Par Connectionivoirienne
Que retenir du témoignage de Mangou ? – Extériorisation des frustrations vécues, règlement de compte et révélations des secrets-défenses… Rien de probant sur le ‘’plan commun’’
Que retenir du témoignage à mi-chemin du général de corps d’armée Philippe Mangou, chef d’état-major de l’armée ivoirienne de 2004 à 2011 ? Peu de choses pour le moment. L’ancien Cema qui officie aujourd’hui comme ambassadeur près la République du Gabon, devenu donc un baron du régime Ouattara, a adopté une ligne de défense pour ne pas dire sa ligne d’attaque basée non pas sur ses responsabilités de général qui devait tout mettre en œuvre pour vaincre un ennemi mais plutôt sur ses rapports tendus avec les généraux de la troupe qui mettaient en doute ses compétences.
L’homme a le verbe et la diction impeccables. Un bon orateur, pourrait-on affirmer. On sent que son affection pour Laurent Gbagbo (son bienfaiteur, comme il l’a souvent reconnu) reste intacte mais en même temps, il doit jouer dans la droite ligne de ses mandants. Mangou est donc entre le marteau et l’enclume, marchant sur des œufs, il veut à la fois tout dire et se retenir sans offenser Gbagbo et Ouattara. L’exercice est difficile et les dégâts collatéraux de sa déposition sont diversement commentés dans les deux camps.
Pour sûr, Philippe Mangou n’est pas tendre avec Dogbo Blé, l’ex-commandant de la garde républicaine qu’il soupçonne d’usurpation, il ne ménage pas non plus l’ex-commandant supérieur de la gendarmerie Edouard Tiapé Kassaraté et l’ex-directeur général de la police le général Bredou M’bia. (Ces derniers sont déjà passés dans le prétoire et avaient chargé le général. C’est donc la réponse du berger à la bergère, une monnaie qu’il rend). Ses rapports avec le capitaine en prison Séka Séka sont exécrables et il n’éprouve aucune gêne à balancer ces cadres de l’armée qui gênaient sans doute son action. En 7 ans de commandement, si Mangou a eu de bons collaborateurs, il aura aussi eu des contradicteurs et non des moindres au sein de la troupe. Des années de frustration qu’il tente d’extérioriser partageant les bons et mauvais points.
Il se met tellement dans la posture d’un général frustré par les comportements de l’entourage du président qu’il n’a pas hésité ce lundi, 5e jour de sa comparution à balancer Désiré Tagro, l’ex-ministre de Gbagbo assassiné dans des conditions obscures le 11 avril 2011. Selon Mangou, c’est Tagro qui a démarché le chef de guerre Koné Zakaria connu pour être un cacique du camp Ouattara afin que celui-ci joue la taupe au sein des troupes ennemies. 500 millions de FCFA, telle était, selon Mangou, le montant de la transaction. A une période, où selon le témoin, l’armée loyale peinait à remplir ses missions par manque de munitions et de matériel adéquat. En déclarant que ‘’Gbagbo a accidentellement financé le commando invisible’’, l’ex-Cema apporte implicitement du crédit à la thèse du plan commun qui stipule que Gbagbo a tout mis en œuvre pour se maintenir au pouvoir par tous les moyens (y compris par la force et la ruse).
Mais cette révélation même émotionnellement surprenante n’en est pas vraiment une car c’est une vieille stratégie de guerre qui consiste à utiliser l’ennemi contre l’ennemi. Elle peut être opérante comme elle peut échouer. Si cela est valable pour Koné Zakaria, il reste à savoir combien le camp Ouattara a aussi misé pour s’acheter les services des généraux loyaux à Gbagbo et qui auront manifestement failli jusqu’à la chute du régime le 11 avril. Des rumeurs de circulation de fortes sommes d’argent dans les casernes ont existé et des preuves doivent être sans doute aux mains des avocats de la Défense. Cette révélation n’est donc pas un coup de massue en soi. Ce n’est qu’un secret-défense mis au grand jour comme celui sur l’immixtion du général Palassé qui donna des injonctions visant à stopper l’offensive sur le Golf hôtel.
Mangou donne l’image d’un homme qui a gros sur le cœur et qui épousera cette ligne de révélations fracassantes sans retenue dès lors qu’il se sentira acculé par la défense.
Sinon, jusque-là, hormis quelques propos pour contenter le procureur, la thèse du plan commun peine à être démontrée par le témoin-clé de l’accusation. Mangou a déclaré et démontré que l’attaque de la manifestation des marcheuses d’Abobo n’était pas le fait de ses hommes, que le bombardement au mortier du marché Siaka Koné d’Abobo n’est pas une initiative des Fds. Mangou tente plutôt de présenter Gbagbo comme la victime tout en dénonçant les maladresses et les dérapages de son entourage (militaire et civil) qui somme toute, avoue implicitement Mangou, n’est pas composé que des membres de son ethnie.
Le procès en trahison de Mangou qui a lieu sur les réseaux sociaux peut donc suivre son cours mais pour cette première journée avec la défense on ne peut pas dire que le témoin n’a pas répondu aux questions posées par Me Altit.
SD à Abidjan
sdebailly@yahoo.fr
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