Agro-business en Côte-d’Ivoire, ma proposition: « Dégelez les comptes des 28 entreprises ! »

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Par André Silver Konan –

Voici ma proposition dans la crise qui secoue le monde de l’agro-business en Côte d’Ivoire. Elle se limite à une phrase: dégelez les comptes des 28 entreprises mises en cause. Je vais expliquer pourquoi.

Avant de développer ma proposition, je tiens à mettre tout le monde à l’aise. Je continue de croire (je peux me tromper), que les entreprises mises en cause, ont mis en place un système Ponzi, qui consiste à payer les anciens souscripteurs avec l’argent des nouveaux.

Je suis planteur et par expérience, je sais qu’il est possible d’investir 2 millions dans un hectare de gombo (la culture à laquelle je m’adonne depuis trois ans) et récolter, selon les saisons, jusqu’à 400% du capital, en cinq mois.

Agro-business: mon expérience

La technique visant à fixer un délai de huit mois aux souscripteurs (en théorie, dans les faits le délai court jusqu’à un an), en vue de leur Retour sur investissement (RSI), permet d’utiliser le capital et le bénéfice, sur une autre production, dans le dos de celui-ci.

De sorte, qu’en dix mois, le capital du souscripteur «travaille» deux fois, et il est possible de le payer, en multipliant son capital, par trois, quatre, cinq. A la fin des deux cycles de culture, le souscripteur ignore que son argent a «travaillé» deux fois et de toutes les façons, il est content parce que sans fournir un seul effort physique, il a vu son capital se fructifier de façon exponentielle.

« L’ÉTAT DOIT PRENDRE LES MESURES SUIVANTES. 1: DÉGELER LES COMPTES; 2: DONNER SIX MOIS À TOUTES LES ENTREPRISES, POUR PAYER LES RSI ; 3: INTERDIRE TOUTE NOUVELLE SOUSCRIPTION ».

Dans les faits, cela est possible avec un petit groupe d’amis qui partagent les idées, les informations sur leurs difficultés (je vous assure qu’il y en a beaucoup dans le monde paysan, par exemple, un cours d’eau présenté comme intarissable, peut tarir quelques mois après l’acquisition du site, réduisant votre investissement à néant, des manœuvres peuvent disparaître avec du matériel, etc), discutent sur les orientations, en fonction des réalités.

Pyramide de Ponzi

Une fois qu’on a des centaines, voire des milliers de souscripteurs, cela n’est plus possible, pour des raisons liées à la pression, aux difficultés de production. Alors l’on prend l’argent des nouveaux pour payer les anciens, en espérant se payer soi-même, dès que les champs (s’ils existent) entrent en production. Mais l’on se rend compte rapidement qu’il n’y a pas assez de champs, pour couvrir les besoins.

Et si vous voyez que les difficultés des entreprises ont commencé entre juin et août 2016, c’est parce que, rappelez-vous, l’année dernière à cette époque, le prix de la tomate est tombé à son niveau le plus bas, depuis plus de dix ans: 100 FCFA le kg. Du coup, tous les investissements dans cette filière, à cette époque, se sont faits, à perte.

Au demeurant, le prétexte selon lequel, les pépinières sont en train de « brûler » à cause du gel des avoirs, est absolument grotesque. Toujours par expérience, je soutiens que c’est faux. Pour une superficie de 1ha, la pépinière tient juste sur 10m2. Même si on a fait une pépinière pour 1 000 ha, la superficie ne peut pas dépasser 1ha.

Serait-ce 1ha de pépinière que des entreprises dont les dirigeants sont des multi-millionnaires (leurs comptes personnels n’ont pas été gelés) ne pourraient pas entretenir ? Soyons sérieux !

Bref, dans la crise qui secoue le secteur, depuis que l’État a (enfin) décidé d’y voir un peu plus clair, je pense qu’il faut sortir des émotions. L’objectif de l’État, je pense, est de protéger les souscripteurs face au système Ponzi.

Il n’empêche, les souscripteurs, dans leur majorité accusent l’État d’immixtion, à défaut de réaction tardive (sur ce point, ils n’ont pas tort). Cela veut sans doute dire que la méthode utilisée par l’Etat n’est pas efficace. L’on ne fait pas le bonheur d’une personne contre son gré.

Mes trois propositions

Quant aux entreprises dont les comptes sont gelés, elles clament à qui veut les entendre, qu’elles auraient tenu leurs engagements si leurs comptes n’étaient pas gelés. Ce qui relève de la mauvaise foi, puisque les difficultés à tenir leurs engagements ont commencé, entre juin-août et le gel des comptes est intervenu en novembre-décembre 2016.

Soit. Pour mettre tout le monde à l’aise et pour que chacun montre sa bonne foi, L’État doit prendre les mesures suivantes.

1: dégeler les comptes des entreprises mises en cause;

2: donner un délai de six mois à toutes les entreprises, pour payer les RSI de leurs souscripteurs ;

3: interdire toute nouvelle souscription.

Des inspecteurs ou contrôleurs (conformément à la loi) auront pour mission de surveiller les mouvements sur les comptes et les souscripteurs se présenteront aux guichets des banques, avec un chèque signé par l’entreprise.

Si après ce délai, les entreprises n’arrivent pas à honorer leurs engagements, il sera loisible aux souscripteurs (et non à l’État) manifestement grugés, de porter plainte contre les entreprises qui les auraient floués.

Dans ces conditions et dans ces conditions seules, l’État aura gagné en crédibilité, en montrant sa bonne foi, à protéger les souscripteurs (actuellement, il apparait comme celui qui vient « gâter un mangement »). Les entreprises auront montré leur bonne foi, en prouvant qu’elles ne prenaient pas l’argent des nouveaux, pour payer les anciens. Les souscripteurs seraient rentrés dans leur fonds.

Très souvent, en Afrique, je ne comprends pas pourquoi on fait compliqué, ce qui est pourtant simple. A moins que, comme cela a été fait pour les entreprises de placement d’argent (j’ai des raisons de croire -je peux me tromper- que les comptes de certaines maisons ont été dégelés en catimini, au grand dam des souscripteurs), il n’y ait quelque agenda caché…

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