Amadou Gon Coulibaly (AGC) a répété presque chaque semaine la même chorégraphie. Il descendait avec précaution les douze marches de marbre du premier étage du palais le dos légèrement voûté. Puis déposait un porte-documents marron sur un pupitre de verre, avant de lire un « communiqué de la présidence de la République » d’une voix monocorde.
Pendant près de six ans, c’est à peu près tout ce que les Ivoiriens ont vu du puissant et discret secrétaire général de la présidence. Le 12 janvier 2017, il s’est plié une dernière fois à ce rituel, une cravate violette nouée sous son costume bleu nuit. Mais son statut avait changé. Deux jours plus tôt, il était devenu Premier ministre.
Lui, l’homme de l’ombre, membre du tout premier cercle d’Alassane Dramane Ouattara (ADO) avec le frère du président, Téné Birahima Ouattara, était propulsé en pleine lumière.
Entre AGC et le président, la relation est si forte qu’elle en devient énigmatique. Rarement on a vu un politique confier à ce point son destin à un seul homme. Leur rencontre date de la fin des années 1980. Gon Coulibaly est alors un jeune ingénieur de la Direction et contrôle des grands travaux (DCGT) et Ouattara, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Fidèle à Alassane Ouattara
Devenu Premier ministre, Ouattara nomme AGC au sein de son cabinet, en 1990. Mais le président d’alors, Félix Houphouët-Boigny, veut ramener Coulibaly dans son giron. L’intéressé refuse, expliquant au chef de l’État en personne qu’il veut continuer à travailler pour ADO. Leurs destins sont désormais liés. Bien qu’étant un « fils de Kong » (Nord-Est), ADO manque d’ancrage local.
(…)
AGC dit souvent qu’il a « gagné une seconde vie » et qu’il la doit au chef de l’État. Sa nomination à la primature n’a fait que concrétiser ce lien. Les deux hommes déjeunent toujours ensemble une fois par semaine avec le vice-président, Daniel Kablan Duncan, et se parlent au moins deux fois par jour. « AGC ne fait rien sans en avoir informé ADO », affirme un proche du Premier ministre.
Négocier avec les syndicats
« Il est l’homme des missions difficiles », dit de lui Patrick Achi, son successeur au secrétariat général de la présidence. Avec sa nomination à la primature, Gon Coulibaly a été servi. Il y débarque quelques jours après la mutinerie de soldats exigeant le paiement de primes, ce que le président leur promet. Mais cette contestation relance celle des fonctionnaires, qui réclament des arriérés de salaires, tandis que le cours du cacao, premier produit d’exportation de la Côte d’Ivoire, chute. Le pays tangue.
Peu réputé pour son aptitude au dialogue, AGC doit négocier avec les syndicats. « Les premiers temps, il était très tendu, méfiant, analyse Théodore Gnagna Zadi, président de la Plateforme nationale des organisations professionnelles du secteur public. Il haussait le ton. On sentait le combattant politique. Il croyait que nous voulions saboter son action. » Pendant des mois, les négociations patinent. Jusqu’à ce que le chef de l’État tape du poing sur la table : le 1er mai, il appelle à conclure une trêve sociale. « Après cela, Coulibaly n’était plus le même, se souvient Théodore Zadi. On l’a senti libéré. On a pu avoir une discussion sereine et obtenir des résultats concrets. » Finalement, le gouvernement accepte le paiement des arriérés.
Complot du « clan de Korhogo »
La mécanique sera identique ou presque avec les soldats : après avoir fait preuve de fermeté, une nouvelle mutinerie, en mai, contraint le pouvoir à céder à leurs exigences. Mais cette affaire envenime les tensions entre le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. La découverte d’une cache d’armes dans une maison de Souleymane Kamagaté (surnommé Soul to Soul), le directeur du protocole de Soro, convainc l’entourage d’AGC que l’ancien chef rebelle instrumentalise la colère des militaires pour déstabiliser le régime. Selon des sources sécuritaires, des écoutes téléphoniques ont en outre révélé que Soul to Soul aurait indiqué l’emplacement de ces armes aux mutins.
Les partisans de Soro dénoncent, a contrario, un complot du « clan de Korhogo » – ville d’origine d’Amadou Gon Coulibaly – destiné à l’écarter.
(…)
Déficit de notoriété
Le Premier ministre tente de remédier à son déficit de notoriété, apparaissant plus souvent en public, notamment en participant aux nombreuses cérémonies d’hommage au président. Mais il garde une image d’homme rugueux peu chaleureux, voire clanique et sectaire, conséquence d’années de lutte politique acharnée. L’intéressé en a conscience, mais trouve la critique injuste.
(…)
Lire l’article entier sur Jeune-Afrique
Commentaires Facebook