« Il faut reconnaître les efforts du Président Ouattara »
« Ne pas reconnaître les efforts du Président Ouattara, c’est faire preuve de mauvaise foi », a confié, à Fraternité Matin, au cours d’une interview, Edmond William Atteby, secrétaire national du Front populaire ivoirien (Fpi) chargé de la fédération d’Abidjan-Banco. Par ailleurs, il a estimé que la main tendue du Chef de l’Etat n’est pas suffisamment saisie par l’opposition.
Ateby Williams est-il l’illustration qu’on peut rentrer d’exil et vaquer paisiblement à ses activités politiques, sans risque d’aller en prison comme le font croire certains ?
Je peux répondre par l’affirmative. Oui je suis rentré d’exil, je vaque à mes occupations. Je dis ce que je pense, je fais ce que je veux, dans les limites de ce qu’un citoyen peut faire, en sachant qu’il a des droits et des obligations. Au-delà de tout cela, il m’arrive d’être reçu par des personnalités du pouvoir avec qui je discute de la situation du pays. J’avais mes opinions dans le débat sur la constitution, j’ai eu le temps de les exposer dans la presse. Mieux, j’ai rencontré certains amis du Rdr avec qui j’ai discuté très amicalement. Je me suis retrouvé dans un face-à-face avec Touré Mamadou qui est maintenant Secrétaire d’Etat et le professeur Ouraga Obou.
A cette occasion, j’ai révélé ce que je considérais comme les insuffisances du projet de constitution, le tout dans une atmosphère de convivialité. Le débat était organisé par un Ong. On a continué ce débat entre juristes, notamment avec le ministre Cissé Bacongo. Les échanges se font dans une ambiance fraternelle et amicale. Il y a nécessairement un besoin d’opposition pour que la démocratie vive. Mais c’est une opposition d’idées ou de visions. Ce n’est pas la traduction de la haine, de la violence, de la suspicion. J’ai d’autres amis, qui n’ont rien à voir avec le Fpi qui sont par exemple pour le régime parlementaire. Moi je ne suis pas un partisan du régime parlementaire. C’est vous dire que nous sommes nombreux qui sommes rentrés d’exil et qui vivons, certes, avec quelques difficultés, mais sans être inquiétés jusque-là. Nous faisons ce que nous pensons avoir à faire pour une réconciliation vraie entre tous les fils de ce pays, c’est pourquoi, le Fpi n’a pas hésité à s’inscrire dans une démarche participative qui a donné lieu à plusieurs rencontres avec des membres du gouvernement dans une ambiance fraternelle. Nous devons, tous, nous donner les moyens de participer à la création d’un climat de confiance. C’est une responsabilité qui nous incombe quel que soit notre camp.
On a vu en 2016 des exilés au Ghana prendre la ministre Mariatou Koné à partie. Vu d’Abidjan, on a l’impression que des exilés se complaisent dans leur situation. Comment expliquez-vous cela ?
Je voudrais dire à la ministre Koné Mariatou que je n’ai jamais rencontrée, qu’elle fait un formidable travail. Elle y met son cœur. Je suis ici, mais j’ai des amis encore en exil, ayant été moi-même en exil. Je sais donc qui elle a rencontré là-bas. Il est impressionnant de voir qu’elle fait ce travail comme une véritable mère de famille. Si j’ai l’occasion de la rencontrer, un jour, je ne manquerai pas de le lui dire. Je sais les efforts qu’elle a faits pour que le ministre Kadet Bertin, notre ami Kacou Brou et d’autres rentrent et qu’ils reprennent leur travail. Ils vivent aujourd’hui le plus normalement du monde. Je n’ai pas eu besoin en mon temps de la rencontrer. Mais il est bon, quand une personne fait quelque chose de louable, de lui reconnaître cela, même quand on n’en a pas directement bénéficié. Que des jeunes fassent du chahut dans certains camps de réfugiés au Ghana, ça, c’est un détail.
Je souhaite plutôt que Mme la ministre continue sur cette lancée. Quand elle s’est rendue au Ghana, elle ne s’est pas contentée des grandes réunions. Elle a viré de bord. Prisonniers de cette logique-là, des gens tiennent des propos anachroniques et manifestement improductifs. ce sont des discours qui aujourd’hui n’ont plus lieu d’être, parce qu’ils ont pour résultat d’augmenter la méfiance et la suspicion. Il faut passer à autre chose. Aujourd’hui, ne pas reconnaître que des efforts sont faits de la part du président de la République, même si beaucoup restent encore à faire, c’est faire preuve de mauvaise foi. Elle a rendu visite à des personnalités. Elle s’est enquise de l’état de santé de certaines personnes là-bas. Elle est revenue à Abidjan, elle continue d’appeler, de partager des réflexions, de souhaiter que nos amis rentrent.
Elle continue de chercher à savoir ce qu’ils veulent qu’on fasse pour qu’ils rentrent, etc. Que voulez-vous de plus ? Cette volonté de la part du président de la République que Mme la ministre traduit en actes concrets, est louable. Il faut continuer sur cette voie. Nous revenons de loin, de très loin. Il peut donc y avoir encore quelques hésitations. L’essentiel, c’est qu’un mouvement d’ensemble est lancé. Il faut le suivre dans l’intérêt de tous. Je finirai sur ce chapitre en sollicitant également la libération des camarades qui sont actuellement détenus préventivement pour quelque raison que ce soit. Je reste convaincu que leur mise en liberté créera un déclic chez les plus pessimistes, et les rassurera davantage sur la nécessité de leur contribution au nouveau contrat social ivoirien.
Dans ces conditions, comment expliquez-vous les prises de position incendiaires contre le pouvoir depuis Accra de la part de Koné Katinan, le porte-parole de l’ancien président Laurent Gbagbo ?
J’avoue que je ne le lis pas assez depuis un certain moment, mais Koné Katinan est un aîné et je ne saurais juger ses propos. D’ailleurs, pour moi, il fait partie des personnes avec qui il faut parler. Mais au-delà de sa personne, le drame, c’est que beaucoup, dans notre situation, sont pris comme dans une espèce d’étau qui se resserre autour d’eux. Ils se disent que s’ils ne tiennent pas le discours qu’ils tenaient en 2011-2012, ils seront considérés comme des traîtres.
Justement, certains de vos amis estiment que seul le Chef de l’Etat doit faire des sacrifices en vue de la réconciliation des Ivoiriens parce que c’est lui qui est au pouvoir…
Non, pas du tout. Il faudra, je crois, avoir un jour le courage de dire les choses très honnêtement. Finalement, qu’est-ce qui fonde certains discours qu’on peut trouver extrémistes? C’est parce qu’on a énormément perdu. Des gens ont perdu leurs vies, leurs familles, leurs patrimoines, des positions. Il y a donc une espèce de colère ou de rancœur. Tout le monde, dans les deux camps, peut se plaindre de quelque chose. J’ai personnellement des frères et amis qui ont perdu la vie, ma maison a été pillée. Mais revenons en arrière. le président Ouattara lui-même a vu sa maison pillée et détruite en 2002, bien avant celles de beaucoup d’entre nous. Son aide de camp de l’époque a été tué. On a tous pleuré et gémi dans ce pays. Il est temps qu’on se dise : il ne faut pas toujours rêver de voir les pleurs et les gémissements d’un groupe d’Ivoiriens être remplacés par les pleurs et les gémissements d’un autre groupe d’Ivoiriens.
Faisons en sorte que cessent les pleurs, quel que soit le camp auquel on appartient. On peut y parvenir, nous en avons les moyens, nous devons tous avoir la volonté. Regardez les acteurs de l’histoire de notre pays et dites-moi qui n’a pas été ami à qui, finalement ? le président de la République, Alassane ouattara, a bel et bien été ami au président Laurent Gbagbo à un moment donné. Ce n’est pas quelque chose de caché. Je suis de ceux qui souhaitent que le président de la République prenne sur lui de libérer tous les civils comme militaires, ceux qui sont en prison du fait des évènements qu’on a connus en 2011.
En retour, je demande à nous tous qui sommes dehors, de tenir un discours et une posture qui facilitent ces libérations. Tant que nous allons rêver d’un grand soir de vendetta ou de révolution et qu’on va se donner le sentiment d’attendre ce grand soir de règlement de comptes ou de vengeance, nous ne serons pas en train de faciliter la libération des personnes, ni de faciliter la normalisation de la situation.
Vous êtes en train de dire que le Chef de l’Etat Alassane Ouattara est un homme d’ouverture ou plus humaniste qu’on ne le dit souvent ?
Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Nous avons parfois laissé passer trop d’opportunités. Déjà en 2011, par exemple, le président Ouattara a souhaité que le Fpi soit au gouvernement. C’est nous qui avions refusé à l’époque. On me dira que c’était encore la belligérance. Mais je crois qu’une présence du Fpi au gouvernement aurait certainement accéléré la baisse de la méfiance, la normalisation et surtout la possibilité d’obtenir plus rapidement des choses qu’on obtient aujourd’hui un peu plus difficilement.
J’ai bon espoir que si nous continuons sur cette lancée, si l’opposition continue d’avoir le discours et la posture qui favorisent la confiance et la paix, tous nos camarades détenus recouvreront la liberté très bientôt. On peut être sévère, tout en restant dans la critique démocratique et objective, comme le fait le Fpi, sans avoir de projets de déstabilisation. Nous avons connu des moments très difficiles. Aujourd’hui, il y a une normalisation. Que chacun apporte sa pierre à l’édifice de cette normalisation.
Êtes-vous satisfait du processus de dégel des avoirs ?
Sauf erreur de ma part, tous les comptes ont été dégelés. Mais d’autres vivent des situations particulières. Par exemple ceux qui font des affaires ou qui ont des créances au trésor ou ailleurs ont plus de contraintes. Quand on passe d’un régime à un autre, dans un contexte aussi difficile que celui que nous avons connu, tout ne va pas de soi. Néanmoins, je peux vous dire que les gens sont ouverts. Je le sais, puisque je suis moi-même concerné. Je suis, en gros, satisfait du processus. Je souhaite que cette décrispation continue et qu’au-delà des comptes débloqués, les personnes qui ont des créances puissent en jouir.
RÉALISÉE PAR BENOÎT HILI
FratMat.info
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