Les élections législatives se tiendront ce dimanche 18 décembre en Côte d’Ivoire. Le pays a connu un certain nombre de consultations électorales depuis deux ans et demi, mais cette fois-ci, le suspense est réel, étant donné le nombre de candidats – près de 1 300 – et les divisions intestines des partis.
Pour la présidentielle de 2015 et pour le référendum constitutionnel d’octobre dernier, il n’y avait pas vraiment de gros doute sur l’issue de la consultation et la victoire du président Ouattara, ou bien le « oui » à la nouvelle Constitution.
Mais cette fois, les cartes sont un peu rebattues pour élire les 255 députés de l’Assemblée nationale. Un scrutin particulier car uninominal à un seul tour. Le candidat arrivé en tête dimanche remportera le siège de député pour peu qu’il sorte avec le plus gros score, quand bien même celui-ci serait de 20 % ou 30 % des suffrages.
Et ce qui fait le sel de cette élection, c’est que contrairement à 2011, l’opposition ne boycottera pas ces législatives, ce qui devrait modifier un peu, voire beaucoup, la donne au Parlement. La partie promet donc d’être disputée pour ces élections législatives, d’autant plus disputée que la Commission électorale a validé plus de 1 300 candidatures toutes étiquettes confondues.
Des candidats indépendants pour assurer la pluralité
Si la coalition Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) du président Ouattara part grandissime favorite avec 248 candidats, il n’est pas certain qu’en chemin, elle ne se prenne pas les pieds dans le tapis.
En effet, cette machine à gagner les scrutins, voulue par le chef de l’Etat et regroupant cinq partis de la majorité, ne satisfait pas. Loin s’en faut même pour bon nombre de militants et de cadres politiques, qui prétextent que s’ils se pliaient à la discipline du parti du candidat unique, ils y perdraient leur identité et leur électorat local.
D’où le grand nombre de candidats indépendants, souvent des députés sortants mais non réinvestis qui se sont promis de contrecarrer la stratégie d’un parti unique que tente d’imposer Alassane Ouattara et son allié, l’ex-président Bédié.
Le FPI divisé
De plus, deux des partis de la coalition, l’UPCI et l’UDPCI, ont fait scission, refusant le peu de postes qu’on leur proposait au moment des investitures. Ils ont donc quitté le navire. Ou plutôt, on leur a montré la porte, celle de la sortie du gouvernement.
Bref, on constate que cela grogne dans les rangs de la majorité parlementaire, ce qui devrait permettre à l’opposition FPI de l’ex-président Gbagbo de tirer son épingle du jeu, même s’il paraît peu probable qu’elle remporte la majorité à l’Assemblée.
D’autant moins qu’elle a elle-même en interne ses propres problèmes à régler avec deux blocs : celui de Pascal Affi Nguessan, dont les membres veulent participer aux élections, et celui qui veut le maintien du boycott de tous les scrutins, bloc emmené par Aboudramane Sangaré, compagnon de route de Laurent et Simone Gbagbo.
C’est ainsi que l’on va assister à certains matches cruciaux dans certaines circonscriptions. L’un des plus emblématiques se déroulera à Abidjan, dans la circonscription de Cocody, où la ministre Affoussiata Bamba Lamine a été parachutée au titre du RHDP.
Objectif de ce parachutage : tenter de déloger la députée sortante Yasmina Ouegnin, considérée dans son parti du PDCI comme une frondeuse qui n’a pas obtenu de réinvestiture. Il y aura donc une belle bataille avec, parmi les arbitres, le FPI Issiaka Sangaré, qui n’est autre que le frère d’Aboudramane Sangaré.
Attentes d’un renouvellement du paysage politique
De même, on observera avec attention le score du Premier ministre Daniel Kablan Duncan, qui se présentera pour la première fois à la députation à Grand-Bassam. Et puis, il y a aussi Maurice Guikahue, du RHDP, qui se présentera à Gagnoa, en pleine terre acquise à Laurent Gbagbo et au FPI.
Enfin, on scrutera avec attention le score de la majorité dans l’ouest qui risque d’être secouée par la scission de l’UDPCI du ministre limogé Albert Mabri Toikeuse.
Du résultat de cette élection dépend aussi la structure du futur gouvernement Ouattara. Ce sera l’épilogue de ce scrutin, dont les perdants – s’il y en a – pourraient voir partir plus qu’un poste de députés ; à savoir, peut-être aussi, leur place dans le futur gouvernement.
Ce futur gouvernement, beaucoup l’espèrent rajeuni. Certains ministres sont en effet en poste depuis plus de quinze ans. C’est-à-dire que certains ministres ont été plus longtemps aux affaires que Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara réunis.
Et puis, le pays attend aussi de savoir qui seront les futurs occupants des postes-clés que sont la vice-présidence, les présidences de l’Assemblée nationale et du futur Sénat – qui sera peut-être créée à l’issue des municipales de mars prochain. On n’a pas fini de voter en Côte d’Ivoire.
Frédéric Garat
RFI
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