En exclusivité l’intégralité de la réaction du Premier Ministre Charles Konan Banny
À propos du verdict de la Cour d’Assises acquittant Madame Simone Ehivet Gbagbo
« Encouragement à l’administration d’une justice équitable, source de réconciliation »
Quelle que soit la position qu’il occupe dans l’échelle sociale, quels que soient l’infraction, le délit ou le crime qui lui sont reprochés, tout citoyen doit être traité par la justice comme un justiciable. Et, quelle que soit la nature de ce qui est reproché au prévenu, seule la justice, après en avoir délibéré conformément aux règles du droit, peut le déclarer coupable ou innocent des charges qui pèsent contre lui.
Par ailleurs, lorsqu’un pays sort d’une crise si grave que l’autorité publique décide de mettre en œuvre un programme de justice dite transitionnelle, les recommandations issues des mécanismes de cette justice transitionnelle doivent être examinées et traduites en actes de gouvernement.
C’est pour aider le chef de l’État à réaliser son objectif de réconciliation nationale qu’au nom de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR), je lui ai fait des recommandations dont certaines concernent précisément la justice.
La justice doit être équitable, c’est-à-dire qu’elle doit s’appliquer de la même façon à tous les citoyens et selon le droit. Elle doit être indépendante. Elle le sera si la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire est effective.
Sous ce rapport, le verdict rendu le mardi 28 mars 2017 par la Cour d’assises chargée de juger Mme Simone Gbagbo pour crimes contre l’humanité est un sujet de satisfaction. Non pas parce qu’il absout la prévenue, mais parce qu’il est conforme aux conclusions de tous les spécialistes qui, après avoir examiné la procédure en cours, ont considéré qu’elle ne permettrait pas de prononcer un jugement équitable.
Au-delà de la question de l’adéquation du verdict – je respecte le principe de l’autorité de la chose jugée – la Côte d’Ivoire doit revenir à ses objectifs de cohésion sociale et de réconciliation nationale. C’est dans ce sens que j’avais proposé l’administration d’une justice véritablement équitable, l’accélération des procédures judiciaires, la liberté provisoire pour les détenus en attente de jugement, le retour en toute sécurité de nos compatriotes encore exilés, ainsi que diverses mesures d’opportunité politique, pour encourager la réconciliation nationale.
La réconciliation nationale n’est pas incompatible avec la justice. Les personnes accusées doivent certes être jugées. Mais une fois que le verdict a été prononcé, la plus haute autorité de l’État, qui a le devoir de rassembler la Nation pour faire face au destin de la Côte d’Ivoire, peut aussi faire usage du droit de grâce reconnu au Président de la République par notre arsenal juridique.
Il ne s’agit pas d’absoudre “a priori“ les crimes et les délits qui font l’objet des délibérations de la justice, mais de mettre l’accent sur les procédures d’apaisement, de conciliation, de restauration du lien civil et de revitalisation de la citoyenneté, parce qu’il faut ressouder la nation et rétablir la culture de la paix.
Notre pays est un havre cosmopolite et humanitaire à nul autre pareil. En Côte d’Ivoire, l’humanité entière s’est donnée rendez-vous pour célébrer la fraternité que chante notre hymne national. Le premier miracle de la Côte d’Ivoire, c’est cette diversité qui a nourri longtemps la prospérité et transformé profondément le quadrilatère ivoirien.
La terre d’espérance conçue par les pères-fondateurs de la Côte d’Ivoire est une terre ouverte, pacifique, généreuse, accueillante et industrieuse. Nous avons donc un héritage prestigieux à restaurer, une place dans le concert des nations à reconquérir, une promesse faite à l’humanité à tenir. Et notre pays ne sera véritablement la terre d’espérance rêvée par nos pères que si, par l’œuvre de justice et de réconciliation, nous en faisons à nouveau la patrie de l’homme et du citoyen.
Charles Konan Banny
Membre du Bureau politique du PDCI-RDA
Ancien Premier ministre
Ancien Président de la CDVR
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