Scott Burns, doctorant Mercatus et enseignant d’économie à l’Université George Mason à Fairfax, en Virginie.
Ces dernières années, M-PESA et d’autres types de systèmes de payement mobile ont facilité les transferts d’argent partout dans le monde. C’est désormais aussi simple que d’envoyer un SMS, ce qui facilite le commerce et l’inclusion financière dans les pays en développement. Pourtant, ce n’est que récemment que les experts ont tenté d’évaluer le véritable impact de ces services sur les pauvres.
Dans une étude, Tavneet Suri et William Jack ont tenté d’évaluer l’impact de « l’argent mobile » sur le recul de la pauvreté au Kenya, pays où cette révolution technologique a commencé. D’autres produits tels que le service bancaire « M-Shwari » et la plate-forme de paiement de détail « Lipa na M-PESA » n’ont fait que conforter sa popularité.
Des enquêtes menées par Suri et Jack entre 2008 et 2014, il est ressorti que M-PESA a sorti 194 000 ménages kényans de la pauvreté en permettant aux pauvres de se protéger contre les chocs négatifs pouvant impacter leurs revenus tels que les mauvaises récoltes ou les ralentissements économiques généraux. Cela permet aux citoyens pauvres de bénéficier d’un flux de revenus plus stable et plus prévisible, et par conséquent d’avoir un flux plus régulier de dépenses au fil du temps. M-PESA a également permis aux familles pauvres d’avoir accès à des comptes d’épargne sûrs et rémunérés. Suri et Jack montrent que les parties du Kenya qui ont eu un meilleur accès aux agences de « l’argent mobile » (succursales de mini-banques), ont été capables de bénéficier d’un flux plus stable de revenus provenant des transferts de fonds, et donc de dépenser plus.
Grâce au M-PESA l’efficacité du marché du travail s’est améliorée au Kenya. Maintenant qu’ils sont capables d’«envoyer de l’argent bon marché» et de manière fiable, les travailleurs des campagnes du Kenya ont pu profiter d’emplois mieux rémunérés à Nairobi et dans d’autres centres urbains. Le flux plus régulier des transferts de fonds de la ville vers la campagne a à son tour permis à plus de familles rurales de payer les frais de scolarité requis pour envoyer leurs enfants à l’école.
Les services bancaires mobiles, comme M-Shwari, qui se sont connectés à M-PESA ont également facilité à des millions de Kenyans l’accès à un crédit abordable afin qu’ils puissent démarrer leurs propres entreprises. Ces développements ont contribué à faire émerger une récente vague d’entrepreneuriat numérique qui a permis au Kenya d’obtenir le surnom de la «Silicon Savane ».
L’un des résultats les plus intéressants de Suri et Jack est que l’argent mobile a été particulièrement bénéfique aux femmes kenyanes. En raison de « l’argent mobile », 185 000 femmes ont pu passer de l’agriculture de subsistance à des emplois rémunérés. M-PESA a également permis à des millions de femmes, qui n’ont jamais été en mesure d’ouvrir un compte bancaire formel, d’accéder à un moyen sûr d’économiser de l’argent sans crainte d’être spoliées par des maraudeurs voleurs ou des conjoints complices. Le fait que ces innovations financières aient eu un tel effet positif sur l’économie kenyane ne sont pas surprenants quand on connaît le lien étroit entre le développement économique et les services financiers (croissance de la consommation et des investissements, l’amélioration du fonctionnement du marché du travail, le volume accru d’épargne et de crédit privé destinés à financer les petites entreprises et autres start-up). Ces résultats obtenus par le Kenya sont encourageants et prouvent concrètement que «la finance compte».
Bien que les conclusions de Sari et Jack soient encourageantes, il faut souligner que les avantages de la révolution financière numérique ne peuvent pas être ressentis de la même manière dans tous les pays en développement.
En effet, pour obtenir un maximum d’impact positif avec « l’argent mobile », il faut que l’environnement des affaires soit le plus libre possible pour permettre aux innovations d’émerger sans être tout de suite écrasées par une règlementation démotivante.
La grande majorité des comptes de monnaie mobile dans le monde en développement se sont développés dans des environnements réglementaires « favorables » (suppression des réglementations lourdes, stimulation de la concurrence). La finance compte, mais les pays ne peuvent profiter des avantages du développement financier que si leurs politiciens renoncent à bloquer la voie du progrès financier et de l’innovation en supprimant la réglementation et en adoptant une politique de libéralisation financière.
On ne peut cependant pas négliger l’impact de cette technologie pour soutenir les populations dans des environnements moins libres. Par exemple, en l’Inde, au Zimbabwe et au Venezuela, pays qui ont récemment souffert de pénuries de liquidité et de diverses crises politiques et économiques ce mode de financement a été salvateur. Il a permis aux citoyens de stocker leurs richesses numériquement au lieu de rester prisonniers de monnaies de papier et a permis d’ouvrir des comptes d’épargnes mobiles libellés en devises étrangères. Cette concurrence monétaire est saine et stimulante et incite les dirigeants politiques à une meilleure gouvernance s’ils ne veulent pas perdre une partie de leur pouvoir.
Ainsi, suffisamment de preuves permettent d’affirmer que les innovations financières ont un fort impact sur le recul de la pauvreté. Ce constat est tellement clair que les gouvernements n’ont plus d’autres choix que de faciliter ces services innovants.
Scott Burns, doctorant Mercatus et enseignant d’économie à l’Université George Mason à Fairfax, en Virginie.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique
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