Les semences enrichiront l’Afrique, pas les diamants (Contribution)

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Par le Dr Kanayo Nwanze, AGRA.

De retour dans mon pays natal depuis ma retraite de mes fonctions de président du Fonds international pour le développement agricole (FIDA) en mars de cette année, je me souviens d’un dicton local selon lequel lorsque vous allez au ruisseau pour puiser de l’eau, l’eau contenue dans votre seau n’appartient qu’à vous. Personne ne peut vous prendre cette eau qui vous est destinée. La vie vous donnera ce que vous méritez, rien de plus, et rien de moins. Mais d’abord, vous devez marcher vers le ruisseau, vous pencher et plonger votre seau.
Cette parabole m’a inspiré le titre de mon livre récemment publié, A Bucket of Water (Un seau d’eau), qui relate les leçons et expériences de ma carrière professionnelle de 40 ans dédiée à l’agriculture en général, et à l’agriculture africaine en particulier.

J’ai été témoin de nombreux changements inspirateurs en Afrique au fil des années. Des technologies permettant aux agriculteurs de produire plus de rendement par unité de superficie ont été élaborées. L’accès aux marchés et aux ressources financières a également été amélioré, tout comme le cadre politique. De plus, l’Afrique connaît une croissance économique sans précédent : cinq des 10 économies les plus dynamiques du monde sont en Afrique.

Cependant, ce progrès est ironique lorsque l’Afrique, en dépit de sa richesse, est encore incapable de se nourrir : les niveaux de pauvreté restent élevés et des millions de personnes n’ont rien à se mettre sous la dent. Je considère que notre dépendance excessive à l’égard des minerais est le principal problème.

Selon le US Geological Survey 2016 (étude géologique des Etats-Unis d’Amérique), l’Afrique subsaharienne produit 77 % du platine dans le monde; 60 % du cobalt (utilisé pour des piles et des alliages de métaux); 46 % desdiamants industriels naturels; et une abondance d’or, d’uranium, de pétrole et de gaz. Tragiquement, cette immense richesse minérale n’a pas profité à la majorité.
Ma vision de l’avenir de l’Afrique ne repose pas sur les fondations des industries extractives. Ces richesses ne se sont pas traduites dans un large éventail de création d’emplois, ni par le bien-être social ni par la stabilité. Elles n’ont pas nourri des personnes affamées. Elles n’ont pas réduit la pauvreté.

A mon sens, la croissance économique de l’Afrique repose sur la revalorisation et l’utilisation complète du potentiel des petits exploitants agricoles qui représentent 70 % de notre population. Lorsque j’insistais pendant plusieurs années sur le fait que les petites exploitations agricoles rapportent autant de revenus que de grandes opérations, mes points de vue étaient considérés au mieux comme romantiques et au pire comme insensés. Je suis heureux de constater que la perception des petites exploitations agricoles comme des entreprises commerciales se généralise de plus en plus aujourd’hui.

Pour atteindre le type de croissance économique qui ne laisse personne derrière, il faut délibérément accorder la priorité au secteur agricole. En effet, l’agriculture est la voie la plus sûre vers la prospérité de l’Afrique. Par exemple, il est bien connu que la croissance du PIB due à l’agriculture est au moins trois fois plus efficace pour réduire la pauvreté dans les pays sans ressources et à faible revenu que la croissance dans d’autres secteurs. En Afrique subsaharienne, on estime qu’elle est 11 fois plus efficace.
Nous sommes richement dotés de ce qu’il faut pour atteindre la grandeur : des conditions climatiques idéales qui, malheureusement, changent de façon dévastatrice; de grandes étendues de terres arables; d’énormes réservoirs d’eau qui peuvent être utilisés pour l’irrigation; et, surtout, le vaste potentiel des personnes elles-mêmes, en particulier l’ingéniosité et la vigueur de notre jeunesse. Nos femmes qui font la grande partie de nos travaux agricoles méritent une mention spéciale. En 2016, j’ai été honoré en tant que lauréat du Prix Inaugural de l’Alimentation en Afrique que j’ai dédié aux millions de femmes africaines qui triment silencieusement pour nourrir leurs familles. Je suis fermement convaincu qu’aucune nation n’a pu se transformer sans donner aux femmes les mêmes droits et opportunités que ceux qui sont donnés aux hommes.

Cependant, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, la réalisation d’une transformation agricole à l’échelle du continent, en tant que fondement de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté, exige un leadership visionnaire aux niveaux national et continental, étant donné que notre continent a tout ce qu’il faut pour réussir dans le bon climat de leadership.
Nous saluons l’engagement de nos dirigeants à allouer au moins 10 % des dépenses publiques à l’agriculture et à en assurer l’efficience et l’efficacité dans la Déclaration de Malabo. Il reste encore davantage à faire. Par exemple, seuls huit sur les 44 gouvernements de l’Afrique subsaharienne ont tenu ces promesses d’investir davantage dans l’agriculture.
Cependant, là où cette résolution a été adoptée et la volonté est présente, là où les décisions ont été prises et les actions mises en œuvre, les résultats ont été à la fois rapides et phénoménaux.
L’Ethiopie, par exemple, a récolté d’énormes avantages depuis deux décennies de leadership visionnaire et en respectant ses engagements de développement. Le gouvernement a mis en place le Plan de croissance et de transformation (GTP) pour renforcer la productivité des petits exploitants agricoles, améliorer les systèmes de commercialisation, améliorer la participation du secteur privé, augmenter le volume des terres irriguées et réduire le nombre de ménages sans aliments inadéquats.

Aujourd’hui, l’agriculture est le secteur le plus important de l’Éthiopie, représentant près de la moitié du PIB du pays (46,3%), 90% des exportations et 85% de la main-d’œuvre.
Le Rwanda est un autre exemple où la transformation agricole a porté sur la réforme agraire, la consolidation des terres et un meilleur accès aux intrants et aux services de vulgarisation pour les petits exploitants agricoles. Cela a augmenté la disponibilité alimentaire du pays jusqu’à 150 %, ce qui a réduit de manière significative la malnutrition chronique, le retard de croissance et la pauvreté de 20 % au cours des dix dernières années.

Le leadership visionnaire dans l’agriculture, par conséquent, offre des rendements rapides. L’Éthiopie et le Rwanda, comptant parmi les économies africaines les plus dynamiques, sont de bons exemples de pays qui se sont dirigés vers le ruisseau pour remplir leurs seaux.

D’autres pays devraient faire la même marche vers la rivière d’opportunités agricoles qui coule continuellement. L’historique Forum de la Révolution Verte en Afrique, qui sera accueilli à Abidjan (Côte d’Ivoire) par S.E. le Président Alassane Ouattara, est un pas vers la rivière. Lors de ce Forum, des dirigeants d’Afrique et du monde entier élaboreront des plans d’action susceptibles de faire avancer l’agriculture africaine.

Le Docteur Kanayo F. Nwanze est le lauréat du Prix de l’Alimentation en Afrique 2016 et ancien président, précédant l’actuel, du Fonds international pour le développement agricole (FIDA). Il est également membre du Conseil d’administration de l’Alliance pour une Révolution Verte en Afrique (AGRA).

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