Par Connectionivoirienne
Qui va succéder à Ouattara s’il acceptait (comme le souhaite la majorité des Ivoiriens) de se retirer après son deuxième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire ? La question taraude les esprits à mesure que l’échéance de 2020 approche.
Chez les alliés du Rhdp, le rêve de Bédié de voir un cadre du Pdci soutenu par l’ensemble des partis s’amenuise et le vieux parti est de plus en plus agacé. Le Rhdp lui-même, ne fait plus vraiment rêver et s’est réduit en peau de chagrin après l’éviction aux forceps des deux petits poucets que sont l’Udpci et l’Upci. Dans cette ambiance d’incertitude, Ouattara semble avoir fait son choix à quelque trois ans de sa sortie.
Son dernier remaniement ministériel de janvier a tout l’air d’une redistribution des cartes avec la nomination de Gon Coulibaly comme Premier ministre et Duncan Kablan Daniel comme vice-président (malgré lui). Dans la nouvelle configuration constitutionnelle taillée sur mesure par Alassane Ouattara, aux élections présidentielles de 2020 deux personnalités doivent être élues sur la même liste, un président et un vice-président. L’attelage Gon-Duncan pour contenter le Pdci dans une moindre mesure s’essaie déjà à la tâche qui reste pour l’instant hardie.
Exit donc Soro et Hamed Bakayoko, avec cette combinaison, considérée par Ouattara comme celle du moindre mal. Mais si le second semble avoir tempéré ses ardeurs pour attendre calmement son heure, le premier, lui, ne donne pas l’air d’avoir abdiqué.
Guillaume Soro, l’homme de mission comme il aime à se qualifier, tisse doucement sa toile et trouble désormais le sommeil d’Amadou Gon. Le président de l’Assemblée nationale multiplie les voyages. Après le Canada, il est annoncé en Inde. Le terme tout trouvé pour justifier ces déplacements : la diplomatie parlementaire. Il a l’art de retourner les situations, même les plus inextricables. On croyait Soro dans le creux de la vague quand entre 2014 et 2015 il était malmené au plan médiatique avec les affaires du mandat d’amener en France et le coup d’état du Rsp au Burkina Faso. En 2017, Soro s’est rendu en France auréolé de son statut de président du parlement ivoirien, sans être inquiété. Qui l’eût cru ? Dans le camp Ouattara, ils sont de plus en plus nombreux à miser sur lui pour 2020. Et le congrès du Rdr censé mettre de l’ordre dans la case ne l’inquiète outre mesure, ne misant vraiment pas sur une onction du parti Ouattariste. La galaxie Soro, c’est d’abord parmi les partisans du pouvoir, non-alignés et qui sont déçus de la gouvernance actuelle. Au sein de la grande muette, ce n’est un secret pour personne, il contrôle également une frange importante des soldats ex-rebelles qui ont conduit Ouattara au pouvoir.
Le rassemblement de Korhogo la semaine dernière, sous le pseudo prétexte de soutien à Ouattara était d’abord une revue des troupes par Gon Coulibaly pour rappeler à tous ceux qui s’agitent que c’est lui le choix. Mais Soro était là pour enrhumer cette belle symphonie. Le « Tiéni Gbanani national » l’a bien emporté à l’applaudimètre quand le maître de cérémonie se mélange les pédales pour l’annoncer comme le président de la République. Un beau lapsus qui vaut son pesant d’or en de telles circonstances. De quoi donner des sueurs froides à Gon, le manitou.
Quoi qu’on en dise, pour le moment les hostilités ne sont pas vraiment ouvertes et les deux hommes font bon cœur contre mauvaise fortune. Tous les signaux actuels portent à croire que pour rien au monde, Soro abdiquera. Il se dit qu’il n’est pas maître du temps. En dépit de sa relative jeunesse sur laquelle surfent les adeptes de Gon Coulibaly, l’ancien chef de la rébellion estime qu’il a déjà traversé le désert. « La présidence pour Soro, c’est comme le combat de sa vie. Tant que Ouattara est là, il se sent protégé contre une surprise de la Cpi. Il a son passé qui joue contre lui. L’on sait également que les Etats-Unis et quelques pays occidentaux s’agaçaient un temps de le voir jouir d’une totale liberté après le feuilleton meurtrier en Côte d’Ivoire dans lequel sa responsabilité est incontestable. Une sortie de Ouattara de la scène politique serait catastrophique pour lui. Mieux vaut se préparer lui-même parce qu’il n’y a que Soro qui peut protéger Soro. Il lui faut donc la présidence à tout prix », analyse un leader d’opinion indépendant.
De son côté, Gon Coulibaly qui connait un début difficile à la tête du gouvernement, jouera lui aussi toutes ses cartes. Il a pour lui, sa connaissance et une mainmise sur le Rdr. Il peut compter aussi sur quelques pro-Ouattara du Pdci. Ceux pour qui ne comptent que la bourse et le poste.
Dans ce duel à distance, le mérite reviendra à qui aura dégainé le premier. Mais celui-ci devra viser juste au risque d’en pâtir.
SD à Abidjan
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