Je propose un référendum sur la sortie de la côte d’ivoire de la zone franc
PRAO YAO SERAPHIN
Depuis quelques mois, le combat contre le Franc CFA a gagné en intensité. Les leaders d’opinion africains et la société civile se sont invités dans le débat. Dans plusieurs pays africains, l’indignation se transforme en révolte. Après plusieurs écrits sur le sujet, nous proposons dans les lignes qui suivent une voie à la société civile ivoirienne, un référendum pour que le peuple se prononce sur l’avenir de cette monnaie étrange.
Sans une indépendance monétaire, l’indépendance économique est impossible
Alors président de la Tanzanie, Julius Kambarage NYERERE, se plaignait constamment d’avoir à suivre les informations sur la BBC, la radio de l’ex-puissance coloniale, pour connaître la cotation des produits de la Tanzanie. C’est pourquoi, il qualifiait d’« indépendance de drapeau », l’indépendance des pays africains. Le président NYERERE avait raison car un pays sans souveraineté monétaire est semblable à une maison sans meuble. L’un des attributs d’un Etat moderne réside dans son droit de battre monnaie. Or, les pays de la Zone Franc n’ont pas cette liberté de battre monnaie. La monnaie, on l’a dit représente pour une économie, ce que le sang est pour le corps humain. Lorsqu’une personne a besoin d’une transfusion sanguine, c’est qu’elle est malade.
Le Franc CFA est sous la tutelle française mais contrôlé depuis francfort
Depuis l’avènement de l’euro, la politique monétaire des pays de la Zone Franc se joue à Francfort, au siège de la Banque centrale européenne (BCE). Au fond, les banques centrales de la Zone Franc n’ont aucune compétence dans la vie économique des pays africains. Le franc CFA est, in fine, géré à Francfort en fonction de critères n’ayant aucun rapport avec les préoccupations des économies africaines. Les pouvoirs de ces banques centrales ont été réduits à la portion congrue. Cela ne doit rien au hasard, mais à des accords de coopération monétaire signé entre la République française et les pays de la Zone Franc. On se souvient que lors de la dévaluation du Franc CFA, en janvier 1994, les chefs d’État africains membres de la Zone Franc étaient tous opposés à cette mesure radicale. Mais le gouvernement français d’alors (d’Édouard BALLADUR), a imposé la dévaluation du Franc CFA sans tenir compte de l’avis des dirigeants des pays africains membres. La décision de dévaluer la monnaie peut être utile pour relancer l’économie et permettre la compétitivité de la production locale au niveau du marché mondial. Mais cette décision doit dépendre des autorités politiques de pays libres. Le professeur d’Économie Albert ONDO OSSA, ancien ministre de la Recherche Scientifique du Gabon, estimait à juste titre que « les pays de la Zone Franc africaine n’ont aucune emprise sur le cours de leur monnaie ».
Le Franc CFA est une monnaie qui ne permet pas l’essor économique
Les pays de la Zone Franc sont tous des pays pauvres. Ils ne résistent qu’à travers les aides financières des puissances occidentales surtout de la France. Monique CHEMILLIER-GENDREAU estime qu’« en rechignant à fournir des “aides à la coopération” qui soutiennent le train de vie, les anciens colonisateurs traitent l’Afrique comme une vieille maîtresse abandonnée à qui ils auraient pris tous ses bijoux et ses biens et à laquelle ils marchanderaient une chiche pension toujours mal employée ». On perçoit parfaitement à travers ces propos que l’aide extérieure est un moyen de recolonisation des pays africains. En fait, on prétend accorder une « aide », pour mieux recoloniser le pays « aidé ». Le Franc CFA n’aide pas les pays africains à développer leurs industries. Pour des pays aux économies extraverties, la baisse de la valeur de leurs monnaies est une clé fondamentale pour attirer les acheteurs et développer des industries fortes. Il en découle qu’un pays qui veut exporter doit produire en masse et à bas coût pour pouvoir lutter contre la concurrence des autres pays. Or, le Franc CFA est une monnaie forte qui incite à l’importation et non à la production pour exporter. Dès sa création, la valeur de la monnaie coloniale a été surévaluée par rapport au franc français pour décourager les autres pays à acheter les produits des colonies. La France avait donc dès la création du Franc CFA, empêché les pays de la Zone Franc de tirer profit de la mondialisation. Dans le même temps, elle avait créé toutes les conditions pour que les pays de la Zone Franc achètent tout en France.
La parité fixe qui rend nos économies immobiles dans un monde mouvant
La politique de parité fixe imposée par la France aux pays membres de la Zone Franc est une politique érigée contre le développement de ces pays africains. La parité fixe n’est pas le meilleur régime pour des économies extraverties. Cette parité fixe n’a pas attiré les capitaux étrangers ni favorisé un développement social et économique. Pour un pays en voie de développement, la parité fixe comme politique monétaire ne constitue pas la bonne voie. C’est une politique qui se base sur des artifices sans relation avec la réalité économique et financière. Nos économies reposent sur de bases fragiles qui ne peuvent résister que dans un régime de change flexible. La voie des parités glissantes est souvent avancée pour les économies de la Zone Franc. Les fondateurs de la Zone Franc ont donc choisi un régime de fixité absolue des changes, sans marges de fluctuation, ni modifications fréquentes de la parité, comme s’ils voulaient répéter le système colonial dans un monde en mouvement.
Un référendum pour sortir de la Zone Franc
Une chose est claire, les pays de la Zone Franc n’ont pas réellement de banques centrales. Ces dernières sont des intermédiaires entre le Trésor Français et les banques commerciales en Afrique. Mieux, le colonialisme monétaire est inacceptable dans ce siècle présent. Par exemple, le Conseil d’Administration de la BCEAO est dirigé par 16 membres à raison de 2 par pays membre et deux Français. Pourquoi il n’y a pas d’Ivoirien à la BCE ? Alors que les pays de la Zone Franc manquent de tout, ils se permettent de déposer plus de 8000 milliards de FCFA au Trésor rémunérés à 0,75%. Il suffit que la France place ces fonds sur les marchés financiers et utiliser les intérêts pour les prêter aux pays de la Zone Franc. Chaque pays gère son économie et surtout sa politique monétaire par le biais de sa banque centrale. Seuls les pays de la Zone Franc ont accepté de confier leur survie économique et leur souveraineté à la France. Aucune colonie ne peut se développer sans au préalable rejeter les vestiges du colonialisme. En réalité, on ne peut pas se développer sous le joug colonial. C’est l’exemple des pays asiatiques. L’avenir des économies de la Zone Franc dépend des peuples africains et non des gouvernants serviles. Il revient au peuple ivoirien de se prononcer sur le colonialisme monétaire. C’est pourquoi, nous demandons aux autorités actuelles d’organiser un referendum sur ce sujet très important, plus important que le referendum sur la constitution qui a englouti des milliards de Franc CFA. Les révoltes monétaires ont toujours emporté les gouvernements, débattons donc sur le cas du Franc CFA.
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