La Côte d’Ivoire joue gros aux Jeux de la Francophonie
Jour J en Côte d’Ivoire. A 18 h 30, ce vendredi 21 juillet, le rideau se lèvera sur la cérémonie d’ouverture de la 8ème édition des Jeux de la Francophonie. Trente ans après sa création, l’événement pose son décor en Afrique, pour seulement la quatrième fois. Abidjan 2017 succède à Rabat/Casablanca (Maroc) en 1989, Antananarivo (Madagascar) en 1997, puis Niamey (Niger) en 2005. Pour la Côte d’Ivoire, l’enjeu est de taille. Il dépasse largement le seul cadre du sport.
Passons rapidement sur les chiffres. Entre le 21 et le 30 juillet, la capitale ivoirienne accueille environ 4 000 athlètes et artistes, venus de 53 pays. Au programme, huit disciplines sportives, dont une en handisport (athlétisme), plus un sport de démonstration (cyclisme sur route). Au rayon culture, pas moins de sept catégories artistiques, dont la très tendance « création écologique ».
L’enjeu est ailleurs. Politique, pour commencer. Selon le discours officiel, les Jeux de la Francophonie pourraient avoir sur la Côte d’Ivoire un impact économique, diplomatique et politique. Les autorités du pays veulent s’en servir comme d’un outil pour « renforcer la cohésion nationale ».
Logique, mais pas gagné d’avance. A quelques jours du début de l’événement, les leaders du FPI, un parti d’opposition lié à l’ancien président Laurent Gbagbo, actuellement détenu à La Haye, ont annoncé qu’ils s’inviteraient aux Jeux, pour « alerter les participants et l’opinion sur la réalité politique du pays. »
Des coups de feu ont été tirés à Cocody, dans la nuit du 19 au 20 juillet. Des hommes en arme et en cagoule ont pénétré le camp de l’école de police du quartier. Depuis le début de l’année, des mutineries ont éclaté dans plusieurs régions ivoiriennes. Elles ont conduit le pouvoir à opérer un remaniement ministériel à deux jours seulement de l’ouverture des Jeux.
Autre enjeu: l’économie. A Abidjan, les autorités ivoiriennes se refusent à dévoiler le montant des dépenses publiques engagées pour préparer l’événement. Tout juste sait-on que le comité d’organisation a disposé d’un budget de 11,5 millions d’euros. Mais le régime du président Alassane Ouattara n’a pas lésiné sur les moyens. Le stade Félix Houphouët-Boigny a été rénové, tout comme le Palais des Sports de Treichville. Une salle polyvalente de 2 500 places est sortie de terre. Un vaste chantier a été lancé pour aménager en village des athlètes l’Institut national de la Jeunesse et des Sports. Trente-trois bâtiments de deux étages en préfabriqué ont été montés pour loger les participants.
Commentaire de Mahaman-Lawan Seriba, le directeur général du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), cité par RFI: « Après Niamey, Abidjan est la ville qui a construit le plus d’infrastructures de très grandes facture en vue des Jeux. Jamais la Francophonie n’a été autant honorée en infrastructures sportives et culturelles. »
Le pays ne s’en cache pas: il attend rapidement un retour sur investissement. Baba Coulibaly, le directeur de la communication du ministère chargé des Jeux, parle d’un « clin d’oeil vers les investisseurs », étrangers de préférence. En France, l’appel a été entendu. Une délégation d’une vingtaine de chefs d’entreprise a fait le voyage vers Abidjan, pour une visite de trois jours (20 au 22 juillet), à l’invitation des « task force » sport et ville durable de Medef International, l’une des branches de l’organisation du patronat français. Son objectif: apporter une plus grande visibilité aux entreprises de la filière sport, mais également « identifier les opportunités liées aux grands événements sportifs à venir en Côte d’Ivoire ». En tête de liste, la Coupe d’Afrique des Nations de football en 2021.
Reste l’enjeu sportif. Pas le plus simple. Dans un calendrier de plus en plus chargé, les Jeux de la Francophonie peinent souvent à se tailler une part visible. L’édition 2017 à Abidjan doit faire face à la concurrence des Jeux Mondiaux, organisés aux mêmes dates à un jour près (20 au 30 juillet 2017), dans la ville polonaise de Wroclaw.
En athlétisme, l’un des sports majeurs des Jeux, la presse ivoirienne annonce comme certaine la présence de la sprinteuse locale Marie-Josée Ta Lou, 4ème sur 100 et 200 m aux Jeux de Rio 2016. Une bonne nouvelle. Mais les deux autres grands noms du sprint ivoirien, Murielle Ahouré (vice-championne du monde sur 100 et 200 m en 2013), et Ben Youssef Méité, 6ème du 100 m à Rio, devraient faire l’impasse. Ils se concentrent sur la préparation des Mondiaux de Londres.
Réunissant une cinquantaine de pays, la huitième édition des Jeux de la francophonie débute vendredi 21 juillet à Abidjan. Les autorités comptent sur cet événement pour faire rayonner la Côte d’Ivoire, mais les tensions sécuritaires assombrissent le tableau.
Pendant dix jours, la capitale économique ivoirienne vibrera au son des chants et des danses des supporters ainsi que des performances des 4 000 athlètes venus de 53 pays ayant en partage le français dans le monde, qui rivaliseront dans les domaines artistiques et sportifs. C’est donc à une véritable fête populaire que les organisateurs de cet événement sportif quadriennal – lancé en 1987 en réponse aux Jeux du Commonwealth qui regroupent les pays anglophones – invitent le public abidjanais.
Mais dans le cas d’espèce, l’on est porté à croire que sur les bords de la lagune Ebrié, l’on va s’amuser, la peur au ventre. Et pour cause. Depuis qu’une partie de la soldatesque est à couteaux tirés avec le pouvoir central pour des questions de primes [depuis le début de l’année, plusieurs mutineries et incidents violents impliquant des militaires ont eu lieu dans le pays], de nombreuses villes ivoiriennes sont loin de connaître la quiétude. Sont de celles-là la Perle des lagunes, Abidjan, qui abrite ces Jeux.
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Et ces bruits de bottes incessants ne sont pas de nature à rassurer les visiteurs et leurs hôtes. D’autant plus que, bien avant la tenue de l’événement, des soldats mutins et autres démobilisés [anciens militaires] avaient clairement affiché leur intention de perturber la compétition, s’ils n’obtenaient pas gain de cause.
Et voilà qu’à deux jours de l’ouverture des Jeux, des éléments armés incontrôlés ont fait parler la poudre à Abidjan [des tirs ont été entendus le 19 juillet et une personne a été tuée], alors même que les premières délégations commençaient à prendre leurs quartiers au “Village des Jeux”.
Une mauvaise publicité dont aurait certainement aimé se passer le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) qui, la veille déjà, avait procédé à un léger remaniement ministériel lequel a vu, dans ce contexte trouble de revendications, le maroquin de la Défense échoir à Hamed Bakayoko. Un proche parmi les proches, qui a visiblement pour mission de mieux tenir des troupes qui semblent avoir pris trop de libertés avec la discipline qui fait la force des armées, au point de rompre régulièrement le silence qui est pourtant l’une des caractéristiques fondamentales de la Grande Muette.
Morosité économique
Le moins que l’on puisse dire, c’est que malgré les efforts déployés par les autorités ivoiriennes, ces Jeux ne s’annoncent pas sous les meilleurs auspices. Car ils s’ouvrent dans un contexte de morosité économique qui est en passe de l’emporter sur l’adhésion des populations à cette fête de la culture et du sport, en plus des soucis sécuritaires qui troublent le sommeil des organisateurs.
Cela dit, il faut déplorer le contexte de tensions dans lequel se tiennent ces 8èmes Jeux de la francophonie qui, au-delà de la compétition, étaient censés montrer à la face du monde que la Côte d’Ivoire a définitivement renoué avec la paix [après la crise post-électorale sanglante en 2010-2011]. Toute chose qui devrait concourir à ramener la confiance totale des investisseurs qui hésitent encore à franchir le pas.
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Mais en persévérant dans cette crise, la Côte d’Ivoire montre qu’elle n’est pas encore guérie de sa maladie. L’objectif n’est certainement pas de faire du mal aux nombreux hôtes venus prendre part à la compétition. Mais en cristallisant les passions de la sorte et en attirant l’attention de cette manière, les Ivoiriens sont en train de se tirer une balle dans le pied en vendangeant le capital de sympathie et de confiance nourri à l’endroit de leur pays.
Et c’est tout le pays qui sortira perdant de cette situation. Car ce n’est ni plus ni moins qu’une façon de détourner l’intérêt des autres nations de la Côte d’Ivoire, en envoyant un tel message d’instabilité. C’est pourquoi, quelles que soient les raisons, il faudrait savoir raison garder. Car il s’agit ici de la Côte d’Ivoire, de son image et de sa réputation.
Menace terroriste
En tout état de cause, l’on peut même se demander si la prise en otage de ces Jeux sera la solution aux différents problèmes soulevés. L’on peut en douter. Car, l’on ne voit pas comment cela pourrait décider les autorités à revenir sur leur position. Par contre, l’on peut être sûr que si la situation perdure et que la sérénité ne revient pas, cela portera un coup sérieux à l’image du pays.
Et dans le cas d’espèce, il faut toucher du bois pour que rien de fâcheux n’arrive à un athlète, du fait de ces événements. D’autant plus que dans ce contexte d’insécurité sous-régionale, la menace terroriste n’est jamais vraiment loin. Et Dieu seul sait si ces apôtres de l’apocalypse sont friands de tels événements d’envergure qui donneraient indubitablement une dimension particulière à leurs actions d’éclat.
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C’est pourquoi il faut saluer l’attitude des autorités ivoiriennes qui semblent avoir pris toute la mesure de la menace en ne lésinant pas sur les moyens pour assurer la sécurité des Jeux. Grand-Bassam est encore frais dans les mémoires [cet attentat revendiqué par Al-Qaida au Maghreb islamique avait fait 19 morts le 13 mars 2016], et les autorités d’Abidjan sont bien placées pour savoir que leur pays est dans le collimateur de ces extrémistes.
En tout état de cause, tout le mal que l’on peut souhaiter à la Côte d’Ivoire, c’est de réussir ces Jeux qui, au-delà de la compétition et des retombées économiques pour le pays organisateur, véhiculent des valeurs de solidarité et de fraternité au sein de la jeunesse francophone. Reste maintenant à espérer que, par leurs prestations, les athlètes venus du monde entier donneront une tout autre saveur à cet événement et feront oublier un tant soit peu aux Ivoiriens les difficultés du moment. C’est aussi ce à quoi concourent le sport et la culture.
Le Pays (Ouagadougou)
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