Côte-d’Ivoire Enjeux et mode de violence religieuse: La ville de Man un foyer de radicalisation ? (enquête 2è partie)

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Connectionivoirienne publie pour vous et en plusieurs parties une grande enquête sur ce qui se passe dans les milieux musulmans, à Man. Dans l’indifférence des autorités, la capitale de la région du Tonkpi est en proie à des groupes salafistes qui tentent d’y dicter leur loi. Lassina Diarra, un jeune chercheur et essayiste sur le terrorisme islamique qui y a séjourné rapporte des faits graves constitutifs d’un défi à l’autorité de l’Etat.

1. Le conditionnement mental à l’intolérance

De toute évidence, à Man, la succession de brutalités – encore moins leur préméditation – n’apparaît pas ex-nihilo. Elle résulte d’un processus, lent et patient, de promotion de discours claniques, ethniques et parfois anti-ivoiriens, sur fond de dilution de la laïcité dans les soubresauts de la crise politico-militaire de 2002 à 2011. A la manœuvre, transparaît la main d’un cercle d’idéologues composés essentiellement de marabouts et de richissimes commerçants en mission depuis près d’une décennie. Sans qu’il ait été possible de prouver le degré de délibération entre eux, ces notables usent, respectivement, de leur position matrimoniale, filiale et sociale pour instiller l’idée de repli sectaire et de conquête, parmi les femmes et jeunes, notamment les élèves d’un enseignement coranique sur lequel l’Etat ne dispose d’aucune prise. Devant témoins, ces personnalités ont eu à tenir, impunément, des discours vindicatifs que caractérise la référence à « l’histoire de notre communauté et sa survie ». Le corpus rhétorique s’appuie sur la notion de Hijra (exode), pour systématiser et sacraliser, grâce à une comparaison avec la geste du Prophète Mohamed, les notions d’exclusion, d’expropriation et de légitime défense[4]. Ici, se précise une réplique au concept xénophobe d’ « ivoirité »perçu, non sans une relative pertinence, comme une entreprise d’instrumentalisation du chauvinisme contre les étrangers et leurs biens[5]. Au début, la variable religieuse de cette volonté de marginalisation semblait secondaire, pour ne pas dire une éventualité de terme différé. Du moins, les victimes n’y faisaient référence.

D’ailleurs, la communauté allogène imputait la nouvelle forme d’ exclusion ethnique, à d’autres coreligionnaires, notamment ceux du bureau central de l’Association des musulmans sunnites de Côte d’Ivoire (Amsci) dont le leadership ivoirien, se composait de Malinkés[6] et de convertis Dan[7], les deux groupes majoritaires dans la population.

Pour mieux structurer la parole de la résistance au rejet potentiel par les natifs du pays, le passé héroïque du prophète et de ses compagnons contre les forces ennemies, est sollicité, convoqué ; ainsi, se dresse une digue[8]de protection face aux éventuels assauts de l’Amsci[9]. La combinaison des facteurs politiques et religieux par des idéologues a préparé des jeunes gens à la guerre de survie et d’honneur, sur un espace certes délimité mais dans la perspective de moins en moins pudique de son extension.

2. Le substrat du conflit

Ostensiblement, l’enjeu mêle divers calculs: la volonté de détenir l’appareil de légitimation sunnite financé principalement depuis l’Arabie Saoudite et détenu dès 1976 par des Ivoiriens[10]concentre l’essentiel du litige ; d’autre part – motif en partie induit du précédent – il fallait exercer une emprise économique et plus tard maîtriser le vote local (mairie) avec la bénédiction de certains politiciens[11] installés à Abidjan. Traditionnellement commerçants, les Guinéens possèdent les plus grands magasins de grossistes, assurent l’approvisionnement du grand marché et prospèrent en trafics tous azimuts, organisés et coordonnés par des notables connus sur la place[12].Ayant fait fortune dans des activités « informelles » – le terme est assez indulgent selon les gendarmes sollicités ici – ils seront irrégulièrement nommés à la tête de la corporation faitière des marchands, en évinçant, sous la menace, un natif ivoirien[1]3.

L’origine de la fortune des émigrés de Man remonte à la période de la rébellion armée de septembre 2002. A cette l’époque, l’absence de réglementation fiscale et de l’autorité politique et sécuritaire a engendré le développement et l’établissement des liens avec des réseaux de contrebande de cigarettes, de faux médicaments, de stupéfiants, de vol de voitures et de motos en provenance, de Guinée, du Libéria, de Sierra-Léone et du Nigéria.

En 2015, grâce au cumul de ses atouts dans la compétition sociale, la communauté guinéenne rompt sa stratégie de « Taqiya[13] ». Un de ses leaders[14], est convaincu de la capacité des Guinéens à revendiquer une part du pouvoir en déshérence. Il compte sur la puissance économique de la communauté, ses jeunes et femmes instrumentalisés par la haine de l’autre frange, composée surtout de fonctionnaires. Ils crient à la xénophobie et appellent les Guinéens et leurs affidés à démissionner de toutes les instances de la section de l’Amsci[15]. Certains créent, le 21 mars 2015, une structure dissidente, Araja[16]. Son financement devrait être assuré par des réseaux islamistes en Afrique de l’Ouest et au Moyen-Orient. Elle entend surtout protester contre «l’injustice et la xénophobie de l’Amsci[17]» à l’égard de la communauté guinéenne, qui « s’est battue pour l’élection du Président Alassane Ouattara en 2010 [18]».

Quelques mois plus tard, l’Araja prête allégeance à l’Association des compagnons de l’Islam [19](Aci), une entité ritualiste, rigoriste et littéraliste qui s’oppose, par définition, au modèle social et démocratique de l’Etat ivoirien et revendique l’application de la Charia.

Lassina Diarra
Auteur de :

– « Terrorisme international, la réponse de la Cote d’Ivoire », l’Harmattan 2016

– « La CEDEAO face au terrorisme transnational », l’Harmattan, 2016

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4 réflexions au sujet de “Côte-d’Ivoire Enjeux et mode de violence religieuse: La ville de Man un foyer de radicalisation ? (enquête 2è partie)”

  1. si c’est au nord, vous pouvez appliquer votre shari’a en toute tranquilité, les faut musulmans comme pisse ont besoin de 100 cou chicots ….riresss

  2. @Connectionivoirienne

    Distrait de toutes les nombreuses références ce document de recherches est difficilement exploitable.

    Pour qui a lu intégralement « Samory Touré une Révolution Dioula » du Professeur Yves Person, sans la bible des références et des annexes, ce monumental travail perdrait de sa puissance.

    Je me suis laissé dire au demeurant qu’àpres la capture de l’Empereur du Wassoulou, une bonne partie des Sofas de l’Almamy Samory serait restée a Man, formant le quartier Sofabougou intégrée plus tard au quartier grande mosquée…Tous n’auraient pas rejoint les terres d’origines diverses de peur parfois de représailles. Ces Sofas n’étaient uniquement issus du Bissandougou. Les 18 années du long combat ont été possibles en alimentant les bataillons de recrues locales au Wassulu a Sikasso à Korhogo, a Kong, Bobo, Dabakala, Séguéla, Marabadiassa etc.

    J’espère que ce ne sont pas les descendants de Sofas installés depuis la nuit des temps dans les 18 montagnrs, qu’on appelle abondamment dans cette contribution, les guinéens de Man.

    Les clarifications pourraient venir des notes que l’auteur cite explicitement et que vous ne publiez pas.

    Merci de nous aider a une meilleure exploitation de ce document.

    En tout état de cause, l’État gagnerait à prendre en mains l’ouest ! Tout l’ouest dont la pauvreté n’a pas suscité un plan spécial. Cet ouest qui paie le prix de sa proximité avec le Libéria et les affres des 10 années de crise, est un volcan en sommeil. Les particularismes religieux ne viennent qu’alimenter des ferments d’une crise qui couvait sous la cendre.

    A vouloir attendre le lever du soleil, on est toujours surpris par la brutale tournure des événements quand ils surviennent.

    Qu’on ne nous dise pas qu’on attend que le députe Sidik remonte les informations. Son activisme est consacré à l’avenir politique de Soro. Quid du sort des populations qui l’ont porté à l’Assemblée nationale ?

    Elles attendront !

  3. Ah, le dernier tintin bété @rhitler… Hannn…SAFROULAYE, tu veux parler de la même sharia bété (bien lire « sharia bété ») qu’un certain sauvage bété nommé Kragbé voulait imposer à Gagnoa et qui fut réglé bien et clair par la République en 1970…Ah, je vois…

    Hannnnn…pa…pa..pa…pa…Safroulaye, tu veux parler de « vrais » chrétiens comme Gbagba le fornicateur abruti comme toi qui avec ses voleurs tuèrent, pillèrent, et éventrèrent la CIV pendant 10 longues années, et lancèrent une guerre sauvage contre notre pays pour se venger de Soro en 2002 …Ah je vois… Eh, l’histoire quand tu nous tiens…. Je sais que comme tout sauvage bété tu lis la bible de gbagba mais pas la BIBLE…Donc, on comprend…

    Lollllll…

    Ecoute, enfant bété batard, je te l’ai dit, demande à ta mère enculée prostituée des arrière-boutiques de Dioula et des funérailles, elle t’en dira plus. Demande-lui…Okay… Riresss…

    Ah, ces bétés tous aussi damnés et dumb les uns que les autres…

    SAUWASSE…

  4. « En tout état de cause, l’État gagnerait à prendre en mains l’ouest ! Tout l’ouest dont la pauvreté n’a pas suscité un plan spécial. Cet ouest qui paie le prix de sa proximité avec le Libéria et les affres des 10 années de crise, est un volcan en sommeil. »

    Bravo et merci @Wara, pour ce lucide conseil : l’intelligence disait quelqu’un, c’est de demeurer dans la proaction et non dans la réaction. Une poudrière est en constitution, là, sous nos yeux à tous.

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