Par Jean-Marie Addiafien
« Refusez la lecture, c’est tant pis pour vous ! Celui qui ne lit pas, n’avancera pas. Si vous voulez allez loin et développer votre pays lisez ! »‘ Prince Kum’a Ndumbe III
À la mémoire de Régina Yaou et en hommage aux vivants-morts
Connaissons-nous Daniel Amara Cissé (Economiste auteur d’une somme sur l’histoire économique de l’Afrique depuis l’antiquité), Henriette Diabaté (l’immense historienne non la politicienne), Jean Noël Loucou (Brillant Historien), Charle Nokan (grand écrivain et ‘’vilain’’ communiste) Pierre Kipré (historien) , Niamkey Koffi (Philosophe ), Boua Thiémélé Ramsès (philosophe spécialise de Nietzche et cheikh Anta Diop), Barthélémy Kotchi , Niangorah Boua (Inventeur de la Drummologie), Harris Mémêl Fotê (Immense anthropologue), Urbain Amoa , Lassinan Sylla (encyclopédiste ivoirien, un des plus brillants sociologues Africains), Sery Baily (une tête à panthéon), Tirburce Koffi (écrivain au style coruscant), Francis Akindès… ? Si vous n’en savez rien ou pas grande chose, pas de quoi crier cornegidouille ! C’est la vieille école tout ça ! Vieillis et vieillots, rien n’impose à nous modernes de les connaître ou célébrer.
Reprenons le même exercice avec des noms plus actuels, épigones des premiers cités. Alors connaissons-nous Josué Guébo (Enseignant de philosophie-Prix littéraire-poète sémillant), Inza Bamba (Enseignant-Ecrivain styliste retors m’a-t-on dit), Macaire Etty (enseignant-Ecrivain), Soilé Cheikh Amadou (Brillant Poète), Mancini Defela (poète-Critique littéraire perspicace), Auguste Gnalehi (critique littéraire), Constance Mariam Komara… ? Manqué une fois de plus je parie ! Bof, pas de quoi fouettez un écri-vain ! Tous, sont un peu passéistes eux aussi. À moindre échelle certes, mais passéistes tout de même. Réessayons donc le fastidieux exercice avec la dernière génération, la relève, les héritiers.
Eh bien connaissons-nous Cédric Marshall kissy (Poète), Yehni Djidji (écrivain-blogueuse), Fatou Sy (Ecrivain-Dramaturge), Alain Serge Agnessan (Ecrivain), Grace Minlibé (Poétesse-ma trouvère), Yann Aka (Ecrivain)… ? Oui je suppose ! Si non, il devrait y avoir normalement de quoi nous inquiéter et interroger. Car, nous avouons ainsi ignorer au détour de trois paragraphes, trois générations d’auteurs peuplant tant bien que mal la noosphère de la Côte d’ivoire : son olympe littéraire. Pas de quoi s’inquiéter tout de même, l’anomie aidant, nous semblons de plus en plus de glace à la pensée et la culture.
Les personnes ci-haut évoquées ont toutes un point commun : se sont des écrivains, des porteurs d’idées et de pensées. Ignorés, désaimés, mal-aimés, raillés, frustrés, méprisés par la république, notre mère à tous dit-on. Eux, sont les spartiates esseulés du vieil art de faire ‘’pousser des têtes’’, lui aussi mal-aimé, désaimé, négligé, banalisé. Par qui ? Pas par le peuple, ne croyez surtout pas à cette fable. En côte d’Ivoire, les fossoyeurs de la littérature sont ailleurs et si le peuple est coupable de ne pas aimer la littérature-la lecture-, eux en sont responsables.
Notre présent Ivoirien semble envoyer un message claire aux amoureux des lettres, de l’art et des choses de l’esprit de manière générale : « nous n’avons que faire de vous et vos inutiles livres, au diable tout ça ! ». Ainsi, tout écrivain Ivoirien est un vivant-mort qui défunte trois fois. La première fois par l’indifférence, la négligence et le mépris de ceux qui devaient le promouvoir et lire, la seconde fois de sa belle mort, et l’ultime fois par des hypocrites célébrations post-mortem des pompiers-pyromanes ouvriers de la vingt-cinquième heure et du huitième jour.
Cela nous fut tant ‘’vuvuzélés’’, l’abandon, la marginalisation, la mise à l’écart, la frustration entrainent des sauts d’humeur, pouvant aller jusqu’à la prise d’armes. Nous autres, n’ayant pour seules armes que nos ‘’folles idées’’ giclées de litres d’encres et autant aussi habiles avec les kalaches qu’un aveugle au verbicrucisme ; nous semblons dès lors condamnés au mutisme et à la surdité-des autres. S’il faut pour autant donner une image du tableau que pendrait nos revendications et broncas quant à notre sort, alors il faudrait se portraiturer une Côte d’Ivoire submergée de millions de litres d’encre noirs et coléreuses.
Pour l’instant, nous errons dans les dédales virtuels des réseaux sociaux, où nous nous ‘’produisons’’, célébrons, autocélébrons, ayant pour succédanées de critiques que de frêles ‘’j’aime’’ et des commentaires laudateurs à la sincérité douteuse qui malgré tout flattent nos égos d’auteurs. Secrètement néanmoins, nous continuons à espérer qu’un jour la république oublieuse de ses enfants tant mal-aimés via son système médiatique puisse nous héler, afin que nous aussi puissions parler, présenter nos idées, être critiqués, célébrés, applaudis, brocardés, mais surtout reconnus comme filles et fils de la Matrie Ivoirienne.
En attendant la réalisation souhaitable de cette douce utopie, nous jetons un regard cursif sur les causes de notre déconsidération et du désintérêt quasi pathologique de nos élites et nous-mêmes pour les choses de l’esprit.
Déclin de la littérature causes générales socio-historiques, le tittytainement.
Précisons-le : l’importante question du déclin de la littérature, ne peut être que sommairement traitée par un tel article. Il faut pour l’essentiel garder à l’esprit que, ce phénomène de déclin de la littérature classique est essentiellement dû à notre conjoncture socio-historique : la modernité techno-libérale. Cette modernité essentiellement dirigée par ce que Edgar Morin nomme ces quatre moteurs incontrôlés : « science-technique-économie et le profit », consacre la fin des utopies, de la culture des Humanités, des idées et des livres comme ‘’instruments’’ d’éveil. Elle proclame selon la formule bien connue de Fukuyama « la fin de l’histoire et la naissance du dernier homme ».
Sauf que le dernier homme dont l’avènement est tant vanté et accéléré est voulu pragmatique, matérialiste et ‘’hypertechnologisés’’ à souhait. Il ne doit point s’encombrer de trop plein de livres ou d’idées, mais à l’impérieuse téléologie de sa modernité et son Divin marché (Dany Robert Dufour) à savoir : consommer. C’est l’injonction mère et l’auteur précité la proclame en un commandement simple : « ne pensez pas, depensez ! » ‘’Pansez’’ en plus pourrons-nous rajouter.
Sous la plume de Zbigniew Brzezinski l’exéquatur mondial à cette antienne indiscutable, prend le nom de tittytainement. Le tittytainement consiste à désintéresser les masses des choses de l’esprit par une multiplication ininterrompue de jeu, distractions inutiles, émissions de téléréalité trash, mise au pinacle de l’artistaillerie vétilleuse et bouffonne à contrario de la promotion d’un vrai art.
Elle consiste par ailleurs à sustenter les besoins les plus primaires de ces dites masses, tout en s’assurant qu’elles accordent un statut presque religieux au sport. Puis en lieu et place de ces masses avachies et abruties aux yeux desquelles, on aura subvertit et travestit le besoin impérieux de culture, on fera gérer toutes les affaires sociopolitiques par des techno-gestionnaires, traders, analystes financiers, managers et marketeurs biberonnées à l’unique réalité du marché (Thiery Tanoh – Jean louis Billon – Abderhamane Cissé…citer n’est pas critiquer). Amputés de sciences sociales, mortaisés à l’idéologie ultralibérale, ces techno-politiques n’ont pour ultime réalité que l’économie et les chiffres indépendamment du social.
À n’en point douter, l’ennemi d’un tel projet est et demeure les livres, la culture, l’histoire, les sciences humaines et sociales, tout ces contraceptifs contre notre abrutissement et avachissement. C’est pour cette raison qu’il faut les combattre. Sournoisement certes, mais il faut les combattre tout de même. Pour ce faire, rien de plus simple que de bassiner des générations entières de mômes, d’adolescents et adultes de ce que nous appelons PITM (Phrases/ postulats intellectuellement toxiques et mortifères). Les deux plus célèbres d’entre elles étant : l’avenir appartient à la science et à la technique-sans poser la question des fins- et la fameuse nous sommes des consommateurs ou dans une société de consommation.
Ainsi naissent nos sociétés modernes totalement désinhibés de littérature et de besoin de lire, puisque désormais sans intérêt réel et concret pour elles. Naissent par ailleurs les clercs intégristes de cette modernité, désormais érigés en archétypes pour nos mères, sœurs, frères, pères et futurs enfants : les techno-politiciens. Edgar Morin fait un juste portrait de cette classe politique en des termes on ne peut plus claires : « la classe politique est au degré zéro, elle ignore les travaux sur les devenir des sociétés er le devenir du monde. Elle se satisfait des travaux d’experts, des statistiques et sondages. Elle n’a plus de pensée, elle n’a plus de culture. Elle en sait pas que Shakespeare la concerne. Elle ignore les sciences humaines ». Voilà qui a le mérite d’être clair et dit !
Au regard de ce long détour, l’on peut comprendre plus aisément pourquoi sur à ‘’la bourse des valeurs humaines républicaines’’, autant de personnes se pâment devant les maîtres de l’époque : les techno-gestionnaires. Il est à la fois plus facile de comprendre pourquoi à cette même ‘’bourse des valeurs humaines républicaines’’, les jambes de Murielle Ahouré et Marie José Ta-lou (pour qui nous avons grande admiration il faut le rappeler) valent sauf miracle toujours plus que les têtes et proses envoutantes des Tiburce Koffi, Inza Bamba, Macaire Etty… Et pourquoi par la même occasion les vers ithyphalliques et urticants de Josué Guébo, azo vauguy, soilé Cheikh Amadou et autres ne seront point préférés aux musiques tintamarresques des Arafat, Debordoo , Doliziana… Pourquoi enfin Yehni Djidji, cédric Marshall Kissy, Fatou Sy… pourront avoir les prix et reconnaissances qu’ils ont, ils ne seront jamais point honorés à l’instar de nos pachydermes fidèles dans leur infidélité aux souhaits des supporters Ivoiriens.
Ce tableau général dépeint, quelques mots peuvent être passagèrement dits sur le cas typique de l’Afrique et la Côte d’Ivoire.
II
Déclin de la littérature : L’Afrique et la côte d’Ivoire.
Ce panorama rapide des causes du déclin de la littérature évoquées, sont les mêmes en Afrique et en Côte D’Ivoire. Par contre, les effets se font naturellement plus ressentir en Afrique, qu’en Europe, en Côte d’Ivoire que dans tous les autres pays de l’Afrique Francophone. Les raisons d’une telle vulnérabilité aux effets pervers la modernité techno-libérale sur la littérature sont bien simples. Le parallèle le plus saisissant pour mieux les appréhender, n’est pas littéraire mais clinique. En effet, il est notoirement connu que les malades du monde dit tiers, résistent moins à certaines pathologies que ceux du monde dit développé. Chez eux, les moyens de résistance et réactions aux maladies auxquelles ils peuvent être confrontés, sont beaucoup plus efficaces que les nôtres.
Sans donner écho aux grilles d’analyse ethnologisantes ou souscrire aux thèses fantaisistes des Durkheim ou Levy Brühl sur « la pensée prélogique » ou « la mentalité primitive », il parait claire que l’occident est mieux aguerri que l’Afrique pour résister à l’inconvénient majeur dont nous faisant état. Cette réalité contrairement à ce qu’on pourrait croire n’est pas relatif au fait que nous ne pensions guère avant notre contact avec l’occident, mais plutôt au fait qu’ayant produit la thèse (le techno-libéralisme), sa culture de contradiction lui fait en même temps en produire l’antidote ou le contrepoison. De surcroit l’occident à derrière lui des siècles d’histoire de sa pensée dominante, la pensée dominante qu’il a imposé aux reste du monde. Sa longue histoire lui a permis au prix parfois d’incroyable bains de sang (Dragonnade-Génocide vendéens- La commune…) de se garantir certains droits (liberté d’expression, liberté de presse, droit à l’information, à la libre expression des idées…) et de les faire intérioriser par le peuple qui tient scrupuleusement à son respect.
Or chez nous, tout est mimé, parodié et surtout non encore intériorisé par le peuple. « L’état importé » (Bertrand Badié) demeure incapable et se refuse dans la majorité des cas à promouvoir ses armes d’anti/auto défense intellectuelles contre le sujet de notre constat. C’est que dans le fond, un peuple blindé de ces droits peut en même temps s’avérer être dangereux pour ses dirigeants.
Face à cette vulnérabilité au dépérissement de la culture littéraire, la Côte d’Ivoire – ses autorités et politiques et non son peuple- est la grande dernière de la classe de l’Afrique Francophone. De fait, dans notre pays la succession des jours et nuits semble laisser de plus en plus place à une ‘’obèsification’’ de l’inepte et l’insane au détriment d’une valorisation de la culture littéraire qui ‘’s’anorexise’’. Indiscutablement, hier nous fûmes grands, nous avions entamé la longue marche de la conquête de certains droits qui fait aujourd’hui mieux résister l’occident. Nous aussi avions nos doctes controverses, nos joutes, nos polémistes, publicistes, critiques et émissions littéraires. Mais pour des raisons longues et diverses, la dynamique prometteuse à fini par devenir mollassonne. Et aujourd’hui, force est de constater que le drame de notre pays est d’avoir tout eu très tôt et de faire le tragique constat non moins important de la mise en unité de soins intensifs de la littérature Ivoirienne- non au niveau de la production mais de la promotion et diffusion par qui de droit-.
Ainsi la dernière fois que les Ivoiriens quels qu’ils soient ont entendu sérieusement parler de littérature à la télévision c’était dans la fameuse émission pleine page de Tirburce Koffi, cet autre archonte des lettres ivoiriennes qui tenta magistralement de les réveiller. Depuis plus rien, la littérature Ivoirienne parait être aux yeux de nos autorités une fèces qu’il faut impérativement évacuer dans les exhaures de notre joyeuse république de technocrates ou encore une partie dangereusement/inutilement tumescente qu’eux, les Diafoirus impénitents se sont missionnés à exclure par exérèse. À leurs yeux, notre anémie intellectuelle prend la forme d’une suicidaire ataraxie.
À ce propos, nous Ivoiriens qui avons le chic des comparaisons mal à propos (nous sommes convaincus d’être mieux que tous les pays ouest-Africains en tout), les champions sans triomphe du microcosme ouest-Africain et /ou francophone devrons revoir notre copie. Ailleurs, dans les deux Congo, au Sénégal et au Cameroun surtout, la pensée et la littérature sont beaucoup plus promues, sanctifiées et promotionnées que sous nos latitudes. Emissions littéraires, débats, ateliers de la pensée…Tels sont entre autres les évènements qui peuplent le paysage intellectuel de ces pays. Désormais, nous ne sommes (re) connus que pour les frasques de nos artistes et notre coupé-décalé. Il ne faut cependant point en douter, un pays n’impose pas respect et considération aux autres en exportant exclusivement des casseroles et des platines. Il rayonne et s’impose par le dynamisme de son peuple, la stature de ses élites et surtout le rayonnement de son art, sa culture et ses lettres. Ses éléments pris comme point de repère, disons-le sans fioriture : la Côte à la posture d’un grand cadavre à la renverse. Reste à situer les responsabilités.
Un vivant-mort orphelin mal aimé de la république.
RESPECT Jean-Marie Addiafien !
Il fut en effet une époque où l’écrivain faisait rêver.
Jean Marie Adiaffi (pas Jean-Marie Addiafien) incarna celui à qui il fallait ressembler.
Ainsi naquit une grande polémique en 1984 sur l’oeuvre initiale de feue Anne Marie Adiaffi (aucun lien avec Jean Marie). Accusée d’avoir frauduleusement fait irruption sur la scène du livre ivoirien parce que le nom Adiaffi faisait vendre.
Or donc l’oeuvre de Anne selon Zadi Zaourou lui même, était un monstrueux plagiat du manuscrit d’un jeune béninois du nom de ZODEKON Apollinaire…
Cette blessure laissa à la littérature feminime ivoirienne une vilaine cicatrice…
Des auteurs connus seraient ils d’authentiques plagiaires ?
Que valent ces auteurs préfabriqués ? Quel respect les hommes de lettres se sont ils donné pour arracher leur respectabilité ?
Que valent les plumes mercenaires ?
Regina YAOU reconnue aux USA et en Australie, a donc prouvé que celui qui n’est pas prophète chez lui, peut exister ailleurs. Elle a fait la différence entre les préfabriqués, les chinetoques et les « de Source pure » !
RIP Reine à la plume trempée dans l’endurance. Si l’orphelin Jean Marie Adiaffi nous a laissé « La Carte d`identité », tu as ouvert un boulevard pour de nouvelles vocations.
ECRIVAIN IVOIRIEN, CELEBRE TOI !
Loin de mésestimer les causes du déclin ici inventoriées, ajoutons qu’il faut y ajouter le peu d’efforts de l’écrivain lui même pour se célébrer. Les cafés, les rencontres poétiques, les colloques littéraires, les espaces de vie intellectuelle, demandent quel budget pour voir le jour ?
Heureux encore, vous hommes du livre, qui avez la chance d’avoir un des vôtres dans un fauteuil ministériel en Côte d’Ivoire ! Ailleurs cette opportunité n’est pas offerte. Même pas au pays de Léopold Sedar Senghor !
Homme du livre, aide toi et le ciel ne tombera pas sur la tête !