Tribune: Afrique du Sud, le nouvel apartheid

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Par Oumou Dosso, Dr en philosophie

Afrique du Sud. Le pays est un condensé de symboles, par son passé et son présent. Mais après chaque escalade de la violence xénophobe contre les immigrés, les couleurs de la nation arc-en-ciel pâlissent encore un peu plus. Dans ce pays qui a enfanté le symbole de la grandeur de l’Afrique, le légendaire Nelson Mandela, et une devise qui clame « L’unité dans la diversité», les autorités ont du mal à regonfler la bulle enchantée des premiers jours de l’espoir planétaire suscité après la libération de Madiba. Quand on ajoute à cela l’archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la paix (1984) et Nkosazana Dlamini Zuma, ex-présidente de la Commission de l’Union africaine, et même en omettant sciemment les noms des grands combattants de l’histoire douloureuse de l’Afrique du Sud, on a du mal à expliquer la dérive xénophobe et meurtrière de nombre de Sud-Africains contre les non-nationaux.
La raison de la hargne contre les étrangers demeure inconnue, même si l’on peut avancer (comme ce fut le cas lors des attaques précédentes) que les éléments déclencheurs tournent souvent autour des questions d’accès aux services de base des nationaux.

Les communautés étrangères africaines établies en Afrique du Sud, noires principalement et logeant dans les townships sont les plus visées. Comment ne pas ressentir du dégoût face à cette situation de violence où des Noirs qui furent eux-mêmes victimes d’actes de discrimination et de ségrégation s’en prennent aujourd’hui à d’autres personnes de même race ?
Dans cette ambiance, Jacob Zuma aura beau brodé sur la culture d’hospitalité de son pays, le message a du mal à passer. Les victimes accusent les autorités en charge de la sécurité d’un laxisme qui favorise l’escalade et elles pointent un doigt accusateur vers certains chefs zoulous.

De façon intermittente, des émeutes contre l’étranger ont lieu, surtout dans les townships où vivent environ 40% de la population. Là-bas, l’écart entre les riches et les pauvres est tel qu’il cause beaucoup de frictions entre les deux classes sociales et c’est aussi la raison des tensions avec les étrangers accusés d’être des « profiteurs » de l’embellie du pays après la période tragique de l’apartheid. Les étrangers donc, sujet qui revient comme un boomerang avec cette vieille peur de l’invasion.

La gestion postapartheid des flux migratoires dans un environnement où l’État en est encore à chercher ses marques, les conflits de succession politique et les disparités socioéconomiques toujours grandissantes ont fini par faire le lit de l’hostilité d’une partie des Sud-Africains vis-à-vis de ceux qu’ils affublent du qualificatif peu flatteur de «amakwerekwere» (les barbares, en langue zoulou).
Depuis 2008, où les agressions les plus sanglantes et la mobilisation contre l’étranger ont fait officiellement 68 morts, de nombreux blessés et déplacés, on peut dire que de façon insidieuse, il est en train de s’installer dans la patrie de Madiba, un nouvel apartheid.

Le recours quasi systématique à la violence dans la gestion des conflits sociopolitiques, au temps de l’apartheid contre les Noirs, manifestement, se proroge avec une particularité ou plutôt une violence inouïe qui fait froid dans le dos : certaines victimes sont brûlées vives et filmées.

Ce qu’il faut craindre c’est que le sentiment d’impunité, comme en 2008, après les traques à l’étranger, malgré les poursuites judiciaires et les condamnations ne fassent le lit de futures attaques. Cette hargne meurtrière est une honte pour l’Afrique et pour l’humanité. Il faut emboucher la vuvuzela pour le dire!

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