Hamsatou Anabo
En février, Ivosep, la principale société de pompes funèbres en Côte d’Ivoire depuis 1956, a décidé d’obliger les proches des défunts à prendre uniquement ses cercueils et a interdit l’accès à ses morgues du district d’Abidjan aux corbillards des prestataires privés. Des familles vivent mal cette interdiction.
A l’Ivosep de Yopougon (Nord de la capitale économique), comme dans la plupart des autres morgues de la société dans le district d’Abidjan, les vendredis sont marqués par les levées de corps.
En cette matinée, la cour de la morgue est bondée. Par-delà les pleurs et cris de désolation de familles éplorées, plusieurs policiers font la ronde pour assurer la sécurité des lieux et prévenir une éventuelle nouvelle manifestation.
Habillées en uniforme pagne, une trentaine de personnes assises à l’auditorium de l’espace réservé pour la levée de corps attendent impatiemment le corbillard privé loué pour transporter leur défunt à Gagnoa, dans le sud-ouest du pays, à 300 Km d’Abidjan.
« Il devait être là depuis 7H30, il est 11H (GMT et locales), on l’appelle aussi il ne décroche pas », se lamente Judith Koudou, la fille du défunt.
Quelques minutes plus tard, le corbillard privé fait son entrée sous les acclamations de la famille, qui reprend très vite ses lamentations.
Debout devant un tableau affichant les prix des différentes prestations d’Ivosep, Clémence Ehui, attend son tour pour faire la toilette du corps de son père.
« Franchement Ivosep devait demander l’avis des populations avant de nous imposer qu’on achète le cercueil ici, parce que leur cercueils sont trop chers », déplore-t-elle.
« A Ivosep, les prix des cercueils varient de 47.000 à 1.000.000 de FCFA, ça dépend de la bourse de tout un chacun », indique Alain Kouamé, responsable de la morgue de Yopougon, précisant qu’ « ici, le plus cher coûte 350.000 FCFA ».
Revenant de la caisse de la morgue en pleurs, Laurence Sianegle se dirige vers la salle de stockage des cercueils.
Mme Sianegle estime qu’elle pouvait négocier dehors avec les fabricants pour avoir un beau cercueil pour sa mère et à un prix moins coûteux. « Il fallait prendre l’avis des personnes avant d’établir cette nouvelle mesure, mais bon on est obligé d’accepter », dit-elle.
Le directeur de l’exploitation d’Ivosep, Jean Marc Affian, fait savoir que la société a le monopole des pompes funèbres en Côte d’Ivoire. « Nous devons appliquer cette loi parce que nous constatons que les fabricants de cercueils font un désordre total ».
M.Affian explique que cette mesure a été décidée parce qu’il arrive que des familles achètent ailleurs des cercueils de contrefaçon, mal montés, qui se dévissent souvent en plein levée de corps. « Il faut alors chercher des pointes pour bien fixer. Ils peuvent venir avec leur corbillard, mais plus de cercueil ».
Même si elle n’est pas en phase avec leur prix, Bernadette Komenan, la cinquantaine,qui a perdu son fils unique, dit « reconnaître le sérieux » d’Ivosep.
« J’ai perdu mon seul enfant que je dois aller enterrer au village vers Daoukro (Centre ivoirien), j’ai préféré payer le transfert du corps ici car, malgré qu’ils sont chers, ils m’ont fait une réduction et sont professionnels », dit-elle, avec un petit sourire de soulagement.
A quelques mètres de la sortie de la morgue de Yopougon, plusieurs entreprises privées de fabrication et vente de cercueils sont installées.
« Pas mal de mes clients viennent se plaindre parce que les prix de Ivosep sont excessifs, un cercueil que tu peux avoir ici chez moi à 300.000 FCFA coûte plus d’un million chez eux », précise Richard Nobotchié, responsable des pompes funèbres « Le destin ».
Pour protester contre la mesure gouvernementale, les syndicats des services de pompes funèbres privés ont annoncé une grève au début du mois de mars.
Le 3 mars, d’âpres disputes ont éclaté entre des familles endeuillées mécontentes et Ivosep, à la morgue de Yopougon.
Des négociations sont en cours avec Ivosep pour trouver un terrain d’entente.
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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