Par Edwige Fiendé
Le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (Lidho), Pierre Adjoumani Kouamé, a soutenu que les primes versées aux militaires, après une mutinerie, ne sont pas « prévues dans les accords politiques de Ouagadougou » signés en 2017, contrairement aux explications du gouvernement, dans une interview à Alerte inf.
La Côte d’Ivoire fait face à une grogne dans l’armée, des soldats réclament des primes, quelle analyse faites-vous de la situation ?
La Lidho est inquiète face à cette situation en Côte d’Ivoire, nous avons fait une analyse, nous avons toujours suggéré au gouvernement, pour toutes questions d’intérêt national, d’associer les acteurs majeurs, malheureusement nous n’avons jamais été écoutés. En ce qui concerne les soldats, pour qu’il y ait une confiance, il faut réinstaurer les repas de corps entre la hiérarchie et la base, organiser des rencontres en vue d’écouter la base. Tant qu’il y aura une hiérarchie qui est coupée de la base, il y aura toujours des problèmes. L’approche que le chef de l’Etat a eue ne nous sied pas, pour un problème aussi alarmant, il aurait pu recevoir au palais, les mutins, que d’envoyer un émissaire. Le chef de l’Etat était obligé à son corps défendant d’accepter les désidératas des mutins, aujourd’hui ça nous pose un énorme problème, parce que les autres veulent avoir la même part. Il faut que le gouvernement face diligence pour écouter toutes les parties prenantes, que les conclusions qui vont être arrêtées, soit rendues publique de telle sorte que tout le monde soit pris à témoin.
Vous disiez que le président a accepté à son corps défendant les revendications des mutins, avait-il le choix ?
S’il devait avoir des primes à payer, ça devait se faire de manière concertée. Tel que cela a été fait, on a forcé la main au chef de l’Etat, nous désapprouvons cette manière de faire. On aurait pu trouver d’autres voies de recours que celles choisies par le chef de l’Etat. Donner 12 millions Fcfa à des soldats, n’a pas été une bonne méthode. Nous sommes sûrs que si le chef de l’Etat avait reçu ces mutins au palais présidentiel, les données ne seraient pas les mêmes aujourd’hui, il y a eu une défaillance au niveau de l’exécutif. Sortir cinq millions Fcfa des caisses de l’Etat aujourd’hui, le problème de la bonne gouvernance se pose. Dans le budget qui a été voté, il n’y a pas une ligne budgétaire qui dit qu’on doit payer les mutins. D’où sort l’argent ? Voilà des questions. Nous voulons que l’exécutif nous dise d’où est sorti l’argent. Même si on devait les payer, on pouvait échelonner cela sur plusieurs années, on ne sentirait pas toute cette vague de mécontentement. Nous sommes ahuris de constater que ces personnes s’exhibent avec cette somme sur les réseaux sociaux, ce n’est pas une belle image de la Côte d’Ivoire, nous ne sommes pas pour cette méthode de résolution des problèmes. Si on veut trouver des solutions à la va-vite, les problèmes demeureront. Je ne le souhaite pas mais vous allez voir que d’autres corps vont se soulever.
Selon le gouvernement, les dispositions de l’accord politique de Ouagadougou prévoyaient à l’époque, la prise en charge de ces soldats par le budget de l’Etat…
Nulle part cela n’a été prévu par les accords de Ouagadougou, peut être que ce sont des accords secrets, qui sont différents de ceux que nous connaissons. Ce que nous savons, on devait de part et d’autres prendre des hommes des ex-FDS et des ex-FAFN, pour composer une armée homogène, pour sécuriser le processus électoral. Nulle part nous n’avons vu qu’on devait payer des sommes à des soldats. Nous sommes ahuris de constater qu’aujourd’hui on nous parle d’accord de Ouagadougou.
Depuis quelques temps, Bouaké est toujours le point de départ des soulèvements, qu’est-ce qui justifie cela ?
Bouaké se dit autonome, les soldats se sont sentis autonomes pendant plus de dix ans, donc ils ont toujours les anciens réflexes de revendiquer par la force. Si le chef de l’Etat les avait sorti de leur tanière, je ne crois pas que cette situation aurait perduré. Etant dans leur fief, ils se disent forts. Ce sont des choses qu’il faut revoir.
Quelles sont vos propositions pour une gestion durable de cette grogne ?
On ne peut pas avoir une solution magique, elle doit venir de nous tous. Nous avons une approche inclusive, participative, donc la concertation. S’il doit avoir une solution, ça doit venir de tout le monde. Il faut former les Forces de défense et de sécurité au civisme, droit humain, et maintien de l’ordre. C’est important, il faut saluer le fait qu’aucun soldat n’a tiré sur la population lors de la mutinerie.
EFI
Alerte info/Connectionivoirienne.net
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