Après quatre jours de turbulences, le calme est revenu dans les casernes ivoiriennes où des soldats mutins ont fait parler la poudre pour réclamer des primes de plusieurs millions de francs CFA auxquelles ils étaient pourtant censés avoir renoncé. En rappel, près de 8400 soldats ivoiriens que d’aucuns présentent essentiellement comme des ex-rebelles ayant soutenu le président Alassane Ouattara lors de la crise postélectorale de 2010, s’étaient mutinés en janvier dernier et réclamaient le paiement de primes estimées à 12 millions de FCFA par personne. Un premier versement de 5 millions de FCFA avait été fait illico presto, avec une promesse de payer le reliquat en 7 mensualités de 1 000 000 de FCFA chacune. Contre toute attente, le 11 mai dernier, l’opinion nationale et internationale apprenait sur la chaîne publique ivoirienne, par la voix de militaires présentés comme les porte-parole des mutins, « le renoncement des mutins à toute revendication d’ordre financier », avec en sus des excuses au chef de l’Etat. Il n’en fallait pas plus pour pousser ces derniers dans la rue, avec armes et munitions, pour marquer leur désaccord en tirant en l’air. Et les scènes se sont poursuivies, aussi bien à Abidjan qu’à l’intérieur du pays, malgré la fermeté des autorités qui ont demandé à l’armée de rétablir l’ordre, jusqu’au 15 mai dernier où le gouvernement a annoncé avoir trouvé un accord avec les mutins « sur les modalités de sortie de crise » et appelait « l’ensemble des soldats à libérer les corridors (entrées de villes), à retourner dans les casernes et à veiller à la quiétude des populations ». Mais les nombreux tirs entendus dans plusieurs casernes, qui ont accueilli l’annonce du ministre de la Défense, traduisaient à souhait la détermination des mutins à ne pas lâcher prise tant qu’ils n’obtiendraient pas satisfaction ; toutes choses qui ne poussaient pas à l’optimisme quant à une sortie de crise imminente. En effet, comment peut-on raisonner un bidasse qui voit le million au bout du canon, dans le but de le convaincre à y renoncer de son propre chef alors que promesse avait été faite de le payer rubis sur ongle ? En la matière, l’on n’a pas besoin d’être un militaire abonné aux crédits du GAM (Groupement d’achat militaire) pour que le rêve de devenir millionnaire et de posséder enfin quelque chose se transforme en cauchemar, surtout quand on est quotidiennement logé à l’enseigne de la galère, sans aucune perspective d’avenir.
ADO aura appris à ses dépens qu’on ne s’amuse pas avec les primes des militaires
Et tout porte à croire que pour beaucoup d’entre eux, ce n’est pas une aumône, mais bien un dû qu’engagement avait été pris de payer et qui a même connu un début d’exécution. En tout cas, dans cette affaire, il y a quelque chose qui n’est pas clair. Sinon, comment comprendre qu’après leur avoir mis l’eau à la bouche avec le versement de la première tranche, l’on en vienne à observer un rétropédalage qui ne dit pas son nom, avec cette question de renoncement volontaire au solde, alors que visiblement, il n’en n’était rien ? Le hic est que le déroulement des événements donne le sentiment d’un arrangement sur le dos de la troupe. Avec qui et dans quel but ? Mystère et boule de gomme. Aux dernières nouvelles, après des moments de doute, les mutins ont finalement accepté de rentrer dans les casernes. Même si peu d’informations avaient filtré sur le contenu de l’accord proposé par le gouvernement, tout porte à croire que les mutins ont obtenu satisfaction. Certaines sources faisaient même état de l’apurement de tout le passif. Si c’est vraiment le cas, cela prouverait la volonté des autorités ivoiriennes de refermer rapidement cette vilaine parenthèse. Mais l’on pourrait aussi déplorer qu’elles se soient engagées dans un bras de fer inutile, si c’était pour battre en retraite, toute chose qui s’apparente à une perte de la face aux yeux de leurs compatriotes et du monde entier. En tout état de cause, l’on ne peut que saluer ce retour au calme en Côte d’Ivoire. Il était temps, car, à l’allure où allaient les choses, le pays courait au blocage. Pourvu maintenant que cela dure et qu’on n’entende plus parler de ces affaires de primes.
En attendant, ADO aura appris à ses dépens qu’on ne s’amuse pas avec les primes des militaires. L’essentiel est que le calme soit revenu et que la vie ait repris. Mais quand on pense à tout le tumulte, la tambouille et le désordre que cette situation a pu créer dans le pays, l’on a envie de s’écrier : « tout ça pour ça ? » En tout cas, si c’était pour revenir de la sorte à la case départ, la Côte d’Ivoire aurait pu faire l’économie de cette mauvaise publicité qui ne fait honneur ni au pays, ni à ses dirigeants.
Outélé KEITA
Lebanco.net
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