compte dix-sept membres. Quatre membres sont issus de la mouvance présidentielle, quatre de l’opposition, quatre de la société civile et cinq au titre des institutions de la République, notamment la présidence.

Ce sont ces cinq derniers membres qui faussent le jeu d’équilibre au sein de la commission centrale de la CEI. Ayant voix délibérative comme les autres membres, ces derniers rendent compte directement à leurs mandants, à savoir les membres de l’exécutif, qui eux-mêmes sont issus de la mouvance présidentielle.

Visages de la crise

Le troisième problème est d’ordre moral. Youssouf Bakayoko et Paul Yao N’Dré (ex-président du Conseil constitutionnel qui a pris la décision historique d’annuler des élections dans plusieurs départements du pays, en vue d’inverser les résultats de la présidentielle de novembre 2010 qui donnaient gagnant Alassane Ouattara) sont les visages de la crise de 2011.

Si le second a très vite été remplacé après la prise de fonction effective d’Alassane Ouattara, le premier est resté à son poste et a organisé plusieurs scrutins (législatives de 2011 et de 2016, municipales et régionales de 2013, présidentielle de 2015, référendum de 2016) depuis lors, avec des succès mitigés.

Ce dernier point (l’organisation pratique) pose justement un dernier problème sur la compétence professionnelle de la structure. En dépit de sa longue présence à la tête de la CEI, Youssouf Bakayoko n’a pas su rendre les différents scrutins organisés, irréprochables du point de vue technique.

À l’issue des législatives de 2011, le Conseil constitutionnel, alors dirigé par le professeur Francis Wodié, avait invalidé le scrutin dans onze circonscriptions, entre autres, pour fraudes, violences et graves irrégularités.

Durant toutes ces consultations, la CEI a laissé planer des doutes sur sa capacité à livrer des résultats incontestés, dans les délais, alors que de façon pratique, la Plateforme de la société civile pour l’observation des élections en Côte d’Ivoire (Poeci) a, à chaque fois, relevé des irrégularités persistantes.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire que le président Alassane Ouattara qui n’est pas candidat à sa propre succession en 2020 et alors que s’annoncent les prochaines élections locales dont la date n’est pas encore connue, laisse à la postérité, une commission électorale véritablement indépendante, présidée par une personnalité à l’indépendance politique reconnue.

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