Sociétés offshore, attrait du gain, amitiés compromettantes : « Le Soir » et ses partenaires du réseau European Investigative Collaborations révèlent les pratiques cachées de celui qui fut le premier procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo.
« Mon salaire [de procureur] n’était pas assez élevé » [150 mille euros Net], tente d’expliquer l’ancien procureur de la Cour pénale internationale (CPI), l’Argentin Luis Moreno Ocampo, 65 ans, qui estime que ses sociétés offshore ne regarderaient que lui. Et pourtant : sociétés offshore, attrait évident du gain, amitiés compromettantes auprès de cibles potentielles de la Cour pénale, enfin « pantouflage » auprès de riches et puissants amis : Le Soir et ses partenaires du réseau d’investigation European Investigative Collaborations (EIC) révèlent à partir de ce vendredi les pratiques cachées de celui qui fut de 2002 à 2013 le premier procureur de la Cour pénale internationale.
Si le procureur doit être quelqu’un « d’une haute stature morale » comme le précisent les statuts de la CPI, nos documents révèlent que lorsqu’il était en place à La Haye, Luis Moreno Ocampo était détenteur de plusieurs sociétés offshore, prêtant ainsi le flanc à des suspicions sur sa moralité et sur l’intégrité de la Cour. Moreno Ocampo ne le nie pas, il nous répond simplement : « Mon salaire de magistrat à la CPI n’était pas assez élevé (NDLR : 150.000 euros net/an). Détenir une compagnie offshore n’est pas illégal, tout dépend de ce que vous en faites ».
Ces mêmes documents révèlent aussi qu’après avoir quitté la CPI, l’avocat et consultant argentin a œuvré contre les intérêts de la Cour en se mettant au service de particuliers qui pouvaient être visés par les enquêtes de cette même juridiction pénale. Il a par ailleurs indirectement rémunéré des membres du personnel de la Cour afin qu’ils procèdent à un lobbying en faveur de ses clients. C’est ainsi que, de retour dans le privé, Luis Moreno Ocampo s’est mis au service d’un riche Libyen, Hassan Tatanaki, dont le rôle dans la crise libyenne sera controversé. Mais Ocampo accepte de lui vendre son expertise du droit international pour trois millions de dollars en trois ans : « C’est de l’argent que je veux investir », se réjouit alors Ocampo auprès de son banquier.
En définitive, pendant son mandat et après celui-ci, l’ancien procureur a mis en péril l’impartialité et l’indépendance de la CPI, alors que cette dernière est censée être au-dessus de tout soupçon et a pour mission d’œuvrer à un monde pacifié. Selon notre enquête, les pratiques initiées par M. Ocampo sont toujours en cours à la CPI, perpétuées par ceux qui lui sont demeurés loyaux et fidèles.
Dix médias regroupés au sein du réseau European Investigative Collaborations (EIC) se sont unis pour publier « Les secrets de la Cour ». Cette enquête transnationale résulte de l’analyse de 40.000 documents, câbles diplomatiques et correspondances, recoupés par interview et documents d’accès public. Ils jettent un nouvel éclairage sur le mandat et la personnalité de Moreno Ocampo. Ces documents, obtenus par nos confrères français de Mediapart et analysés au sein du réseau EIC, révèlent la manière dont les actions de Moreno Ocampo ont finalement porté ombrage à la Cour pénale, une juridiction universelle et permanente mise en place pour poursuivre les seigneurs de guerre et les dictateurs, les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocides.
Plus de vingt journalistes, travaillant pour une dizaine de médias d’Europe et d’Afrique, ont enquêté pendant six mois. Le résultat de leurs investigations sera publié tout au long de la semaine prochaine. Porté par le réseau EIC, ce travail a fait collaborer Mediapart (France), NRC Handelsblad (Pays-Bas), Der Spiegel (Allemagne), El Mundo (Espagne), Le Soir (Belgique), ANCIR (Afrique du Sud), The Black Sea (Roumanie), Nacional (Croatie), L’Espresso (Italie), Expresso (Portugal).
Source: Le Soir
Par A.L., Jo.M., avec EIC
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