Près de 200 milliards virés dans un compte bancaire à Dubaï
Source: Laboukoye, Le Courrier, février 2017
Le 9 novembre 2012, Olivier Wantz, accompagné de deux autres hauts représentants d’Areva, a reçu à Paris, Hassoumi Massoudou, ministre-directeur de Cabinet de Mahamadou Issoufou.
Omar Hamidou Tchiana, ministre d’État chargé des mines, était bel et bien de la délégation qui s’était rendue dans la capitale française. Mais, Hassoumi Massoudou, probablement instruit de discuter avec Areva dans la plus grande clandestinité, s’était arrangé pour se débarrasser du titulaire du portefeuille. Ce 9 novembre 2012, Tchiana était, donc, dans tout autre chose, peut-être sur les bords de la Seine, lorsque Massoudou rencontra, seul, les trois patrons d’Areva. Les discussions aboutirent aux « minutes de meeting ». Et lorsque, à la grande surprise des deux parties, Stéphane Lhomme de l’Observatoire français du nucléaire publia, le 11 décembre 2012, le document, c’était la levée de bouclier.
Areva porta plainte, pour ensuite admettre le fait tandis que du côté de Niamey, Hassoumi Massoudou informa que ledit document n’était que le compte-rendu de leurs discussions. On ne l’avait pas cru et pourtant telle était la réalité. En fait, C’était l’arbre qui cachait la forêt. Car, derrière les minutes de meeting, il y avait des choses encore plus importantes qu’un Omar Hamidou Tchiana, soit-il ministre d’État chargé des mines, ne saurait savoir.
Ce 9 novembre 2012, Hassoumi Massoudou était seul, face à Olivier Wantz, directeur général adjoint d’Areva et membre du directoire en charge du business group Mines ; Jacques Peythieu, directeur de la stratégie du business group mines ainsi que Imad Toumi, directeur général d’Areva mines Niger à l’époque. Les minutes de meeting qui ont consacré les négociations secrètes entre Areva et Hassoumi Massoudou n’étaient que la face visible de l’Iceberg. Cinq autres documents annexes portant sur les véritables questions qui ont motivé Hassoumi Massoudou à se débarrasser du ministre d’Etat chargé, ont été signés. Et c’est ça qui a fondé l’ancien directeur de Cabinet de Mahamadou Issoufou à affirmer que les » minutes de meeting » n’étaient qu’un document rendant compte de leurs pourparlers. Dans l’annexe 5, un document additif aux » minutes de meeting « , les principes de l’Omerta qui doit nécessairement entourer l’affaire sont déclinés. Au bas du document, il est clairement mentionné que » la communication sur les conclusions de ces négociations se fera de façon concertée et que le contenu de ces minutes de meeting et de tout autre accord à venir resteront confidentiels » et que » les parties conviennent que le présent compte-rendu est confidentiel et ne peut être divulgué sans l’accord écrit des parties « . Il y avait de quoi. En juillet 2011, Areva UG, le groupe commercial d’Areva Groupe, a vendu une très forte quantité d’uranium à la société Energo Alyans, une société de distribution russe qui ne s’intéressait pas, du moins jusqu’alors, au commerce d’uranium ou même au négoce de matières premières. Le 24 novembre suivant, la société Energo Alyans a vendu cet uranium à la société Optima Energy Offshore SAL au Liban. Les deux ventes ont été notifiées à la société Areva. Selon une source proche du dossier, un virement bancaire de 319 millions de dollars, soit près de 200 milliards de francs CFA, a été fait le 12 décembre 2011 du compte de Sopamin logé à BNP Paribas, à Paris, au compte d’Optima à Dubai. Au bas du document, on voit clairement la signature de Hassoumi Massoudou. Ce qui pose le problème de la gestion des comptes de la Sopamin.
Pourquoi Hassoumi Massoudou au centre de cette transaction?
Ministre-directeur de cabinet de Mahamadou Issoufou au moment des faits, Hassoumi Massoudou est aussi l’homme qui a apposé sa signature au bas de la facture de la société Optima adressée à la Sopamin, en novembre 2011. En tout cas, l’examen des documents en possession du Courrier sème quelque peu le trouble quant au rôle qu’aurait pu jouer Hassoumi Massoudou dans cette transaction des plus douteuses.
1. Pourquoi Hassoumi Massoudou s’était-il retrouvé au centre de cette transaction douteuse en lieu et place du ministre des Mines ou du directeur général de la Sopamin ?
2. Pourquoi Hassoumi Massoudou, qui n’est ni ministre des mines ni membre du conseil d’administration de la Sopamin doit-il apposer sa signature, d’une part sur la facture de la société Optima ; d’autre part, sur le virement bancaire en qualité de donneur d’ordre ?
3. Qui était véritablement l’ordonnateur des dépenses de la Sopamin ?
4. Pourquoi ce virement bancaire de la Sopamin à la société Optima alors qu’il n’existe a priori aucun rapport commercial entre ces deux sociétés ?
5. La société Optima est-elle réelle ou est-ce une simple société-écran chargée de capter des fonds frauduleux?
6. Pour le compte de qui le groupe commercial d’Areva Groupe a vendu cette quantité d’uranium à la société russe Energo Alyans, manifestement à l’insu de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ?
7. L’État nigérien aurait-il délibérément choisi de vendre son uranium dans des conditions troubles, par le biais d’Areva ou doit-on y voir une grosse arnaque ?
Mise en lien avec le don de 35 millions d’euros d’Areva à l’État du Niger, cette transaction des plus troublantes dont une bonne partie des montants mis en cause a atterri à Dubaï – un autre paradis fiscal – est une autre affaire qui reste à élucider. Elle n’est pas sans évoquer le scandaleux achat de l’avion présidentiel aux îles Caïman. Et c’était déjà et toujours le même Hassoumi Massoudou qui était aux commandes.
Nous y reviendrons !
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