Réconciliation en Côte-d’Ivoire: Soro Kigbafori, un loup dans des vêtements de brebis

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Par T. Briga

Peu importe que l’on soit croyant ou non, la citation biblique de Mathieu, verset 7 illustre la nouvelle posture dans laquelle veut se placer Monsieur Soro Kigbafori. Le voici déguisé en agneau pour appâter le peuple dont il a versé le sang, qu’il a endeuillé, sur lequel il a semé la mort, la désolation et la tristesse.
 » Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs… »
Ce verset illustre non seulement l’attitude de l’individu duquel il est question, mais décrit également la place qu’il cherche à occuper. Il s’agit d’évoquer un individu qui, dans sa prime jeunesse aurait, d’après lui-même, assis  » ses fesses  » sur les bancs d’un séminaire. Quels types d’enseignements lui a-t-on inculqué dans ce genre de lieu où en général, le décalogue constitue un bréviaire, notamment son cinquième commandement : Tu ne tueras point !
Cette période doit sans doute être lointaine, au point que Soro aurait même oublié qu’elle ait un jour existé. Car depuis, il s’est mué en un criminel invétéré. Pour justifier ses crimes, tantôt il a argué qu’une pièce d’identité lui avait été réclamée pour un contrôle, une autre fois, parce qu’il a eu pour mission de réparer les injustices faites aux ressortissants du nord, ou encore de rétablir Dramane Ouattara dans ses droits civiques sous le couvert de la charte du nord. Des explications bidons pour d’authentiques crimes !

Soro n’est pas un robot

Des centaines de milliers de morts sont à mettre à son passif. La destruction et l’effondrement de l’Etat démocratique incarné successivement par Konan Bédié et ensuite par Koudou Gbagbo, sont également à attribuer à Soro Kigbafori. Il en est de même des assassinats d’innocentes danseuses d’Adjanou, des gendarmes de Bouaké ; de l’asphyxie de ses propres partisans dans des wagons à Korhogo ; les exécutions sans jugement des habitants, de Duékoué, Guizotron, Anoumakouté …, leurs torts, ils sont soupçonnés de soutenir Gbagbo.
Pour se disculper, il prétend être un homme de mission. Cette excuse du rôle d’exécutant derrière lequel il se réfugie, ne peut l’exonérer de ses propres responsabilités dans la tragédie ivoirienne. Soro n’est pas un robot, il est capable de distinguer le bien du mal.

Soro au mur des lamentations à Jérusalem !

Son triste passé le hante, il veut s’en défaire et use pour cela de toutes les supercheries. Quand il a échappé à une arrestation par la justice française dans l’affaire Michel Gbagbo, arrivé à Abidjan, lui, l’ancien séminariste, s’est tourné vers les chefs dits traditionnels, qui seraient dotés de pouvoirs surnaturels, pour des ablutions dans l’enceinte même de l’assemblée nationale, pour le protéger afin qu’il retrouve la quiétude de son âme.
Peut-être que ces cérémonies obscurantistes d’un autre âge n’ont pas pu l’apaiser, c’est ainsi qu’on le retrouve au mur des lamentations à Jérusalem portant piteusement une kippa pour implorer la grâce divine.

Il a sans doute exploré toutes les voies qui lui ont semblé relever de la sorcellerie, du fétichisme et du mysticisme pour atténuer le poids des remords qui le taraudent. Toutes ces pratiques qui échappent à la raison n’ont pas réussi à le calmer.
Qu’à cela ne tienne ! Tel un noyé qui s’accroche à tout ce qui flotte, il s’est dit, essayons autre chose ; exemple le faux « prophètat ». Il s’est alors vêtu d’une peau de brebis et a commencé à avancer par étapes en singeant les bêlements d’un mouton.
D’abord un discours, ensuite la mise en oeuvre de ses obligés pour amplifier l’écho de ce discours. Son désir, apparaître sous un jour nouveau, effacer son passé sanguinaire ou le dissimuler.

Soro Kigbafori devient un mécène

Après son installation au perchoir, le 3 avril 2017, Soro a entamé une campagne pour faire oublier la part non négligeable de la responsabilité qui lui incombe dans les malheurs actuels qui endeuillent les ivoiriens. Il a prononcé un discours sur les thèmes du pardon et de la réconciliation en s’autoproclamant homme de paix.
Ensuite il s’est transformé en protecteur des arts, en parrainant un événement culturel à Paris intitulé « Ayo Paris 2017 « . Folie de grandeur oblige, il y a été créé un prix Spécial Soro Kigbafori, d’une valeur de mille cinq cents euros, soit un million de francs cfa et une participation aux frais d’organisation de six mille cinq cents euros, soit quatre millions trois cent mille francs cfa.
Une fois ces jalons posés, (discours plus mécénat), des personnes qui gravitent autour de lui, Tazéré et Nyamsi, ses obligées, se sont mises à chanter ses louanges, à le présenter comme un apôtre de paix, à le blanchir, à lui reconnaître une virginité.

Madame Tazéré et son beau-frère Soro…

Craindrait-il la justice française dans le différend qui l’oppose au fils Gbagbo ? Lui qui naguère aimait tant venir se pavaner sur la place de Paris, pour ce mécénat, il s’est fait représenter par une de ses obligées, Madame Tazéré Olibé. Elle a prononcé à cette occasion un discours au contenu surprenant dont voici un petit extrait.
 » Soro Guillaume est le beau-frère des Bétés. (…) Il n’est donc pas dépaysé dans cette communauté. Rien de tout ce qui relève du peuple Bété qu’il connaît et aime bien, ne peut lui échapper  »
Pourquoi cette précision, beau-frère des Bétés, peuple qu’il connaîtrait et aimerait de tout son cœur selon Madame Tazéré Olibé ? De tels arguments et formules à l’emporte-pièce, pour réhabiliter Soro, le laver du sang des crimes qu’il a commis et qui dégouline sur sa conscience, sonnent creux et desservent sa cause.
A titre personnel, elle peut clamer son grand amour à son beau-frère Soro. Après tout, c’est leur histoire d’intimité, sans y mêler l’entièreté des Bétés. Cette belle-fratrie dans laquelle Tazéré veut inclure tous les Bétés est répugnante, quand on compte le nombre d’enfants, de cadres Krous en général et Bétés en particulier, qui ont péri dans l’entreprise sordide de son beau-frère Soro !
Certains n’ont pas pu se soigner pour comptes gelés comme les Bohoun Bouabré, Gnan Raymond. Ils sont décédés en exil, ou en sortant de prison où ils ont été molestés, tels le syndicaliste Man Gahé. D’autres, comme les Tagro Désiré ont été purement et simplement exécutés…

En voulant vendre Soro comme celui qui aime tant les Bétés, Madame Tazéré feint d’ignorer les nombreux villages Bétés qui ont été incendiés, détruits par la soldatesque de Soro dans la sous-préfecture de Guibéroua. Qu’en serait-il si Soro haïssait effectivement les Bétés ?
Soyons sérieux. Qu’elle adore Soro relève de sa vie privée, mais de grâce, qu’elle n’associe pas les Bétés à son aventure, étant donné les souffrances que son idole leur a infligées.

Nyamsi Franklin ou le vide du propos

Entre autres caractéristiques qui singularisent Nyamsi, on trouve pêle-mêle sa nature de griot, mais et surtout cette faculté qui constitue sa marque de fabrique, à savoir la perversion de la vérité des faits.
Il est de notoriété publique que Nyamsi le chantre de l’intoxication, aboie dans le vide et répand la désinformation. Il affectionne ce rôle de roquet dont les interventions obscures tous azimuts, obstruent la réflexion. Monsieur Niamsy, contempteur attitré à la solde de Soro, n’est pas demeuré longtemps en dehors de ce grenouillage, pour s’engouffrer dans la brèche de la paix et de la réconciliation. Il y a vu, une opportunité pour rattraper et faire oublier les errements criminels de son patron.
Et pour donner crédit à ces perversions et désinformations, il propage tout autour un écran de fumée, en faisant étalage d’une kyrielle de diplômes et s’affuble de titres universitaires dont la véracité reste, pour certains, à démontrer. Cf. Anna M. Mvondo 5 janvier 2015. In Camer.be (cameroun-nyamsi-franklin-avoue-usurper-le-titre de professeur-agrégé des universités…)

Nyamsi saisit l’occasion…

Il a immédiatement créé un e.book à la gloire de Soro, dénommé  » Contribution autour du discours historique du 3 avril 2017, pour le pardon et la réconciliation en Côte d’Ivoire.  »
Qu’est-ce qui a bien pu conférer au discours de Soro une dimension historique, sont-ce les mots pardon et réconciliation, si tel devait en être le cas, que valent les déclamations verbales de Soro, peuvent-elles apporter la paix et la réconciliation en Eburnie ?
On peut voir dans l’usage par Soro des termes réconciliation et paix, loin de son vocabulaire habituel, en général guerrier, un progrès, une évolution de langage, mais de là, à nous faire avaler un discours marquant pour les générations à venir, procède d’une pure et simple distraction trompeuse.

… et manœuvre

Dans la même veine, l’activiste Nyamsi a commencé par approcher pour les retourner, des personnes supposées appartenir à la mouvance de Gbagbo. A quelles conditions, à quels prix leurs ralliements-compromissions se sont-ils négociés ?
Le mystère demeure. Mais il faut noter que les convictions et attachements de ces personnes, au Président Gbagbo, n’étaient subordonnés qu’aux subsides qui leur étaient alloués. Ces esprits faibles ont succombé et par des tours de passe-passe, pour devancer la doxa qui risquerait de les condamner, veulent persuader le commun des mortels du bien-fondé de leurs démarches. Que grand bien leur fasse.

Alain Toussaint

La rencontre de plusieurs heures entre Alain Toussaint, ancien Conseiller du Président Gbagbo et Niamsy s’inscrit dans cette logique.
A l’issue de ce conciliabule, Alain Toussaint déclare être disposé à rentrer en Côte d’Ivoire pour y jouer un rôle en 2020. En d’autres termes l’opposant acharné au franc cfa, qui en exige même sa suppression, devra prêter allégeance à Dramane Alassane Ouattara, la figure tutélaire de cette monnaie; le franc cfa. Comprenne qui pourra !
Le moment paraît donc mal indiqué pour annoncer de tels ralliements. D’ailleurs l’incompréhension que suscite cette nouvelle, a conduit un grand nombre à considérer l’acte comme une trahison.
Tout comme les tiques sont attachées aux mamelles des vaches, car elles savent qu’elles peuvent y trouver du lait et du sang, on susurre que les convictions qui animaient les uns et les autres auprès de Gbagbo ne reposaient que sur des fonds qu’ils percevaient.
Ce revirement étonne et interpelle, car Gbagbo déporté et maintenu arbitrairement dans une prison coloniale, lutte seul contre un mur d’injustice. Il a besoin du soutien de toutes les volontés pour dénoncer et combattre cette hérésie et pour sa libération.

La repentance couvre une réalité

La nouvelle posture de Monsieur Soro s’identifie à celle de ces narcotrafiquants qui ont réussi à emmagasiner des sommes colossales. Un argent sale qu’il faut laver. Les truands ordinaires se servent eux des casinos, des jeux…
Soro est devenu riche, immensément riche. Cette fortune a été acquise dans des conditions honteuses et inavouables au prix du sang de ses payses. Il voudrait en jouir en toute quiétude au grand jour dans un cadre légal. Mais comment faire ?

Il voit la lassitude des ivoiriens qui voudraient retrouver la sérenité d’antan. Soro a compris cette attente, c’est la raison qui l’a conduit à tirer sur cette corde sensible. Ils ont envie de paix et de réconciliation donc en juxtaposant les deux mots il a cru qu’il serait applaudi dans les chaumières et aurait ainsi absous ses péchés. Malheureusement sa mise en scène n’a pas rencontré la ferveur escomptée. Le peuple a su que le manteau d’agneau dans lequel il s’était emmitouflé, cachait en réalité un carnassier aux dents longues.
Avant de s’engager dans les voies de la réconciliation et de la paix, Soro doit d’abord reconnaître et faire acte de repentance des crimes qu’il a commis et fait commettre. Rendre le butin de ses braquages, les impôts indûment perçus durant la crise sur les populations du Nord et du Centre …
Dans son opuscule « Pourquoi je suis devenu un rebelle…, » il écrit en conclusion : « Cette côte d’Ivoire (…) se fera sûrement sans Laurent Gbagbo… Il est et restera dans l’histoire de mon pays comme l’homme qui en a divisé les fils. …L’homme qui a causé une guerre et l’a perdue…  »
Soro occulte l’origine de la division des fils de notre pays. Cette division a commencé avec l’arrivée de son mentor Dramane Alassane Ouattara sur la scène politique en Côte d’Ivoire.

Un abcès qui n’est pas vidé de son pus, ne peut-être guéri

Les gesticulations soudaines de Soro pour prôner la paix et la réconciliation visent essentiellement la sauvegarde de ses propres intérêts. On ne se refait pas, c’est à dire, la quête d’un cadre propice pour jouir de l’immense fortune mal acquise, et prétendre dans un cadre légal, accéder au pouvoir d’Etat sans violence. La boucle serait ainsi bouclée. La tâche est ardue.
Le curriculum vitae politique de Soro est d’une précision de métronome, mais celui de son cursus universitaire est vague, dépourvu de dates quant aux obtentions de son baccalauréat, de sa licence ou de la maitrise d’anglais dont il se prévaut.
On ne peut sérieusement parler de paix en Côte d’Ivoire tant que la campagne du rattrapage ethnique se poursuit au détriment de toute la cohésion du peuple ivoirien et que Gbagbo se trouve à La Haye.
Les fils des autres régions condamnés au chômage doivent être intégrés dans le tissus économique et social, les centaines de prisonniers politiques embastillés dans les prisons-mouroirs d’Alassane Dramane doivent être libérés.
D’ailleurs, il nous revient qu’une ségrégation s’opèrerait même entre les ressortissants du nord.  » … on fait venir des parents, enfants, neveux, cousins, oncles, frères, grands-parents, courtisans de l’Europe, de l’Amérique, de l’Asie à qui sont indûment confiés, quasiment tous les postes à responsabilité (…) pour les postes subalternes, il faut appartenir à certaines lignées ou à certaines familles…Pour les concours, des listes circulent avec des noms rigoureusement triés  » selon Diarra Sékou Oumar philosophe et membre du rdr (Connectionivoirienne du 24 juillet 2016) .
Enfin la paix et la réconciliation peuvent être envisagées quand l’abcès aura été vidé du pus qui le gangrène, exemple, quand l’autre partie au conflit, notamment les commandants de zones et leurs commanditaires répondront de leurs actes.

Le problème de la Côte d’Ivoire c’est donc Soro, connu dans le monde du crime sous les pseudonymes de Dr Koumba ou Bogota… Il ne saurait dans ce cas, être juge et partie pour le résoudre, car son appréciation ne sera que biaisée et tournée vers la seule sauvegarde de ses intérêts.

T. Briga

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