Communication au CICAN-CI 2016
Par Pierre Soumarey
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A – Construction de la mutation du modèle panafricaniste
L’avenir de l’Afrique se conçoit de nos jours, à travers de nouvelles solidarités organiques, commandées par l’interdépendance, la complémentarité et la communauté d’intérêt, des États qui la composent. Celles-ci se manifestent sous la forme d’une synergie des moyens et des actions, une harmonisation des normes et des politiques publiques, l’instauration d’institutions sous régionales, et des échanges dans tous les domaines. Cette dynamique, s’appuie sur une nouvelle conscience collective des peuples africains et d’origine africaine, comme une nécessité de se réapproprier le panafricanisme qu’il implique de fait, pour mieux se développer. Celui-ci ne se conçoit plus comme une réaction défensive, face à l’esclavage et au colonialisme, une revendication face au néocolonialisme et à la domination des grandes puissances, ou encore un rejet des valeurs occidentales et un repli identitaire, mais plutôt comme une vision égalitaire du monde en matière de droit, et un formidable défi à relever pour l’avenir. Celui de redéfinir l’idée que nous nous faisons de notre capacité à affronter la situation actuelle du monde, en l’état des rapports de force qui le gouvernent. La mutation vient de ce que notre réflexion est sollicitée, non plus en référence au passé, mais au futur, en l’invitant à s’ouvrir davantage aux autres cultures, dans le nouveau contexte historique de la mondialisation et de sa révolution technologique. Il s’agit de s’intégrer au mouvement du monde, lui-même, en constante mutation. Il en découle, d’une part, l’obligation d’être entreprenant et offensif, en exprimant un projet de construction et une ambition de puissance, en vue de parvenir au rayonnement de l’Afrique, et d’autre part, celle de démocratiser le concept panafricaniste, pour qu’il cesse d’être l’apanage des élites. Il importe de traduire très concrètement cette idée, dans les différents domaines de l’activité humaine, pour qu’elle devienne une réalité, sensible, perceptible, visible, qui se cristallise dans la conscience africaine et de sa diaspora, avant tout effort d’interprétation et de théorisation.
Parler de l’Afrique comme d’une entité, qui ferait référence à une civilisation homogène ou un bloc monolithique, suppose d’établir au préalable cette uniformité, sur la base des caractéristiques communes, qui, au-delà de la diversité des réalités du continent Africain, lient entre eux, ses différentes parties, cultures et peuples. Sont-elles susceptibles de faire disparaître le particularisme qui les singularise en propre, pour justifier l’intégrité de cette unité ? Il s’agit d’établir, en quelque sorte, une pré-conceptualisation, qui rende compte de cette unité sur tous les plans. Or, l’unité africaine, est davantage une idée qu’une réalité effective. En tant que produit d’une volonté politique, elle n’a pas été pensée au départ dans ces termes, parce que son concept servait une idéologie, qui s’il affirmait une certaine africanité du mouvement, affirmait surtout prioritairement la nécessité d’un combat politique reposant sur une résistance. Celui-ci, visait l’émancipation de l’Afrique, de toute forme d’aliénation politique et culturelle. Dès lors, il était par nature défensif. Il exprimait une opposition à une oppression, une résistance aux idéologies universalistes, et non la promotion d’une véritable construction, au sens de projet, ou celle d’une singularité. En résumé, l’histoire du panafricanisme laisse apparaître des étapes successives et plusieurs formes. Dans ses origines lointaines, il se présentait de prime abord, comme un outil politique de combat, dont la finalité était de parvenir à l’abolition totale de l’esclavage, plus exactement du servage qui lui succède, l’indépendance totale du continent Africain, dans le contexte de la colonisation, puis de la décolonisation, et plus tard, un mouvement multiforme face aux inégalités du racisme culturel, politique, économique et scientifique. C’était essentiellement un mouvement de résistance, de libération et d’émancipation. Ensuite, il est devenu une grille de lecture anthropologique et sociale du monde négro-africain, visant à rectifier la falsification de l’histoire et à lui redonner sa véritable place et sa dignité dans celle-ci. Enfin, le passage de la décolonisation au néo-colonialisme, puis à l’impérialisme, a entrainé un élargissement des objectifs initiaux, au profit d’un projet, dont l’ambition est de mieux protéger ses intérêts et de mieux s’adapter au mouvement du monde, pour y prendre une place significative. Cette transformation du mouvement, est d’autant plus nécessaire aujourd’hui, que nous sommes passé entre temps, de l’impérialisme à la globalisation. Dès lors, ses objectifs doivent changer aussi, pour viser désormais, la construction d’un projet, toujours à parfaire, en vue d’apporter une réponse pertinente à tous les défis auxquels le continent est, ou peut être, confronté dans le nouveau contexte de la mondialisation et de la postmodernité. En un mot, il s’agit de réinventer l’avenir de l’Afrique à partir d’une vision géostratégique du monde, qui exprime le point de vue de l’Afrique dans la confection de la Civilisation que nous voulons bâtir avec les autres nations et peuples, pour l’humanité de demain.
Repenser le concept du panafricanisme, au regard de cette évolution, suggère de vérifier la validité théorique de la définition que nous proposons d’un panafricanisme actualisé, à travers de nouveaux combats, de nouvelles solidarités et une nouvelle africanité. Il s’agit de définir quelle doit être la place de l’Afrique, dans le monde post-moderne. Dans cette perspective, peut on concevoir un futur, sans s’appuyer sur la mémoire du passé et sur notre propre identité ? Sans placer la démarche dans un environnement culturel et une trajectoire historique qui nous soient spécifiques ? Dans quelle mesure cette évolution peut-elle réconcilier modernité et tradition, pour dégager une vision unitaire de l’avenir du continent Africain, qui puisse exprimer des aspirations et des valeurs, qui soient des caractéristiques communes à la personnalité de l’Africain du XXIème siècle ? Ce questionnement nous invite, à revisiter l’histoire ancienne et moderne de l’Afrique, pour y examiner les rapports entre tradition et modernité. Une telle analyse fait apparaître immanquablement une confrontation des valeurs et des systèmes de référence, dans laquelle apparaissent des ruptures, des oppositions, des dominations, des résistances, mais aussi des symbioses, des convergences, des syncrétismes, des résurgences, et des compromis. D’ailleurs, c’est le sort des cultures et des civilisations, lorsqu’elles rentrent en contact les unes avec les autres, sur de très longues périodes. L’objet de notre communication n’est pas de réaliser une lecture de ce conflit ou de cette cohabitation, mais de proposer de les dépasser, en liaison avec la construction d’un avenir, qui intègre la condition historique de l’Africain, dans un monde en perpétuelle mutation. Il s’agit de tendre vers l’universel et la postmodernité, sans renier son passé, sans renier sa singularité, sans perdre de son efficacité, pour continuer à avancer dans son développement et tendre vers un nouvel ordre mondial, plus participatif, consensuel et équitable.
En définitive, il appartient à chaque génération, d’assumer sa responsabilité dans le mouvement de l’histoire, d’y apporter la marque de son génie particulier, d’enrichir l’héritage qu’elle reçoit, avant de le transmettre à son tour, à la postérité, afin de poursuivre la construction de l’avenir de sa communauté. Autrement dit, cette dernière est appelée à conduire son destin, en capitalisant au fil du temps, la valeur ajoutée intergénérationnelle de ces apports successifs, en se donnant les meilleurs atouts, pour réussir son plein épanouissement, pour vivre l’idéal qu’elle souhaite vivre, tel qu’elle se l’ait défini à elle-même. Pour ce faire, elle doit tirer le meilleur bénéfice de l’histoire. Or, l’histoire de l’Afrique, malgré ses vicissitudes, n’est pas une exception, car tous les peuples ont connu des victoires et des échecs, des moments de gloire et de déclin, la confiance et le doute. Dans le processus ayant conduit à la naissance des nations modernes, tous ont subi la domination et l’annexion territoriale, dans la confrontation à d’autres forces, à d’autres systèmes de civilisation. Néanmoins, il est particulièrement réconfortant de constater également, que tous ont résisté, récupéré leurs forces, et se sont réorganisés et reconstruits au fil du temps. Le panafricanisme du XXIème siècle pourrait être l’aspiration à cette renaissance, car l’Afrique ne saurait être réduite à la réaction, et son histoire, réduite à celle de l’oppression. Renaître, c’est construire avec confiance et méthode, un avenir dans l’unité et la spécificité africaine, qui lui permette de retrouver une place significative dans l’histoire. Cette démarche implique de transcender les immobilismes, les particularismes, les identités réductrices ou exclusivistes, qui constituent autant de menaces pour l’intégration de nos sociétés au mouvement de l’histoire et la construction de l’unité africaine.
C’est le génie, l’esprit et la mémoire du peuple Africain et des afro-descendants, qui doivent être conservés, et non leur productions, afin de pouvoir, dans de nouvelles configurations de l’histoire, reproduire de nouvelles valeurs, réinventer un nouvel avenir, pour rayonner et influencer à nouveau d’autres cultures, comme l’Afrique ou l’homme noir, a su le faire dans un passé lointain. Quels sont les valeurs et les traits communs, qui malgré leur évolution dans le temps, permettent aujourd’hui, de caractériser cette nouvelle africanité ? Autrement dit, de mettre en évidence, une identité africaine post-moderne et ambitieuse, porteuse d’une nouvelle conscience et d’un nouveau projet ? En un mot, capable d’accoucher d’une nouvelle civilisation, ou plus exactement, d’une renaissance de la Civilisation Africaine.
Le mouvement panafricaniste de résistance, de rassemblement et d’émancipation, a changé de nature et de finalité après plus d’un siècle, parce qu’il est dynamique, et qu’il doit constamment s’adapter aux nouveaux contextes historiques qui apparaissent, et aux évolutions des sociétés africaines que ceux-ci induisent. Les conditions et les modes de vie, les aspirations et les ambitions, ont radicalement changées dans la durée. Les objectifs d’hier, ne peuvent pas lier indéfiniment les sociétés de demain, qui émergent aujourd’hui. Les priorités d’un peuple, changent sous la pression des conditions, des besoins, des contraintes, et des impératifs, qu’il rencontre dans la marche de son histoire. Cette actualisation permanente de la finalité de l’action et du cadre idéologique qui l’accompagne, explique les mutations que nous pouvons observer et promouvoir dans la conception, la définition, et la traduction concrète du panafricanisme, à l’aube de ce XXI ème siècle. Que doit on y changer ? Quels sont les acquis que nous devons conserver ? Quelles sont les attitudes, traditions, valeurs, et croyances dont nous devons nous débarrasser, pour réussir notre transformation, notre révolution, notre renaissance ? Il s’agit ici, de conserver un esprit Africain dans l’invention d’un nouveau modèle de société, de développement et de gouvernance. Il s’agit de ne point se fonder sur des concepts et des catégories dont la géographie et l’historicité son étrangères à l’identité africaine, tout en s’appropriant le savoir, le savoir-faire, la technologie, qui font la force des grandes puissances qui dominent aujourd’hui le monde, comme ce fut le cas au Japon, sous l’ère Meiji et ailleurs, afin de pouvoir modifier en notre faveur, les rapports de force qui gouvernent le monde. À l’heure de l’émergence et de la globalisation, il est nécessaire de préciser, qu’il ne s’agit pas de converger vers un modèle extérieur de société ou de civilisation, mais d’atteindre un degré supérieur dans notre propre développement, d’élever le niveau et la qualité de celui-ci, afin qu’il offre les conditions d’un épanouissement intégral aux ’Africains. Les rationalités et les politiques susceptibles de nous y conduire, peuvent-elles rencontrées un consensus sous l’égide de l’U.A. ?
La construction de l’unité Africaine, est troublée par l’insuffisance des contributions financières des États membres, les guerres, les nationalismes étriqués, le déni des droits humains et des libertés démocratiques, l’absence d’une puissance militaire et de mécanismes d’intervention, de diplomatie commune, en un mot, d’une véritable volonté politique en faveur d’une profonde réforme. Ce bilan des faiblesses, fait apparaître une volonté politique, qui n’accepte pas encore la renonciation à certains intérêts et à certaines pratiques, les contraintes financières et budgétaires qu’impose une organisation performante et forte. Il en découle le besoin d’un système contraignant, pour répondre aux exigences de la supranationalité, notamment la subordination des États aux institutions régionales, et la soumission à leurs décisions, instructions et directives. Cette évaluation pose le débat sur la délimitation des souverainetés étatiques, le régime juridique des décisions communautaires, et la problématique des moyens. En conclusion, cette situation fait apparaître la nécessité d’exprimer la finalité du projet panafricain et la volonté de la construction de l’unité africaine, par le droit positif, en posant des règles normatives, des obligations, avec des structures spécialisées dotées d’un réel pouvoir de coercition, chargées de veiller à leur bonne application. La conséquence immédiate de cette perspective, est l’inflexion donnée au mouvement panafricain, en direction d’un dirigisme, en place et lieu du volontarisme qui le gouvernait jusque là. Il sera observé aussi, qu’il se transforme progressivement en un instrument de coopération, de régulation et de promotion démocratique et de bonne gouvernance sur le continent. Cette orientation est confirmée par le rôle inédit que les instances régionales jouent, en sortant graduellement du principe de la non ingérence dans les affaires intérieures des États, qu’elles observaient jusque là, au motif de leur indépendance. On peut observer un abandon progressif de la négociation, de la médiation et du compromis. Elles interviennent désormais militairement, émettent des directives, jugent des situations, et arrêtent des sentences. Ce changement d’attitude pourrait aboutir à terme, à la construction d’un projet en faveur d’un fédéralisme, avec un commandement et une gouvernance intégrés, ou tout au moins, des compétences déléguées.
Comment les sciences sociales peuvent-elles analyser la construction de cette unité Africaine et les mutations de la société traditionnelle, sous la pression de la modernité et de la globalisation du monde ? Faut-il considérer les incertitudes, les faiblesses, et les insuffisances de cette transition, comme autant d’éléments, offrant une opportunité exceptionnelle, voire unique, pour l’analyse et la réflexion sur l’évolution et les nouvelles orientations du panafricanisme ? De telles études disjointes du politique, des intérêts, des idéologies et des pressions de l’histoire, s’avèrent très utiles. Cette distance permet de jeter un regard, non plus rétrospectif sur l’histoire de l’Afrique, pour dresser un bilan, mais un regard prospectif, en rapport avec un nouvel ordre mondial, des ambitions et des objectifs, qui aspirent d’une part, à un progrès significatif au plan économique et technologique, et d’autre part, à la réforme des structures et modèles issus de la colonisation, et de certaines contraintes socio-culturelles issues de nos propres traditions, en ce qu’elles ne sont plus pertinentes dans le nouveau contexte de la post-modernité. Certains vont plus loin, et parlent de « boulets culturels ». Ce projet intègre en interne, l’importante mutation géo-démographique et sociale intervenue sur le continent, et en externe, la situation géopolitique de ce dernier dans le monde, car le destin d’un peuple est inscrit dans sa géographie, et non dans son histoire. Dès lors, sa politique doit prioritairement s’inscrire à son tour dans sa géographie. De ce point de vue, dans quels domaines, ces nouvelles solidarités peuvent-elles s’exprimer, pour réaliser cette intégration de l’Afrique, en tant qu’unité formant un tout indivisible ?
B – Domaines dans lesquels peuvent s’exprimer les nouvelles solidarités de la construction africaine.
Il existe des domaines où l’Afrique possède un intérêt certain, à une coopération plus active, tel que le secteur énergétique, les NTIC, la Recherche et Développement, ou encore le secteur bancaire et financier. La coopération dans cette catégorie de secteurs peut être qualifiée de recommandable, tandis que dans d’autres, elle s’avère nécessaire, voire indispensable, car la négligence ou la faiblesse des uns, peut ruiner l’effort ou le progrès des autres. Il s’agit de domaines, tels que la santé humaine et animale, la monnaie, la prévention et le règlement pacifique des conflits. À côté, de ces deux premières catégories, il existe des domaines encore beaucoup plus sensibles, où la coopération et la solidarité deviennent un impératif catégorique, tel que la sécurité, le renseignement et le domaine militaire. Cette impérieuse nécessité vient de nous être cruellement rappelée, dans les circonstances tragiques qui ont endeuillé successivement le Mali, le Burkina-Faso, et récemment la Côte d’Ivoire. Plus généralement, elle s’impose avec acuité, dans le contexte sanglant de la lutte contre le terrorisme Djihadiste qui secoue tout le continent d’Est en Ouest et du Nord au Sud. Cette menace internationale, y est désormais présente, alors que celui-ci est encore très perméable et très vulnérable. Le mouvement « crescendo » des attaques terroristes sur l’ensemble du continent, donne un relief particulier à ce défi majeur, car il ne peut y avoir d’investissement, de développement, de libre circulation des personnes et des biens, dans l’insécurité et l’instabilité. Seule une réponse solidaire, peut permettre de contenir la menace, voire de l’annihiler.
Cependant, dans le cadre de la présente communication, nous n’avons retenu, que les domaines économique et juridique pour illustrer ce besoin de coopération, au regard de l’importance stratégique des secteurs qui y sont envisagés, pour le décollage économique du continent et son intégration.
1. – Le secteur manufacturier et industriel
Il est possible d’apporter des réponses adéquates au défi de l’industrialisation du continent Africain, tant au niveau national que régional, en mettant en place des agences spécialisées, une législation adaptée, une politique de mobilité et de redéploiement des compétences, des structures de récupération et d’aide à la transition entrepreneuriale. La coopération dans ce secteur, peut concerner l’aide à l’innovation, la création de nouveaux débouchés au niveau régional, la diffusion simultanée des offres d’emplois dans plusieurs pays à la fois, la mise en place de fonds régionaux pour soutenir les activités de production mécanisée et d’incorporation technologique, en vue d’accélérer la transition des activités intensives en main d’œuvre vers des activités plus intensives en capital. Une telle transition signerait l’amorce d’une montée en puissance de la production, qui permettrait d’enclencher le processus conduisant à industrialisation.
Dans cette perspective, la construction d’une capacité technologique, permettant la valorisation des matières premières et des produits agricoles par une transformation locale poussée, constitue un impératif de développement. Or, il convient de rappeler à cet effet, que le processus d’industrialisation obéit à une stratégie, qu’il appartient aux pays Africains de définir, car il fait interagir les relations Nord-Sud et Sud-Sud dans le long terme. En effet, le commerce, les financements et les investissements extérieurs, jouent un rôle prépondérant dans les processus, tant de développement que d’industrialisation. Il s’agit donc, de gérer, suivant une logique, une stratégie, l’interaction entre les importations, les exportations, et la croissance de la production nationale et régionale, et d’assigner d’ores et déjà, une finalité, à l’évolution de ces relations dans le temps.
Le premier objectif est de parvenir à abaisser significativement les barrières douanières et les taxes fiscales grevant les intrants technologiques, nécessaires à l’industrie locale. Il s’agit de pouvoir importer à moindre coût, les biens et composants, rentrant dans la composition des produits et biens fabriqués localement, et de rendre accessible par la même voie, les biens d’équipement nécessaires à la modernisation des activités artisanales, agro-alimentaires, et la mécanisation de l’agriculture. Un tel dispositif procure des avantages compétitifs à la production locale, pour soutenir la concurrence des grandes firmes internationales, sur le marché intérieur. Ce dispositif peut être renforcé par un train d’exonération sur le chiffre d’affaires de certains secteurs prioritaires, et sur les bénéfices réinvestis en équipements technologiques, par ces nouvelles unités industrielles naissantes, afin d’améliorer leur compétitivité. La conformité de la qualité aux normes internationales, sera tirée par la défiscalisation des profits réinvestis en capital, la dynamique interne du marché et par une recherche et développement, suffisamment performante pour jouer un rôle catalyseur. Le second objectif, est de parvenir à une division du travail à l’échelle régionale, afin d’optimiser l’effort, en mutualisant les moyens, afin de mieux rentabiliser les investissements lourds et de leur assurer des débouchés plus importants. Le troisième objectif, est de parvenir à la création de grands consortiums pour développer une masse critique d’entrepreneurs, de taille suffisante, susceptible d’assumer la croissance de la production industrielle et de soutenir une concurrence internationale. Ces partenariats peuvent être soutenus par le co-financement de projets éligibles à un programme de promotion industrielle et de développement technologique d’envergure régionale ou continentale. C’est à travers de telles stratégies, que la solidarité et la coopération interafricaine peuvent trouver à s’exprimer le mieux, que de nouvelles synergies peuvent être mises en place, pour déboucher sur une dynamique de développement plus rationnelle, plus compétitive, plus indépendante, pour atteindre rapidement l’objectif d’industrialisation de l’Afrique. L‘impact de cette phase, est double :
a) Au plan humain : c’est un moyen permettant d’enrayer le chômage de masse, qui gangrène le continent, par la création d’emplois stables, viables et rémunérateurs. Il s’agit d’une réallocation de la main d’œuvre vers les nouvelles industries manufacturières et les activités mécanisées (agriculture et artisanat) en création. Ensuite, il permet de fixer les compétences sur le continent. Il s’agit ici, d’endiguer l’exode des cerveaux, mais surtout de l’émigration massive qui est en train de vider le continent de sa jeunesse, à la recherche de travail, de richesses et de ressources, que nous possédons, mais que nous sous-exploitons ou que nous ne valorisons pas suffisamment. Enfin, il permet de mettre en place une politique publique plus vigoureuse, en faveur de la recherche et développement, de la formation technique et professionnelle, et de moderniser certains métiers, donc de mieux valoriser, les ressources humaines internes, tout en développant un savoir-faire et une capacité technologique.
b) Au plan des échanges et de la coopération :
L’intégration régionale permet de faire apparaître de vastes marchés, sur lesquels l’industrialisation africaine naissante, peut puissamment s’appuyer en termes d’opportunité d’investissement et de débouchés commerciaux. Il appartiendra par la suite, aux politiques publiques de promouvoir et de protéger cette industrialisation, par une législation à la fois, incitative et protectrice. Deux pistes peuvent être explorées :
1) – Une réduction des importations, hors zone africaine, des biens de consommation, au profit de biens de substitution de même type, provenant de la production locale ou de la zone africaine.
2) – La réalisation de grands projets s’adressant directement au marché régional, notamment dans l’industrie lourde et la fabrication de biens d’équipement. Il s’agit de projets et de programmes qu’il serait difficile, voire impossible, de réaliser à l’échelle d’un seul pays. Ils mobilisent des compétences, une masse critique de moyens et de ressources, telles qu’un seul pays ne pourrait l’assumer. Cette mutualisation nécessite la mise en commun d’une vision stratégique partagée, et favorise l’inter-culturalité dans le cadre de la rénovation du panafricanisme. Elle s’inscrit donc, dans une stratégie plus globale d’intégration.
2 – Le domaine Juridique
Le droit permet-il d’assurer la confiance, dans les États, dans les acteurs économiques, dans les transactions et les retours sur investissements ? Cette question appelle une réflexion interdisciplinaire, de laquelle se dégage une notion polysémique des affaires. Plus qu’un simple encadrement de l’activité, la Loi pour le monde des affaires, est une nécessité vitale. Il n’est guère surprenant, que la Banque Mondiale, fasse du climat des affaires, et particulièrement de la sécurité des transactions et des investissements, un critère déterminant dans l’évaluation d’une économie. Cet aspect démontre que la culture juridique est indissociable de la culture des affaires. Elles sont intimement liées. En effet le monde des affaires obéit à des règles de droit, qu’il est nécessaire de connaître pour maîtriser son environnement et maximaliser son profit. Dès lors, La Loi doit accompagner l’intégration régionale et le mouvement haussier des affaires interafricaines, pour prévenir et gérer les conflits économiques qui peuvent naître à cette occasion. Elle doit également informer, de manière satisfaisante, les investisseurs sur l’environnement économique, dans lequel ils sont appelés à opérer.
L’espace Ohada constitue de ce point de vue, une remarquable avancée pour l’harmonisation des systèmes juridiques et du droit des affaires en Afrique. Il est fortement souhaitable qu’une telle initiative puisse s’étende à tous les espaces culturels, issus d’une même tradition juridique et linguistique, et que l’ensemble des États adhère rapidement à ces Organisations. Ce mouvement a vocation à aller plus loin, pour règlementer les NTIC et instituer une coopération active dans la lutte contre la cybercriminalité dans ces nouveaux espaces juridiques, car cette menace, constitue un frein important pour le commerce et les transactions financières de l’Afrique. Il pourra également, investir le champ du droit public, notamment administratif, qui gouverne à l’organisation et au fonctionnement des institutions publiques communautaires, dans leurs rapports aux administrés et aux États. Leur performance en dépend, pour partie. La circonstance de la construction d’un nouvel outil juridique, ouvre l’opportunité, d’adapter le droit communautaire naissant, aux réalités typiquement africaines, et d’y intégrer certaines règles issues de nos coutumes traditionnelles, plutôt que de vouloir les maintenir parallèlement à notre droit positif, comme c’est le cas aujourd’hui dans la majorité des États. Il s’agirait alors, d’une réforme profonde de notre droit, je dirais d’une « décolonisation » de celui-ci. Dès lors, cette écriture pourrait, à travers de nouvelles solidarités, contribuer à la définition d’un nouveau panafricanisme, qui conserverait toute son africanité, car l’idée même du panafricanisme, est consubstantielle au concept d’africanité. C’est donc un mouvement historique à l’œuvre dans toutes les activités de production, d’échange, de solidarité, de communication, pour construire l’unité et l’identité Africaine.
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