Après un semestre de travail, le Département de Philosophie de l’Université de Cocody, pour respecter sa tradition, a organisé mercredi matin, dans l’amphi A du district d’Abidjan, sa rentrée solennelle qui marque le début officiel de l’année académique 2016-2017.
Le Pr N’guessan Dépri, philosophe des Sciences, en présence du président de cette université, le Pr Karamoko Abou Boiquaih, a donné la leçon inaugurale sur le thème : « Ce que les cauris veulent dire ». Sans être un marabout ni un jeteur de cauris, cet enseignant-chercheur, physicien, mathématicien, épistémologue et Pr titulaire de philosophie depuis 2016, au nom de la fluidité relative de la connaissance, qui promeut l’interdisciplinarité vécue et non verbale, a tenu à montrer que le langage officiel des cauris peut être décliné sur l’axe du possible et du probable.
C’est donc un héritage culturel que la philosophie doit interroger. Des études n’ont-elles pas prouvé qu’il faut traiter la parole comme des cauris ? Chez les Joala du Sénégal, dire à quelqu’un qu’« il n’y a pas de cauris sur son pagne », c’est une autre façon d’affirmer que les cauris signifient « l’avoir » et, par conséquent, la puissance financière et économique considéré comme signe de richesse. Oui, les cauris étaient conservés de façon intime, notamment dans la même poterie que les objets de valeur, tels que les pagnes sacrés.
Le conférencier, à la suite d’une exploration rapide de l’univers de sens des cauris, a dévoilé le niveau du discours local, temporalisé, quelquefois personnalisé. Dans l’environnement socioculturel africain, les cauris sont un objet plurifonctionnel, plurisectoriel et offrent de ce fait plusieurs plans de lecture, selon qu’on en privilégie. N’Guessan Dépri a énuméré les différentes dimensions sociales des cauris. La dimension ludique : les jeux de cauris.
La dimension esthétique : les cauris servent de bijoux (colliers, bracelets, ceintures, boucles d’oreilles, bagues etc., d’ornements pour les coiffures, les pagnes, les vêtements, des cannes à main, des mouches d’armes). La dimension numismatique (monnaie), les premiers administrateurs procédaient aux achats des produits locaux avec les cauris.
La dimension académique (grades universitaires). La dimension pédagogique et didactique. La dimension scientifique, d’abord comme objet des sciences physiques et chimiques ; mais aussi et surtout comme objet des mathématique en tant qu’il obéit aux exigences de la structure mathématique du calcul des probabilités. Puis la dimension d’abstraction d’un objet ou d’une notion. A la lumière de l’analyse de ces différentes dimensions qui induisent différents plans de lecture des cauris, le Pr Dépri a, dans un premier temps, donné des exemples pour édifier son auditoire sur ce que nous voulons faire dire aux cauris ou plus précisément ce que nous voulons que les cauris disent de nous aux autres.
Les cauris, dans les tresses d’une jeune personne, est un bonus de beauté. Les prédications gratifiantes et valorisantes des cauris par un « marabout-devin » sont ce que chacun veut entendre pour se mettre davantage en confiance. Le conférencier a ensuite dit ce que nous ne voulons pas attendre des cauris et pour lequel il a exigé des sacrifices réparateurs.
Ce sont les mauvais présages des personnes qui assurent les consultations par les cauris. Cette dimension divinatoire, mieux connue que les autres, participe donc de la palliation de l’angoisse et signifie l’homme dans la proximité du devin, étant entendu que les cauris offrent aux interprètes la possibilité de surprendre, dans la parole muette des signes, la volonté divine dont le destin est l’un des aspects les plus difficiles à comprendre et à conceptualiser avec un esprit cartésien.
Le Pr N’guessan Dépri, en laissant cette question à la conscience de tous : « le marabout-devin peut-il véritablement, par son art, ses connaissances du cauris ou par sa ruse, changer ou agir sur le destin ?, a laissé à chacun des membres de son auditoire le temps d’aller construire sa réponse.
Franck A. Zagbayou
Fraternité Matin
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