Velléités putschistes et insurrectionnelles: Comment restaurer l’autorité de l’État en Côte-d’Ivoire

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Afrikipresse

La Côte d’Ivoire n’est pas totalement sortie de la zone de turbulences qu’elle traverse depuis le début de l’année au moment où vont se dérouler les Jeux de la Francophonies : grève des fonctionnaires, mutineries, mobilisation des « démobilisés ». Des événements se sont produits il y’a quelques jours : coups de feu près des casernes, 3 morts et 6 blessés à Korhogo, dans le nord du pays; et dans la nuit du mercredi à jeudi, des tirs ont été entendus à Abidjan. Comme souvent dans les situations de ce genre , le Président de la République a procédé à un remaniement ministériel de façon à resserrer son équipe et à s’appuyer sur des ministres sûrs à des postes-clefs.

​Un remaniement très politique

​Du ministère de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, très proche du président Alassane Ouattara, passe à la Défense. Amadou Gon Coulibaly le Premier ministre, hérite, par décret du ministère du Budget. L’ancien préfet d’Abidjan, Sidiki Diakité,est nommé à l’Intérieur, un choix qui n’est pas anodin, le nouveau ministre de l’Intérieur ayant géré, ces derniers temps, les mouvements de contestation dans la capitale économique. De façon plus anecdotique, mais importante, l’ancien ministre de la Défense hérite du portefeuille des Eaux et Forêts et le Général Issa Coulibaly prend la Fonction publique.

​Ce remaniement est le résultat de 3 sanctions qui frappent l’ancien ministre de la Défense, sanctionné pour n’avoir pas su gérer les mutineries, le ministre du Budget, qui paie la crise budgétaire, et le ministre de la Fonction publique, dont les syndicats voulaient le départ. La stratégie est classique : d’abord, changer les hommes, ensuite, consulter et agir.

– Ministère de la Défense​

​Le choix d’Hamed Bakayoko comme ministre de la Défense a pu surprendre certains qui croient que Bakayoko n’est pas aimé par les militaires, ce qui est faux. À ce poste-clef, il faut un homme de confiance et un fin négociateur. Hamed Bakayoko bénéficie de la confiance du Chef de l’État et il est suffisamment « politique » pour écouter et répondre aux aspirations des militaires. On l’a beaucoup vu dans les discussions avec les « mutins ». Sa première déclaration en témoigne : « La reconstruction de cette armée est un défi majeur. Ma priorité va être d’être au contact des troupes pour bien capter les préoccupations, d’apporter des réponses, dans le sens de l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, et d’exiger d’eux la discipline. L’élite militaire, c’est avoir la discipline ».

Chacun sait que, jusqu’à présent, le commandement militaire, ministre compris, avait hésité dans les domaines de l’autorité, de la discipline , et de la confiance. Dans une démocratie, le rapport entre le Chef de l’État et l’armée est d’abord un rapport de confiance. On ne peut pas dire qu’il règne entre l’armée et le pouvoir politique un rapport de confiance, les militaires n’ayant pas vu aboutir des revendications légitimes (état des casernes, conditions de vie, etc).

Hamed Bakayo est dans l’obligation de réussir et de conduire cette réforme de l’armée qui s’enlise. Le ministère de la Défense devient un ministère d’État , ce qui traduit l’importance d’Hamed Bakayoko dans le dispositif de Ouattara, et c’est un signe fort envoyé par Ouattara aux militaires.

​- Ministère du budget

​La mise à l’écart du ministre du Budget apparaît bien comme une sanction. Le ministre paie deux choses : la situation budgétaire du pays, dont il n’est pas responsable, et sa gestion trop technocratique des dossiers, gestion qui a pu irriter certains membres du gouvernement. En confiant ce ministère au Premier ministre, Ouattara délivre deux messages : je me replie sur mon homme de confiance dans un secteur-clef, Amadou Don Coulibaly ; je lui fais la « courte échelle » pour 2020. Si Amadou Gon Coulibaly réussit à redresser les comptes de l’Etat sans conduire une politique d’austérité, il aura la voie libre en 2020. Sa gestion sera plus politique que celle technocratique de Cissé, l’ancien ministre du Budget, reclassé, ce qui est un déclassement, comme « conseiller spécial » à la Présidence. Cela n’enlève rien aux qualités de Cissé. Cissé n’était pas suffisamment « politique » pour occuper un tel ministère en période de crise. La règle veut que, lorsqu’une échéance électorale approche, on remplace des ministres « gestionnaires » par des ministres « politiques ». Homme fort du RDR, très écouté, le Premier ministre est très présent sur la scène politique, avec les risques que cela peut comporter pour 2020, à côté bien entendu des avantages.

​- Ministère de la fonction publique

​Nécessité de mettre devant les syndicats des fonctionnaires un autre interlocuteur. Le Général Issa Coulibaly dispose du charisme nécessaire pour réussir, s’il ne commet pas l’erreur de multiplier les promesses qui ne seront pas tenues. Les avancées pour les fonctionnaires doivent s’inscrire dans une réforme complète de la fonction publique. Aucun État ne peut prétendre réussir sur la voie de l’émergence sans un secteur public performant, modernisé, débarrassé des pesanteurs bureaucratiques héritées de l’ancienne administration.

​- Ministère des Eaux et Forêts

​Sous-estimé, ce ministère est un secteur-clef sur la voie de l’émergence. Comment sauver la forêt ivoirienne ? Comment développer une industrie du bois durable ? Comment préserver les rivières et les lacs ? Comment préserver la faune et la flore ? Des questions toujours posées, jamais résolues, alors qu’il s’agit d’une terre que les générations actuelles laisseront à leurs enfants.

​Alassane Ouattara est très préoccupé par la situation actuelle du pays, alors que débutent les Jeux de la Francophonie. Les fonctionnaires ont choisi de perturber « pacifiquement » ces Jeux pour se faire entendre. Le climat d’insécurité a conduit le gouvernement à mobiliser 9 000 policiers, gendarmes et militaires, afin d’éviter vols, agressions, dérapages, etc. C’est un test grandeur nature pour les ministres de la Défense et de l’Intérieur.

Après les Jeux, suivra une délicate séquence politique qui verra s’affronter Ouattara, Bédié et Soro, avec deux hypothèses : la consolidation du RHDP ou la fin de l’alliance entre le RDR et le PDCI. Guillaume Soro donne l’impression d’être décidé à être candidat en 2020, ce qui est légitime.

Le remaniement actuel est une première étape qui vise à restaurer l’autorité de l’État , contre les velléités d’acteurs soupçonnés d’user de la force, ou de conduire des logiques insurrectionnelles.

Charles Kouassi

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1 réflexion au sujet de « Velléités putschistes et insurrectionnelles: Comment restaurer l’autorité de l’État en Côte-d’Ivoire »

  1. Voici enfin un article qui ne dépeint pas toute la situation en noir dans ce pays de noirs. Moi, personnellement, j’ai émis et continue d’émettre des réserves sur le choix à la Défense. Mais, je sais être patient et veux donner une chance au nouveau locataire. J’attends et j’aviserai au moment opportun. Je lui souhaite bonne chance dans ses nouvelles responsabilités, et souhaiterais me tromper. Car, ce que nous voulons au bout du jour c’est une grande muette, devenue trop bavarde, redevenir muette pour ne pas embraser ce pays ou porter un coup à la quiétude du citoyen lambda qui travaille sans relâche pour subvenir à ses besoins et s’occuper des siens.

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