Par Anselme Blagnon
« Ce qui se passe actuellement (dans la filière) fait très mal », affirme Marcel Zongo, transporteur d’un véhicule chargé de fèves de cacao stationné « depuis deux semaines », sur la voie menant à la société Cargill à San-Pedro (Sud-ouest de la Côte d’Ivoire) dont le port est le premier exportateur mondial de cacao.
Près du camion de M. Zongo, plus de 45 autres véhicules chargés de fèves de cacao sont immobilisés, attendant leur déchargement le long de la rue.
Installés par petits groupes près de leurs véhicules en devisant pour certains, ou réunis autour d’une tasse de thé pour d’autres, ces transporteurs y ont élu domicile depuis plusieurs jours au grand bonheur des commerçants ambulants.
Assis à l’ombre d’un arbre en compagnie de son ami Souleymane Zongo, M. Ouédraogo campe depuis deux semaines et avoue « ne pas comprendre véritablement ce qui se passe au niveau de la filière, de novembre 2016 à ce jour », ajoutant que les « patrons (responsables de Coopératives) disent qu’on ne les paye pas ».
Au centre-ville, des véhicules sont également parqués dans des stations d’essence et devant des entrepôts, le temps d’être réceptionnés par les sociétés vers lesquelles ils sont conduits.
Les sociétés reçoivent tout au plus « 20 camions par jour alors que (ceux) qui sont ici sont près de 200. C’est comme si rien n’était fait. On attend dans la fraicheur », lance l’air découragé un autre transporteur, Zacharia Gourane, lors d’un échange avec ceux qui partagent sa natte, trois « collègues » venus de Biankouma (Ouest) et Vavoua (Centre-Ouest) depuis une semaine comme lui.
Un ralentissement lié à la surproduction
La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial du cacao avec une production de 1,5 million de tonnes en 2015, connaît un ralentissement des ventes en raison d’une « surproduction » de 110.000 tonnes de mi-novembre à décembre 2016 et une baisse de plus de 30% des cours mondiaux, selon le Conseil café-cacao (CCC) organe de régulation qui a maintenu le prix bord champ du kilogramme à 1.100 FCFA jusqu’au 31 mars.
Pour éviter des dépenses liées notamment au coût de location des véhicules, la société coopérative de Nem-Noma de Kouamékro (SCNK Sassandra) ne réceptionne plus de fèves de cacao depuis janvier « en attendant que la situation se décante ».
« C’est tellement difficile de faire décharger le cacao », confie le président du conseil d’administration de la coopérative, Grégoire Gangouané, pour qui il est préférable de ne pas « perdre du temps », étant donné que plusieurs usines de transformation de fèves ont « cessé » leurs activités, à l’exception de « Cargill et Touton ».
« Les usines disent que le prix d’achat (1.100 FCFA) du Kg de cacao proposé par le CCC ne les arrange pas, parce que le coût sur le marché international a connu une baisse qui a une répercussion sur le plan national », explique M. Gangouané.
Des transporteurs exposés à l’insécurité
En attendant de voir son camion déchargé, M. Ouattara, la quarantaine, passe ses nuits à la belle étoile avec les dangers qui peuvent survenir.
« En dormant dehors on s’expose à des agressions », souvent il y a des bandits qui viennent. Certains ont des machettes d’autres des lance-pierres », raconte M. Gourane. Pour éviter des agressions à la tombée de la nuit, chauffeurs et apprentis se relaient pour assurer la sécurité des engins et de leurs contenus.
Les activités liées à l’exportation du cacao n’ont « jamais été interrompues », selon un responsable du port, expliquant que le passage des véhicules se fait par rotation et qu’ »il y a toujours des sorties. Une fois qu’il y a des navires qui sont là pour prendre les marchandises, les embarcations sont faites ». Une information confirmée par la direction régionale du Conseil café-cacao.
Pour protester contre le blocage de plusieurs milliers de tonnes de cacao dans les ports ivoiriens, à la suite de l’enlisement du système d’achat mis en place par les autorités de la filière, le syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI) et d’autres associations ont entamé mercredi une grève illimitée.
Avec une production moyenne annuelle de plus 1.200.000 tonnes, soit 41% de l’offre mondiale, l’économie cacaoyère fournit environ 40% de recettes d’exportation et contribue à hauteur de 10% au Produit intérieur brut (PIB) du pays.
ABL
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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