Entendant les résultats des enquêtes sollicitées par des institutions publiques – notamment le Parlement – force est de constater que la mutinerie du 12 mai a eu des effets fortement néfastes sur les opérateurs économiques en général et le secteur du transport abidjanais en particulier. Surtout que le Plateau, centre des affaires et des administrations publiques et privées, était l’épicentre de la crise.
Laurent Ouattara, chauffeur de taxi-compteur, qui a durement ressenti l’impact négatif de la fermeture de la commune éponyme à toute activité économique à cause du soulèvement, est formel : « Quand ça va au Plateau, tout va bien. Parce que les clients que nous transportons en direction de ce quartier nous permettent de réaliser une bonne partie de nos recettes du lundi. J’avais eu le moral à zéro quand j’ai compris pourquoi aucun client ne demandait à aller au Plateau ».
C’est donc logiquement que le gain de Laurent Ouattara s’en est trouvé sérieusement affecté. Nous présentant le carnet dans lequel il note les différentes recettes réalisées, c’est très amer qu’il indique n’avoir pas pu réunir le tiers des 25 000 Fcfa qu’il doit verser quotidiennement à son employeur. Et de préciser: « A 11 heures, je n’avais eu que 3 500 Fcfa ».
La situation qu’il nous présente est nettement meilleure que celle de Jacques Trazié, également chauffeur de Taxi-compteur. « Je n’avais eu aucun client jusqu’à midi, alors qu’à cette heure, je fais l’essentiel de ma recette », fait-il remarquer. Il ajoute que les déplacements à l’intérieur du Plateau sont parfois plus porteurs pour lui. Parce qu’il lui arrive d’obtenir plus de la moitié de la recette au bout de quatre à cinq heures dans cette zone.
Les wôrô-wôrô ont aussi souffert.
Les pertes ont aussi été considérables pour les chauffeurs de wôrô-wôro (taxis banalisés, ndlr) des autres quartiers d’Abidjan en direction du Plateau. Les gares qui les accueillent ont totalement cessé de fonctionner au grand dam des conducteurs, des responsables et de certains agents des forces de l’ordre.
Plus dur pour certains que d’autres…
La frustration des deux dernières catégories d’acteurs susmentionnés s’explique par la perception de divers droits, notamment de stationnement. Pacôme Kouamé, chauffeur affilié à l’une des gares d’Adjamé explique qu’en plus « des droits de 2500 Fcfa que nous payons au chef de gare, nous versons 2500 aux forces de l’ordre ». M. Kouamé a tenu à faire cette précision, pour montrer l’ampleur des pertes à son niveau, alors qu’il avait déjà payé 10 000 Fcfa de carburant et n’avoir « pu effectuer que six voyage vers le Plateau ».
Ses collègues qui assistent à nos échanges soulignent que les trois derniers véhicules qui avaient quitté la gare ont dû rebrousser chemin avec les clients. Parce que les hommes en armes avaient fermé les accès au Plateau. Quant aux wôrô-wôrô en provenance de Marcory, de Koumassi, de Port-Bouët et de Yopougon, la frustration est plus grande. Puisqu’ils ont dû renvoyer les clients dans les différentes gares, sans percevoir le prix du transport. Et après n’avoir eu connaissance de la situation qu’à deux pas du Plateau.
« Nous ne pouvions pas exiger aux clients de payer, puisque le service pour lequel ils doivent le faire n’a pas été rendu. C’est donc nous qui avons perdu », explique Amara Koné, chauffeur à Yopougon-Siporex. En outre, il est évident que le manque à gagner a aussi été important du côté de la Société de transport Abidjanais (Sotra). Parce que plusieurs cars transitent par le Plateau.
La reprise n’était pas totale mardi et mercredi.
Le ralentissement des activités s’est poursuivi les mardi 13 et mercredi 14 mai pour bon nombre de transporteurs. Parce que les craintes subsistaient encore dans les esprits. Ali Touré, responsable dans une gare à Adjamé a confirmé cette situation. « Mardi, certains de nos chauffeurs ont préféré rester chez eux pour économiser le gasoil qu’ils avaient pris ».
ABOUBAKAR BAMBA
Fraternité Matin
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