Créés il y a une vingtaine d’années, les Comités de gestion des établissements scolaires ont un réel problème d’image.
Ce coup-là, Nathalie n’est pas près de l’oublier. Son fils lui avait apporté une (quasi) injonction à s’acquitter d’une cotisation demandée par le bureau du Comité de gestion des établissements scolaires ( Coges) de son école, sous peine d’expulsion sans délai. Et elle s’était exécutée.
Cherchant à comprendre, quelques semaines plus tard, elle va se retrouver devant un opaque nuage. Tenace, elle réalisera, au bout du compte, que la convocation Coges était, en fait, un cru de l’institutrice. Le directeur d’école saisi, plaida pour un règlement amiable. Et l’affaire fut réglée… à l’africaine. Sans suite…
Banal fait divers ? Que non ! Le quotidien des Coges est ainsi rythmé de compromissions diverses qui ont jeté l’opprobre sur l’institution.
Qui pour mieux en parler qu’un ancien président de bureau ? Il se prénomme Franck (nom d’emprunt). Dans notre jardin où nous le recevons en ce lundi de Noël, il ne se fait pas prier pour se lâcher : « Il faut être un peu fou pour diriger un bureau Coges. Sinon… »
Tentations
Sinon ? Les sollicitations et tentations du diable sont nombreuses et peuvent rapidement prendre contrôle de votre intégrité morale. « Dans mon cas, le diable, c’était le directeur de l’école (un établissement primaire situé dans la commune de Port-Bouët, Ndlr), secrétaire général du bureau Coges que je dirigeais. Il voulait que nous disposions des fonds générés par les cotisations à notre guise. Et comme je refusais de le suivre, il n’arrêtait pas de créer des dépenses pour faire sortir l’argent. Certaines étaient illogiques, comme cette exigence qu’il a obtenue de faire construire des toilettes privées dans son bureau, alors que l’école manquait cruellement d’espace de travail et même de mobilier. Ou encore d’octroyer une prime de transport de 10 000 F Cfa par semaine à six de ses enseignants sous prétexte qu’ils habitaient loin de l’école ».
Empruntant au langage fleuri ivoirien, il enchaîne : « C’est dire non qui entraîne palabres ». Sous-entendu : « Je n’ai pas opposé un refus frontal, mais je ne me suis pas exécuté ».
Autre épisode révoltant : chaque fois que besoin personnel se faisait sentir, tout enseignant se permettait d’adresser un avis aux parents d’élèves pour payer une cotisation créée de toutes pièces.
« En cas de reddition, fait observer Franck, une seule personne était responsable devant les parents d’élèves qui, je le savais, consentaient d’énormes sacrifices pour payer les cotisations : c’était moi ! »
De guerre lasse, il a fini par rendre son tablier avant le terme de son second mandat. « Nous sommes partis en laissant plus de 300 000 F Cfa dans les caisses. Au bout de deux semaines, tout s’était évaporé », tient-il de ceux qui lui ont succédé.
Victoire
Une belle victoire tout de même dans cette jungle. Franck et son équipe ont réussi une action qui vaut son pesant d’or : le départ d’une enseignante plus occupée à gérer son maquis qu’à faire son travail. « Elle ne pointait à l’école que trois fois par mois. Nous avons fait un rapport à l’inspection de l’enseignement primaire et, après enquête, elle a été mutée ailleurs». Le droit d’ingérence des Coges dans le fonctionnement de l’école et le contrôle des présences aura triomphé !
Haro !
Fou, Franck l’aura certainement été pour s’en sortir sans éclats. Il n’en faut pas tant, objecte sèchement un enseignant du lycée municipal de Port-Bouët. « Il faut tout simplement supprimer les Coges », fulmine-t-il, très remonté. Ce vœu, croit-il savoir, est partagé par la famille enseignante dans son entièreté (« A 99% ! »), écœurée par les « crimes » commis sous le couvert du Coges. Il en égrène et commente…
Cupidité. « Le lycée manque cruellement de salles de classe et de tables-bancs. Certains élèves font la géométrie assis à même le sol. Le Coges n’en a cure. Pire, le bureau se déclare sans moyens pour acheter une simple boîte d’ardoisine à 4 500FCfa pour peindre un tableau, alors qu’il collecte au moins 40 millions à chaque rentrée des classes. « Cet argent est destiné à autre chose », répond laconiquement le président chaque fois qu’il est approché ».
Affairisme. « Le Coges est plus préoccupé par la location des espaces que par l’entretien et le développement du lycée. Les salles de classe sont occupées chaque week-end par diverses cérémonies (mariages, cultes religieux, etc.) contre espèces sonnantes et les espaces de jeux loués à des équipes sportives. Les enseignants n’y échappent pas. Ils sont astreints à payer pour les cours de renforcement qu’ils dispensent, au motif qu’ils utilisent les installations de l’établissement. Où va donc tout cet argent ? »
Chantage. « Les cotisations sont systématiques à chaque rentrée. Une sorte de chantage est exercée sur les élèves et leurs parents pour les amener à payer. Aucun élève n’est affecté dans une classe avant d’avoir payé ».
Immobilisme. « Les projets pour lesquels la cotisation de 6 500 F Cfa a été lancée, il y a une demi-douzaine d’années, sont toujours en souffrance ».
De là à conclure que les Coges, vingt ans après leur création, n’ont été que la négation de l’espoir qu’ils portaient à leur naissance, il n’y a qu’un pas que notre interlocuteur a allègrement franchi. Moins péremptoire, il sera cependant sur le concept lui-même, concédant qu’il porte en lui des germes très positifs.
Côté positif, des exemples de développement des écoles grâce aux Coges existent, hélas éclipsés par un tableau général peu reluisant.
ELVIS KODJO
Partout où il y a de l’argent à gérer, bonne et mauvaise gestion cohabitent. Tous les cas de figures évoqués, bons et mauvais, sont fondés.
Il y a des COGES qui gèrent mal et d’autres qui gèrent bien. Mais tout ce remue-menage pose la question du contrôle. Quand il y a contrôle, tous les malhonnêtes font attention.
De même, quand il n’y a pas de contrôle ou lorsque ce contrôle est laxiste, les personnes qui se comportent bien sont tentées, au bout d’un certain temps de règne de l’impunité, de se servir aussi…. et cela est encouragé tacitement, par un contexte national où d’énormissimes sont scandale financier ont prospéré impunément au sommet de l’état.Exemple: le scandale des milliards évaporés dans les rénovations des citées universitaires!
« Les gens mangent en haut, pourquoi nous aussi on ne mangerait pas en bas? »
Voilà ce qui se pense tout haut !
La question est donc une question de modèle et de rigueur dans le contrôle.
Cela dit, je ne pense pas qu’il faille supprimer les COGES. Il faut éviter les solutions de facilités qui consistent à envoyer tout paître plutôt que de réfléchir pour proposer des alternatives.
La vie est un cycle permanent. Les ténèbres et la lumière gouvernent en alternance. Cette heure-ci a vu triompher les ténèbres, travaillons pour ramener la lumière.
Attention à ne pas aussi se laisser griser par les effets d’annonce. Ce n’est pas parce qu’il y a cotisation, même élevées qu’il y a mauvaises gestions ou intention de se beurrer sur le dos des parents d’élèves.
La nouvelle d’un seul train qui tombe fait plus de bruits que celles des 99 autres arrivés sans embages à destination.
Alors question: est-ce la mauvaise gestion que l’on dénonce où tout simplement les cotisations élevées cette année? Autrement dit, si l’on supprime ou baisse les cotisation, tout le monde fermera-t-il les yeux sur la destination des fonds au sein des COGES ?