Par Connectionivoirienne
Il y a eu des législatives en 2011. Ce 18 décembre 2016, les électeurs ivoiriens ont été invités à choisir leurs députés, c’est-à-dire leurs représentants à l’Assemblée nationale. Une sorte de vote de confiance pour les 255 sortants dont l’écrasante majorité était en lice.
Les résultats officiels sont attendus. Toutefois un constat se dégage après ce rendez-vous entre candidats et électeurs. En attendant la Cei, un faible taux de participation a été constaté un peu partout y compris dans le nord du pays, fief du chef de l’Etat. Au sud du pays, les premières tendances font apparaître des taux oscillant entre 4 et 25 %. A Abidjan, ce fut une vraie sécheresse à travers les dix communes. A Yopougon, ancien fief pro-Gbagbo, des bureaux de vote ont enregistré entre 3 et 5 % de taux de participation. Abobo, le fief de Ouattara n’a pas fait mieux. Les bureaux ont cherché des électeurs. Idem à Cocody lieu de résidence du chef de l’Etat. Les agents électoraux ont donc eu la tâche facile car ils n’avaient pas de gros chiffres à manipuler.
Des Ivoiriens que nous avons interrogés n’ont pas hésité à exprimer les raisons de leur défection. « Moi, ceux qui se présentent à Yopougn, je ne les connais même pas », lâche une dame qui passait devant un centre de vote dans le quartier Niangon sud. Un jeune homme qui passait aussi par-là s’étonne à son tour : « Ah donc, il y avait une élection aujourd’hui ? » Les réactions sont cependant contrastées. Mais il en ressort que ceux qui prennent le courage de s’exprimer relatent leur dégoût pour la politique. « Moi je ne suis pas dans leur affaire de politique. Ils sont tous les mêmes. En 2010 on a voté ici, on a eu la guerre. Moi je ne vais plus jamais voter. Ceux qui sont au pouvoir n’ont qu’à faire ce qu’ils veulent, quand ils seront fatigués, ils vont partir », se désole un adulte, la quarantaine révolue. Cette désaffection de la chose politique s’est démontrée dans les urnes où entre 15 et 40 électeurs sur une moyenne de 400 électeurs par bureau de vote ont pu faire le déplacement. Les Ivoiriens auraient-ils choisi la résignation ?
Selon les premières tendances, dans des communes fortement étiquetées de par leurs habitudes électorales, les militants du pouvoir avaient grand intérêt à se déplacer pour maintenir leur position du moment. C’est le cas de Yopougon où ceux du Rhdp étaient concernés par cette élection pour conserver cette commune réputée pro-Gbagbo. Mais les candidats n’ont pas fait mieux en termes de mobilisation de leurs électeurs. Si en 2011, ils n’avaient pas hésité à répondre à l’appel de leur parti, le Rdr ou le Pdci, cette année, ils ont traîné les pieds. Il n’est pas sûr qu’ils aient mobilisé plus de 3 électeurs sur 10. Que s’est-il passé ?
« Ici c’est une élection locale et il faut que les électeurs se reconnaissent dans les candidats en présence. Concernant ceux du pouvoir, je pense que la situation économique qui ne s’est guère améliorée est un facteur de démotivation. Les militants préfèrent s’abstenir et s’occuper d’autres choses si leur vote ne leur permet pas d’améliorer leur situation », observe un analyste politique. « Dans cette grisaille, ceux qui gagnent sont ceux qui auront réussi à séduire et à mobiliser. Ceci expliquera les taux relativement élevés çà et là. Il faut également compter avec les affinités avec le candidat. Dans une élection locale, on vote d’abord le frère, la sœur, l’ami, l’allié, le généreux avant le parti ou l’homme politique », ajoute-t-il.
La question Gbagbo, la pomme de discorde
Cependant, si les électeurs agissent en fonction de leur libre arbitre (boycotter ou participer sans tenir compte d’un mot d’ordre), l’impact de l’appel au boycott d’une partie de l’opposition, les pro-Sangaré notamment, est à prendre en compte. Cet appel, pour les premières tendances disponibles, est favorable au Rhdp et aux indépendants sans étiquettes qui ont posé beaucoup d’actions dans le social. Il a été fatal dans le même temps aux candidats pro-Affi, notamment à Port-Bouët où une grosse pointure comme Gossio a été lâchée. Idem à Yopougon, à Bonoua, à Gagnoa, Ouragahio, Bayota, Guibéroua, Issia, Divo, Daloa, ces anciens fiefs du Fpi de Laurent Gbagbo.
C’est dire que la ligne des « Gbagbo ou rien » du Fpi s’impose encore dans la masse. La relation socio-affective avec un Laurent Gbagbo embastillé à La Haye demeure encore une source de crispation politique. « Tant que Gbagbo sera à La Haye, nous ne participerons à aucune élection ». C’est le message qu’envoient ces populations où des députés par défaut seront élus. La situation de prisonnier de l’ancien président et de ses camarades de lutte ici au pays va pour longtemps être au centre de la controverse entre le pouvoir et l’opposition d’une part et d’autre part, entre pro-Gbagbo eux-mêmes écartelés entre deux tendances antagonistes qui ne se font plus de cadeau. Quoi qu’on dise, l’ombre de Gbagbo a encore plané sur les élections du 18 décembre.
La CEI, toujours le talon d’Achille
La commission électorale dite indépendante, dominée par les représentants du pouvoir a démontré plus d’une fois son manque d’expertise et de professionnalisme manipulant à souhait une loi électorale taillée sur mesure et inadaptée au contexte politique et technologique actuel. La Cei est incapable de donner des tendances dès la fermeture des bureaux de vote, préférant attendre plus de 72 heures avant de livrer des résultats. Tout cela ne rassure guère de même que l’inamovibilité de fait de son président Youssouf Bakayoko en violation des textes. Notons que la Cour africaine des droits l’homme et des peuples a délivré un arrêt le mois dernier qui met en exergue la partialité de l’institution en faveur du pouvoir.
SD à Abidjan
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