A Yamoussoukro, des salles d’étude en plein air se créent de nuits sous les lampadaires

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Ange Tiémoko

Seul, entre amis ou en famille, ils sont des centaines à Yamoussoukro (Centre, capitale politique), les élèves du primaire et du secondaire qui ont “choisi d’étudier les nuits, sous les lampadaires”, plutôt qu’à domicile.
“Pour apprendre correctement mes leçons, j’ai besoin d’être dans un endroit calme”, fait savoir Yssouf Nombré, élève en classe de Terminale D, au collège Eléis de Yamoussoukro, estimant qu’”il y a trop de bruit dans la cour commune, où (il) vit avec ses parents, dans le quartier (populaire) Bailly”, au centre-ville.

“Il y a trop d’enfants dans ma cour. Les soirs, après le repas, vers 20H00 (GMT, et locales), ils passent leur temps à courir dans tous les sens en jouant, se bagarrant et le bruit qu’ils font m’empêche de me concentrer lorsque j’étudie”, explique Sylvain N’Guessan.

“Un soir, en 2013, quand j’étais en classe de 4e, j’ai décidé, comme aujourd’hui (dimanche 05 mars), de quitter la maison pour m’isoler sous la lumière des lampadaires, ici, devant la Fondation Félix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix, et apprendre mes leçons”, affirme Sylvain, qui dit avoir “constaté” qu’il n’était “pas seul”.

Assis sur les bords du caniveau qui longe la grande artère en face de la Fondation Houphouët Boigny, “Nous étions nombreux”, se souvient l’élève de 22 ans, relevant que “la présence des autres élèves (l’a) motivé à revenir les autres soirs”, avant de se réjouir que “depuis lors, (ses) résultats scolaires se sont nettement améliorés”.

“Lorsque je descends de l’école à 18H00, je me lave, me repose avant de manger et venir en face de la Fondation à 20H00. J’(y) reste jusqu’à 23H00”, détaille Aristide Kouamé, en classe de Terminale A au Collège Albert Einstein (CALE), évoquant “la chaleur et le bruit” à son domicile à Dioulabougou (quartier populaire).

“Rien ne nous fait peur”

A l’instar de la centaine d’élèves devant la Fondation Houphouët Boigny, Djénéba Welgo et quatre de ses amies, en classe de Terminale C au Lycée mixte se rendent les nuits, devant le Lycée Mamie Adjoua, à l’Est de la ville, “pour éviter que (leurs) parents ne les envoient faire des petites courses pendant qu’elles apprennent leurs leçons”.

Résidents toutes au quartier populaire d’Assabou, en face du Lycée où elles étudient, elles affirment que leurs parents savent où les trouver en cas d’urgence.

“Tout compte fait, depuis trois ans que je viens ici pour bosser (étudier), à part la fraicheur et la pluie, il n’y a jamais eu de réel danger”, assure Djénéba, sous le regard approbateur de ses amies.

“Rien ne nous fait peur”, s’exclame l’adolescente de 19 ans qui se dit “rassurée” par les patrouilles, chaque demi-heure dans la zone, du Centre de coordination des décisions opérationnelles (CCDO, unité d’élite de la police ivoirienne).

“En temps de pluie, nous ne venons pas”, disent-elles, ajoutant : “nous étudions à la maison, dans nos chambres, entre 03H00 et 06H00”.

L’impuissance et le regret de certains parents

“Souvent, quand je passe sous ces lampadaires où se réunissent ces élèves, j’(en) vois certains, filles et garçons, isolés, loin de leurs livres et cahiers”, relève Fouceni Katima, mécanicien, dont la nièce en classe de 3e étudie en face de la Fondation.

Pour ce mécanicien de 37 ans, “chaque élève est conscient de ce qu’il va faire sous ces lampadaires”.

Fouceni raconte tout furieux qu’ “en plus, d’avoir un répétiteur”, sa nièce qui s’est mise à dos toute sa famille “à cause de son entêtement à étudier sous ces lampadaires, a repris ses classes de 4e et 3e, et s’(y) est trouvée un petit ami qui la retrouve (presque) tous les soirs”.

Selon la direction locale de l’Education nationale, plus de 50.000 élèves du Cours élémentaire 1e année (CPI) à la Terminale sont inscrits à Yamoussoukro et le taux de réussite aux différents examens de fin d’année se situe entre 35 et 45% depuis trois ans.

ATI
Alerte info/Connectionivoirienne.net

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