Par Connectionivoirienne
Interview – Abraham Diéti (SN par intérim Jfpi, tendance Sangaré) :
«En 2020, c’est ensemble avec tous nos frères ivoiriens que nous dégagerons Ouattara pour reconstruire notre fraternité qu’il a détruite»
Comment se porte aujourd’hui la Jfpi ?
La Jfpi se porte bien. Nous disons qu’après l’arrestation de notre secrétaire national Dahi Nestor, l’objectif du pouvoir était de nous bâillonner, de nous faire peur. Mais Dahi arrêté, il y a quelqu’un à qui on a confié le navire. L’objectif du pouvoir n’est donc pas atteint. Et si jamais, il nous arrivait quelque chose, il y aura toujours quelqu’un qui va répondre au nom de la Jfpi. Nous avons les personnes qu’il faut.
Avant Dahi Nestor, il y a eu l’arrestation de Koua Justin ce qui suppose que votre organisation a subi deux fois une décapitation. Est-ce que par-là, le pouvoir n’a pas émoussé vous, votre ardeur ?
Toute arrestation d’un leader crée toujours un émoi. Toute arrestation peut créer le découragement. Et donc, lorsqu’un camarade de la trempe de Koua et de Dahi auxquels les camarades étaient habitués dans le cadre de l’éveil des consciences, est arrêté, ça crée toujours un vide quelque part. Mais l’essentiel est qu’on puisse trouver quelqu’un pour continuer la lutte.
Est-ce que vous vous montrez à la hauteur du travail de mobilisation qui avait commencé. Le mouvement n’a-t-il pas perdu de son entrain ?
Le travail de mobilisation se poursuit et si c’est pour parler de notre bilan à mi-parcours, je dirai qu’il est alléchant. Mais je précise en même temps que, qu’il soit celui de Koua, qu’il soit le bilan de Dahi Nestor, qu’il soit le bilan de Diéti, c’est toujours le bilan de la Jfpi et non celui d’un individu. C’est dans le même esprit que nous avons continué le travail parce que nous sommes une équipe dans laquelle chacun joue son rôle.
Oui mais certains de vos camarades disent que vous n’êtes pas trop présent sur le terrain. Ils vous reprochent également une certaine indolence. Que leur répondez-vous ?
A cette critique, je réponds que la Jfpi est toujours présente. Mais il faut que les camarades fassent la part des choses. Quand Koua assurait l’intérim à la tête de la Jfpi, c’était la Jfpi du parti Fpi dans son entièreté. Et tout convergeait, tout allait pour le mieux. Mais lorsque la crise artificielle a été créée par ceux que nous connaissons et que le pouvoir a choisi qui doit être son opposant, nous avons connu assez de difficultés. Cela date de l’époque où nous avons confié les rênes de la structure à l’ancien secrétaire national (Konaté Navigué, ndlr) qui l’a ensuite plongé dans la léthargie avant que nous ne prenions nos responsabilités (pour le démettre) en faveur de Dahi Nestor. Mais au moment où ce dernier prenait les choses en main, nous étions déjà dans la crise artificielle. C’est dire que nous sommes toujours dans une posture de combat. Et vous remarquerez que hier, si nous étions réprimés pour une réunion, aujourd’hui, nous tenons nos réunions à force de résister à l’oppression. Je m’inscris donc en faux lorsque des camarades disent que nous sommes absents sur le terrain. D’ailleurs en 2016, nous avons envoyé des délégations dans toutes nos fédérations pour voir l’état de vitalité de nos structures locales. Ceci a coïncidé avec la lutte contre la constitution Ouattara et c’est encore la jeunesse du Fpi qui a porté cette lutte. Ceci dit, nous reconnaissons que notre défaillance a été la communication. Très rapidement nous allons la corriger
Que retient-on de la récente assemblée générale de Mama en termes de résolutions et quel était le sens du choix de Mama ?
Mama est pour nous un symbole en tant que village d’origine de notre icone Laurent Gbagbo. On se rappelle également l’appel de Mama qui a abouti à l’élection de Laurent Gbagbo à la tête du Fpi après le congrès qui a eu lieu dans ce village. Mama est donc devenu ce village où il faut se retirer pour prendre les grandes décisions. Nous y avons donc tenu notre première AG de l’année sous le thème : « 2017, année de la restauration des libertés individuelles et collectives ». Il s’agissait pour nous de lancer un appel au pouvoir pour qu’il libère nos camarades.
Comment avez-vous accueilli l’acquittement de Simone Gbagbo dans son deuxième procès pour crimes contre l’humanité ?
Le pouvoir Ouattara est imprévisible. Ce que nous constatons, c’est que la justice ivoirienne est embastillée et elle n’a pas cette indépendance souhaitée. Les décisions de justice semblent être guidées par le politique. Depuis le début le Fpi a indiqué que Simone n’est en rien coupable de ce dont on l’accuse. Ce n’était qu’un simple acharnement judiciaire ayant pour objectif de salir, de peindre en noir une dame de poigne qui est une icône pour les luttes démocratiques en Côte d’Ivoire. Si la justice le reconnaît maintenant à travers l’acquittement qui a été prononcé, nous l’invitons à aller plus loin en libérant Mme Gbagbo car au regard du verdict qui vient d’être rendu, tous les arguments utilisés pour la condamner à 20 ans lors du premier procès s’effondrent d’eux-mêmes. Les mêmes arguments et documents ont presque servi aux deux procès et son acquittement témoigne du fait que l’ensemble du dossier est vide. Aujourd’hui, il ne devrait plus avoir de débat. Simone Gbagbo doit être libérée, un point un trait.
Elle est acquittée mais la Cpi ne lâche pas prise. Avez-vous un commentaire là-dessus ?
Oui mais c’est pour cela que nous dénoncerons toujours la justice des vainqueurs tant au niveau national qu’international. Parce que dans la guerre que nous avons connue, il y avait deux camps face à face. Il y a eu les massacres de Nahibly, les massacres de Duékoué carrefour, les massacres de Guitrozon qui restent tous impunis. Aucune poursuite n’est engagée contre les auteurs de ces crimes jusqu’à ce jour. La Cpi devrait regarder aussi de ce côté-là en lançant des mandats d’arrêt contre les présumés auteurs qui sont tous du camp Ouattara. Ce serait un premier pas vers son impartialité. Ici quoiqu’on dise de la décision prise dans le procès de Mme Gbagbo, c’est quand même la réponse de la justice nationale. Au regard du statut de Rome, la Cpi ne devrait plus avoir à redire sur le verdict. Parce qu’en réalité, elle intervient en cas de défaillance de la justice nationale. La nôtre s’est prononcée.
Comment la Jfpi prépare-t-elle l’alternance au pouvoir ?
Nous sommes une structure spécialisée d’un parti politique qui aspire à prendre le pouvoir mais pas par tous les moyens. Nous cherchons à prendre le pouvoir par les moyens démocratiques. Comprenez qu’aujourd’hui le pouvoir Ouattara tangue à cause de la mal-gouvernance, à cause des espoirs déçus. L’on a pensé qu’il pouvait unir les ivoiriens mais hélas, il les a divisés à tous les niveaux. Des procès sélectifs à n’en point finir pour rendre justice à son seul camp. C’est avec Ouattara que nous constatons la réduction des prix de l’hévéa cultivé dans la partie sud du pays et au même moment les prix de l’anacarde cultivée au nord grimpent. Il faut mettre fin à tout cela. Nous sommes donc prêts pour la reconquête du pouvoir et nous travaillons à cela. Dans les faits, nous sensibilisons, nous conscientisons et nous nous organisons. Mais nous avons des camarades en prison et nous ne saurons aller à la conquête du pouvoir sans eux. C’est pourquoi dans les jours à venir, nous aurons une vaste tournée de mobilisation à Abidjan autour de la libération de nos camarades et autour de la fête de la liberté.
Est-ce que dans le cadre de la reconquête du pouvoir, vous allez avoir un nouveau discours acceptable par les autres Ivoiriens au-delà du Fpi ?
Notre discours restera égal à lui-même. Cela ne veut pas dire que nous avons un discours diviseur ou tribaliste. Le Fpi a toujours été un parti qui prône la démocratie et la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Nous nous sommes toujours départis du discours tribaliste. Et ceux qui ont soutenu Ouattara hier sont aujourd’hui déçus. Il nous appartient donc d’aller vers tous ces frères pour dire que le moment est venu de dégager Ouattara ensemble afin de reconstruire notre fraternité qu’il a détruite.
Il y en a qui ont quand même peur d’un retour du Fpi au pouvoir sous prétexte qu’il va y avoir une autre guerre si vous reveniez. Que dites-vous pour les rassurer ?
Gbagbo disait souvent que la guerre dans un pays ne dépend pas de celui qui est au pouvoir mais plutôt de l’attitude de l’opposition. Ici, vous avez remarqué que Gbagbo a fait des années dans l’opposition, il n’y a jamais eu de guerre dans ce pays. Il a toujours prôné la transition pacifique à la démocratie. C’était le credo du Fpi et c’est toujours notre credo. C’est quand nous sommes arrivés au pouvoir et eux (Rhdp, ndlr) dans l’opposition que la guerre est survenue. C’est donc ceux qui aiment les raccourcis quand ils sont dans l’opposition qui préfèrent les armes pour accéder au pouvoir. Les Ivoiriens n’ont donc pas à s’inquiéter. Dans toute gestion, il y a des erreurs et ce sont ces erreurs que nous allons corriger en revenant au pouvoir. Mais mieux, nous ferons en sorte que l’opposition soit éduquée à la culture de l’alternance pacifique.
Quelle est votre approche pour sortir vos camarades de prison ?
Nos camarades sont en prison dans la lutte et pour la lutte. C’est dans la lutte et pour la lutte qu’ils sortiront de prison.
En quoi faisant concrètement ?
Nous n’allons pas vendre notre âme pour qu’ils puissent sortir. C’est dans la dignité qu’ils sortiront de prison. Nous avons dit à Mama que 2017 est l’année de la restauration des libertés. Et nous avons lancé un ultimatum de deux mois au pouvoir pour qu’il libère les prisonniers. Mais pour que nous ayons gain de cause, nous allons adresser des courriers à toutes les chancelleries, aux religieux, aux rois et chefs traditionnels pour leur dire que la détention de nos camarades devient de plus en plus illégale. Nous allons leur demander que s’il est possible d’attirer l’attention du pouvoir sur leur cas, qu’ils le fassent. Mieux, nous allons les rencontrer pour leur expliquer notre démarche. Si après tout cela, nous ne sommes pas écoutés, nous utiliserons les moyens démocratiques à notre disposition, c’est-à-dire les sit-in, les marches et meetings.
Un dialogue direct avec Ouattara ne serait-il pas plus productif pour accélérer les choses ?
Le Fpi est toujours ouvert au dialogue. Mais le pouvoir a créé une situation telle qu’il lui sera difficile de rencontrer notre président qui a la légitimité au Fpi, c’est-à-dire, Laurent Gbagbo représenté par Abou Drahamane Sangaré. C’est le pouvoir qui pose problème. Déjà en septembre 2011, nous l’avions fait. Nous avions rencontré le pouvoir.
Ça c’était en 2011. Et en 2017 ?
Oui. Mais en 2017, nous adresserons un courrier au président de l’Assemblée nationale qui est un membre influent du régime. Nous le prendrons au mot parce que dans son discours inaugural lors de la rentrée parlementaire, il a mis un point d’honneur sur la problématique de la réconciliation. Nous irons également chez le grand Médiateur, à la grande Chancellerie. Nous ne suivrons pas ce pouvoir dans sa logique d’un Fpi qui lui appartient et d’un autre Fpi dont il ne veut pas entendre parler.
Qu’en est-il, à votre niveau de responsabilité, de la réconciliation interne au Fpi avec le camp d’Affi N’guessan ?
Des voix plus autorisées que la mienne pourraient se prononcer sur ce cas. Mais en tant que structure spécialisée, nous estimons que tout doit se faire autour du congrès de Mama.
SD à Abidjan
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