Alors que l’association des non-voyants catholiques de Côte d’Ivoire a organisé samedi 4 mars une journée de fraternité, Urbi & Orbi Africa a rencontré son président, le P. Benoît-Marie, aveugle depuis l’âge de 12 ans.
« Aux dernières nouvelles, nous étions trois non-voyants devenus prêtres dans le monde et je suis le premier. Les autres sont venus après : un Italien et un Allemand », explique le P. Benoît-Marie.
Il y a bien des prêtres qui sont devenus non-voyants, mais des non-voyants devenus prêtres sont extrêmement rares. Le P. Benoît Marie, 23 ans de sacerdoce, est l’un d’entre eux.
À l’état civil, le P. Benoît-Marie s’appelle Emmanuel Etté. C’est depuis son ordination sacerdotale dans la communauté « Famille de Marie » qu’il a pris le nom de Benoît-Marie.
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La vue, le jeune Emmanuel Etté l’a perdue progressivement. À 9 ans, il commence à ne plus voir que d’un œil puis à 12 ans, il perd l’autre œil. Un mal difficile à déterminer : « Les médecins n’ont jamais dit clairement ce que c’était », raconte-t-il. Emmanuel est obligé d’interrompre ses études au cours moyen à cause de sa cécité. Après plusieurs tentatives de soin sans succès, il reprend les études à l’institut des aveugles trois ans plus tard, en 1975. Il y apprend le braille et l’utilisation d’outils pédagogiques adaptés aux non-voyants. Il réussit également son entrée en sixième.
Un non-voyant dans le circuit « normal »
Après le brevet, Emmanuel entre au lycée classique d’Abidjan où il passe un bac littéraire. Bien que non-voyant, il intègre alors le circuit « normal » avec certains aménagements : il tape ses devoirs sur une machine à dactylographier. « Mes professeurs ne me favorisaient pas, au contraire. Mais ils ont cru en moi », se rappelle-t-il. « J’avais un professeur de physique en particulier qui m’en demandait plus que tout le monde et qui m’a aidé à me dépasser constamment. »
Après le bac, le jeune non-voyant entre à l’INSET (l’institut national supérieur d’enseignement technique) où il obtint un DUT en gestion-commerce. Son ambition était de se spécialiser en pédagogie afin d’instituer une formation pour les petits commerçants avec de la comptabilité simple adaptée aux non-voyants.
D’Emmanuel Etté au P. Benoît-Marie
Finalement, Emmanuel Etté suivra sa formation de pédagogie en France où il reçoit également l’appel à devenir prêtre : « J’ai fait mon expérience décisive au centre jésuite de Manrèse, lors d’une retraite spirituelle en 1988. Le Seigneur m’a répondu de manière absolue. Dès lors, j’ai acquis une certitude qui pouvait déplacer des montagnes. En même temps, j’en avais besoin car ce qui m’attendait n’était pas simple. »
C’est en 1990 qu’Emmanuel rencontre la communauté « Famille de Marie », basée en Autriche puis en Italie : « Je me suis vraiment senti appelé là et les responsables ont tout de suite compris ma vocation. » Emmanuel Etté devient prêtre en 1994.
L’association des non-voyants catholiques de Côte d’Ivoire
Sa vocation sacerdotale ne l’a pas éloigné de ses préoccupations concernant les non-voyants. Il fonde l’Association des non-voyants catholiques de Côte d’Ivoire en 2002 pour aider à leur évangélisation et promouvoir leur insertion sociale. À l’époque, les activités commencent timidement, l’association cherche d’abord à se faire connaître par des visites dans les paroisses.
Actuellement, elle a de plus grandes ambitions : « Une chose très simple, les non-voyants ont très peu accès à la lecture de la Bible, nous comptons créer une bibliothèque. » Pour ce faire une journée de fraternité organisée le 4 mars a permis aux Ivoiriens d’admirer les talents des non-voyants.
« Les gens ne croient pas aux aptitudes des non-voyants, et le milieu religieux n’est pas non plus très facile pour eux », se désole le P. Benoît-Marie. « Une fois, j’ai prêché une retraite à des prêtres. Après, un d’entre eux m’a avoué qu’il avait cru que c’était par faveur qu’on m’avait choisi pour prêcher. Mais ils étaient tous bouleversés après cette retraite. »
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