Laurent Gbagbo, ancien président de la République de Côte d’ivoire (26 octobre 2000 – 11 avril 2011), et Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Formation professionnelle, comparaissent depuis le 28 janvier 2016 devant la Cour pénale internationale (CPI) pour «quatre chefs de crimes contre l’humanité»: meurtre, viol, autres actes inhumains et persécution lors de la crise post-électorale ivoirienne (décembre 2010 à avril 2011).
Pour ce procès, Fatou Bensouda, la procureure auprès de la CPI, a identifié environ 137 témoins à charge pour soutenir son Accusation d’un «Plan commun» ourdi par «Gbagbo et sa clique» pour conserver coûte que coûte le pouvoir, en procédant à l’élimination systématique des partisans d’Alassane Ouattara. 42 sont déjà passés à la barre pour faire leur déposition. Et dix-sept mois après le début du procès, le malaise est profond à la Cour.
D’abord, les témoins. Certains ont été baptisés «témoins hostiles» par l’Accusation elle-même parce que déboussolée par leur déposition qui disculpe presque entièrement les prévenus. D’autres se révèlent des «témoins Gbagbo-compatibles» qui non seulement veulent saluer le prévenu à la barre mais font ouvertement campagne pour sa libération afin que la Côte d’Ivoire retrouve la paix.
Ensuite, l’armement des Forces de défense et de sécurité (FDS, ex-forces régulières). Les armes lourdes que Laurent Gbagbo aurait acquises, disait-on, à plus de 800 milliards de nos francs pour exterminer ses adversaires, ont été le motif officiel de la Résolution 1975 du 30 mars 2011 du Conseil de sécurité de l’ONU pour autoriser le pilonnage des casernes militaires et des sites officiels de l’Etat (Palais présidentiel et résidence des chefs d’Etat ivoiriens notamment) par les militaires français de l’opération Licorne et les Casques bleus de l’ONU.
Cette accusation cousue de fil blanc rappelle la fiction de George W. Bush qui avait valu le renversement en 2003 et la pendaison au président irakien Saddam Hussein, pour une «faute» qu’il n’avait jamais commise: la possession d’armes de destruction massive.
Car tous les généraux qui ont été présentés par la procureure Bensouda, à savoir Kassaraté Tiapé Edouard (ancien commandant supérieur de la gendarmerie nationale et actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire au Sénégal), Brédou M’Bia (ex-directeur général de la Police nationale) et Georges Guiai Bi Poin (ex-commandant de l’Ecole de gendarmerie et du Centre de coordination des opérations de sécurité ou CeCOS) ont unanimement démontré que les FDS étaient sous-équipées.
Enfin les expertises. Le lundi 29 mai 2017, le Néerlandais Atte Kloosterman, scientifique médico-légal et expert en ADN, mettait les pieds dans le plat devant la Cour. «Nous avons fait des tests pour déterminer s’il y avait des traces de sang (sur le corps des sept femmes prétendues tuées à la marche du 3 mars 2011 à Abobo, ndlr). Nous avons vu des taches suspectes sur le t-shirt, et nous avons donc effectué des tests pour déterminer si c’était du sang, et tous les tests étaient négatifs», analyse-t-il avant de poursuivre: «Une personne qui porte un t-shirt, on s’attend à ce qu’il y ait des traces d’ADN sur son propre t-shirt. Nous avons donc sécurisé l’objet en question et nous n’avons pas pu extraire d’ADN sur ces portions du t-shirt à des fins d’analyse ADN».
Donc, nous sommes en présence d’un tee-shirt qui porte des traces qui ressemblent à du sang sans être du sang. La surprise de l’expert en ADN est d’autant plus grande que d’après lui, un de ses collègues a noté que «l’état du t-shirt est impeccable, surtout à la lumière du fait qu’il a été enterré il y a de nombreuses années. (…) L’état du t-shirt exclut toute usure ou déchirure.»
Trois autres experts occidentaux ont enfoncé le clou le 30 juin 2017, soit un mois plus tard. Le premier est expert en image; il affirme que la vidéo du présumé massacre des femmes d’Abobo était un montage. Le deuxième indique qu’il n’y avait aucune trace de sang et d’ADN sur les vêtements portés par les présumées victimes de la marche des femmes d’Abobo. Le dernier expert en balistique soutient qu’il n’y avait aucune trace de cratère d’obus sur le site du marché
Siaka Koné qui aurait été bombardé par les FDS le 17 mars 2011.
La présidente du tribunal militaire d’Abidjan, Anne-Désirée Ettia, avait prononcé le 16 mars 2015, «pour des faits non établis», l’acquittement des prévenus (Commandant Gnahoua Dabley et du MDL-chef Kamana Tanoh Brice-Eric) pour ce bombardement sans cratère et leur mise en liberté immédiate.
Selon la démonstration faite par le MDL-chef Kamana Tanoh Brice-Eric, au regard de leur positionnement ce jour-là, il n’était pas possible que l’armée régulière tire en direction de ce marché. Car, leur ligne de mire n’était autre que la forêt du Banco où étaient regroupés les combattants pro-Ouattara.
Même à La Haye, les flagrantes contradictions à la barre entre la procureure Fatou Bensouda et ses témoins sur le moment permettent de s’interroger sur l’effectivité de ce bombardement. Il y a en effet six versions pour cette allégation: 1, entre 11h et 11h30; 2, vers 10h; 3, entre 14h et 15h; 4, entre 15h30 et 16h; 5, entre 1h et 2h du matin et 6, dans la nuit du 16 au 17 mars.
À l’exclusion du charlatanisme ou des contingences politiques, l’accusation, comme l’a commenté un internaute, n’est pas fondée en droit car la matérialité des faits n’a pu être établie au-delà du doute raisonnable. Logiquement, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé doivent quitter les liens de la détention pour recouvrer la liberté, ne serait-ce que provisoire.
En juin 2013, la Chambre préliminaire de la CPI avait déjà mis à l’index les fausses preuves du bureau de la procureure. Elle estimait que les preuves pour accabler Gbagbo et Blé Goudé ne s’appuyaient que sur des ouï-dire (des reprises de rapports d’Ong ou d’articles de presse); mais au lieu de mettre en liberté les prévenus, elle demandait à Bensouda de revoir sa copie.
En juin 2014, malgré des preuves jugées toujours insuffisantes, Fatou Bensouda est parvenue à convaincre deux des trois juges de la Chambre préliminaire que l’ancien chef de l’État ivoirien doit être jugé. Contre une voix dissidente: celle de la Belge Christine Van den Wyngaert, qui a estimé ne pas être convaincue que «le plan commun qui aurait visé au maintien de Laurent Gbagbo au pouvoir ait, explicitement ou implicitement, impliqué la commission de crimes contre des civils pro-Ouattara».
Les résultats se révèlent médiocres sur le terrain du droit. L’histoire est en train de donner raison à la Belge Van den Wyngaert et risque de ranger Fatou Bensouda du côté des sycophantes. «Je ne suis pas en prison; je suis otage. Je suis là pour permettre à Ouattara d’être à la présidence», commente Gbagbo. Avec lucidité et calme dans les colonnes du site français Médiapart.
Le 28 mars 2017, la Cour d’Assises d’Abidjan mettait la CPI aux pieds du mur. Elle a, en effet, acquitté son épouse Simone Gbagbo, l’ex-première dame de Côte d’Ivoire, qu’elle jugeait depuis près de dix mois pour crime contre l’humanité lors de la crise post-électorale 2010-2011. «Le jury à la majorité déclare Simone Gbagbo non coupable des crimes qui lui sont reprochés, prononce son acquittement et ordonne qu’elle soit remise immédiatement en liberté si elle n’est retenue pour d’autres causes» a déclaré le juge Kouadjo Boiqui, président de la Cour d’Assises.
Ferro Bally
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