L’éditorial de Mamadou Djibo, Ph.D.,
Philosophy
Le Discours du Président Macron à Ouagadougou est une offre philosophique et politique qui titille la rupture épistémologique d’avec les anciennes pratiques, le renvoi des Condottiere rendus arrogants par la persistance de l’emprise françafricaine sur le destin des peuples français et africain. Foin de spéculations, le philosophe-président, inspiré, je soupçonne, par Henri Bergson qui nous l’enseignait déjà dans sa conférence de 1911 : « il faut se lever et marcher ». J’ai écouté ce discours qui rompt avec la hiérarchie des ontologies entre Africains et Européens. Cette tare nommée racisme qui rangeait les Européens dans le néocolonialisme d’ébriété et d’oppression économique des Africains contraints, quant à eux en raison de leur dignité humaine, de se déterminer comme anticolonialistes. Une belle vie offerte aux damnations de part en part, sûre de sa grille pavlovienne et certaine des réactions programmées. Une stérilité discursive qui laisse les injustices se sédimenter et la raison pragmatique encalaminée dans les postures dogmatiques. Ce discours se veut la rupture catégoriale d’avec ces deux dogmatismes pour engager, ensemble, Africains et Français, l’émancipation partagée. Une libération francoafricaine dynamique et pragmatique qui a fait ses adieux aux turpitudes, chaque monde desédimentant ses a priori et reflexes pour opérer la mise en marche pragmatique et générationnelle de l’émancipation. Partagée parce que la conjointe aimée des deux mondes (africain et français).
Pour une problématique aussi fondamentale et se voulant fondatrice d’un départ nouveau dans nos relations, vous me permettrez de vider vite la question de la forme de ce discours. La forme peut heurter. Un discours dont le principe même semble consacrer ou s’autoréférer que, quelle coutume, un président français s’adresse à l’Afrique, est une relique du passé et une prétention ostensive de cette survivance. Pour autant, je le concède, le discours du Président Macron ne peut pas être taxé de déclaration emberlificotée. Morigéner comme certains le font, n’est-ce pas alors s’enfermer dans du subjectif à deux têtes sur l’humour de Ouaga du Président Macron pour taquiner le Président Kaboré ? Si l’on s’arrête exclusivement sur la modalité, nous occultons le contenu propositionnel et/ou représentationnel (dictum). Puisque l’Intégrité destinale burkinabè ne saurait s’encalaminer dans des rancunes et récriminations tandis que l’humour français est distinctif d’un raffinement de l’esprit et que la dignité africaine est esprit et l’esprit est conscience et liberté. Alors, se bagarrer sur la forme de ce discours est une posture assise dans un fondement hallucinatoire.
Il faut bien aller au fond de l’offre, peser et soupeser son objectivité, encore que le modus nous renvoie à la sincérité du locuteur. Somme toute, le Président Macron avec un aplomb interlocutoire établit un lien indissoluble entre conscience et liberté pour ensemencer l’avenir, ensemble. Une interpellation synchronique tant des Africains afin qu’ils sortent comme nouvelle génération de l’anticolonialisme perpétuel sous-jacent aux artefacts de l’infériorité (identité-excuse pérenne coextensive à l’échec de l’anticipation heureuse de ce qui vient parce que certaines questions posées par les étudiants la dénotent) que des Français dont quelques éminents représentants, embarqués dans le convoi fantôme mais décisif de la françafrique (identité frauduleuse de manipulation derrière le rideau) des Condottiere néocolonialistes emmitouflés dans leurs complexes de supériorité indécrottables. Sortons de ces deux investissements psychologiques, que dis-je, de ces obstacles, ces doubles fantômes dont le surinvestissement émotionnel sont appauvrissants et sclérosants de part en part.
1. Le Président Macron offre à ses compatriotes de France et aux Africains, l’émancipation partagée. Sommes-nous émancipés ? Non selon le messager puisque son discours rappelle le devoir être adulte des deux côtés. Ma certitude est que le nom propre de cette émancipation partagée est la Transidentité. Parce que l’identité est dynamique pour être émancipée des contingences du présent. Elle est enrichissement constant, plurielle et en marche. Premièrement, le discours de Macron est le médicament de l’hyperphagie boulimique de la françafrique (composée essentiellement de petits vieux) pour déverrouiller l’avenir heureux, décomplexé, générationnel et pragmatique. La vieillesse est un naufrage aurait dit le Général De Gaule. Tant pis pour les vieux pourvoiristes d’Afrique ! Tant pis aussi pour les kleptomanes-oligarques, les prédateurs français de la françafrique ! Une double libération macronienne. Un grand discours sans cash sonnant versé comme les praticiens de la Françafrique l’auraient aimé, ces fidèles de la boulimie des fonds, friands des djimbés gorgés de frics. Dégraisser la françafrique pour le rivage des idées de partage et de responsabilités. La nouvelle respectabilité se décline en responsabilités, redevabilité et efficacité programmatique, bref en volonté macronienne de Reset, de Rembobiner. Une réitération des lieux d’engagement et de compréhension qui libère les synergies africaine et française –la transidentité est alors ce métissage dynamique dont Senghor raffolait, cet apport du local au global identifié de nos jours comme le glocal- et les élans anticipatoires de part en part. Espoir et Emancipation puisque la françafrique est une énergie perdue. Ni eldorado fantasmé, ni désolation improductive puisque, désormais, si les mots ont un sens, personne ne ferait de l’invariance de cette tartufferie programmatique, sa quête. Le renouveau est dynamique. Est dynamique l’espoir qui a comme socle, le pragmatisme de William James, seule philosophie née aux Etats-Unis, et émancipatrice des sociétés civile et politique nord-américaine.
2. Le Président-philosophe Macron nous met, deuxièmement, face au temps. Au sens où le néocolonialisme des béotiens de la France impériale est une incurie qui perçoit la fin de la colonisation comme un remords profond. Savent-ils, ces béotiens que le remords est une morsure du chien contre la pierre, une bêtise disait Nietzsche ?
IL s’ensuit que la conscience nous avertit que nous sommes, Africains et Français, des êtres de liberté en paraphrasant Bergson. Libres pour rompre avec les anciennes pratiques, les remords lourds du passé qui nous polluent le présent et empêchent toute anticipation sur ce qui vient comme toutes ces innovations charriées par la Révolution Digitale, les élans de demain, les joies, les capacités construites au sein et par les membres d’une communauté de destin que le Nobel Amartya Sen présentifie à notre claire conscience comme chemin de prospérité endogène. Et en conséquence, les employabilités offertes comme opportunités à notre jeunesse vibrante et talentueuse des deux bords de la Méditerranée aux fins de castrer les peurs des migrations. Sortir doublement de nos lieux de mémoire ankylosée par les plaies vives du passé colonial criminel contraposé aux récriminations anticoloniales improductives. Ces douleurs asymétriques qui nous enferment dans la prison de la mémoire close. Parce que close sur les promesses et les challenges psychologiques du moment, elles sont de ce fait même une frayeur du présent historique, a fortiori de ce qui vient. Le présent est historique parce qu’il engage l’avenir. C’est la dynamique même de l’invention du progrès, mot cher aux gens de gauche et aux républicains intransigeants. Il ne s’agit point de renier le passé pas plus que de pratiquer le déni de la réalité aux fins de perpétuer une paresse de la conscience comme mémoire des plaies suintantes, des rancoeurs, des survivances au point où la question même des réparations politiques et éthiques advient une vaine conjecture. Accréditant le discours qui dégonfle l’hyperphagie de la françafrique, je ne saurais ici, me rabaisser et rabaisser les miens en écrivant le mot : réparations matérielles.
Il suffit ainsi d’évaluer l’offre du Président Macron de Ouagadougou pour se rendre libres du passé sclérosant et se poser comme histoire voulue et subséquemment, dans la détermination sereine, exiger et obtenir la réparation politique et éthique dont parle Madame Christine Taubira, la passionaria des lieux mémoriels de l’antiesclavagisme et de l’anticolonialisme.
Le nouvel air pur est celui de la nouvelle certitude : l’émancipation partagée. C’est par la force et la foi, que l’heure juste est à portée de la main. Tout ce que tu mérites est à portée de main. Cette belle chose nous l’énonce, cette chanson de Jean-Jacques Goldman (1987) intitulée là-bas ! Le bonheur à venir ! Pour Macron, tout n’est cependant pas joué d’avance. Nous sommes à l’aube de sa gouvernance et mais aussi bienveillants. Cependant nul ne peut anticiper le crépuscule de nos attentes ne serait-ce que sur la volonté de remettre à l’Afrique son patrimoine culturel. Voilà le pari à faire! Mais aussi longtemps que l’Occident, comme Césaire le constatait, ruse avec ses propres principes, ce pari du meilleur ne serait plus un horizon de sincérité pour advenir un horizon d’attentes. L’Afrique possède cependant tous les éléments de la civilisation pour construire proprement son bonheur. Elle est la mère. Cette vérité est belle parce que nue comme le disait Houphouët-Boigny. Le Président Chirac le savait et l’annonçait aussi avec allégresse au monde. L’Afrique (la mère est générosité) a donné tous ces éléments, les siens à l’universel pour que la vie suive son cours.
3. Le Discours de Macron est un défi lancé à lui-même, à sa gouvernance et à l’Afrique parce que le progrès social est celui vécu et non celui escompté. Au surplus, nous savons que le bonheur ne saurait s’exiler ou être exilé dans les statistiques affriolantes du processus bureaucratique. Nous voulons le processus démocratique et solidaire ; il nous enseigne que le bonheur est dans le porte-monnaie de chacun dans ce monde rompu par l’argent. Ah oui ! Le sordide n’est plus l’acte contingent mais son éblouissement déroutant.
L’Agir partagé est, inversement, le défi à relever en commençant à nous regarder dans un miroir. Le Burkina Faso, territoire africain qui a reçu ce message, est une terre de défis, une terre de dignité qui s’exclame par l’un de ses fils, ce porte-parole et ancien président, Thomas Sankara, celui-là même qui l’a baptisée avec ses compagnons dont le Président Blaise Compaoré. En citant le Président Sankara, tactiquement, le Président Macron a désarmé, desédimenté les rancoeurs des jeunes générations pour partager le nom burkinabè de l’Emancipation: Oser inventer l’avenir. Partagée, est l’adjectif macronien emmené dans les valises présidentielles sur la terre libre du Faso. Les contraintes émotionnelles induites par l’émancipation partagée sont celles-là dans l’exacte mesure où la somme des angles d’un triangle égale nécessairement 180 degrés. Chaque enfant des deux rives de la Méditerranée est tenu par ces contraintes et le courage de la vérité de ces contraintes. La rupture de ce discours est donc cette certitude. M’est souvent revenu ce sentiment du nécessaire et de l’obligatoire lorsque le Président Macron a cité l’impératif sankariste: Oser inventer l’avenir.
C’est bien finalement. Car le progrès partagé que ma plume a hypostasié et convoqué souvent, commence par le bien nommer des choses comme contenu propositionnel, comme modalité aléthique et modalité déontique. Mais l’émancipation est d’abord la chose locale, l’audace locale, la foi et la force comme charge tellurique et créatrice endogène. Naan Laara, an sara, cette invite de l’histoire voulue qui féconde le nécessaire et l’obligatoire aux partisans du progrès social du peuple africain selon l’historien Joseph Ki-Zerbo est notre viatique comme Africains conscients et libres.
Source: guillaumesoro.ci
Commentaires Facebook