Reportage: Des prisonniers politiques «torturés jusqu’aux aveux» en Côte-d’Ivoire

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Photo : Radio-Canada

Reportage de Sophie Langlois Source: Radio-canada.ca

Amnistie internationale dénonce une justice du vainqueur et la torture de prisonniers politiques en Côte d’Ivoire, où se tiendront les Jeux de la Francophonie l’été prochain.

Après 10 ans de crise aux allures de guerre civile, les Ivoiriens sont allés aux urnes en novembre 2010 avec l’espoir que leur vote amènerait la paix.

Ces élections présidentielles, très serrées, ont plutôt entraîné des violences qui ont fait officiellement 3000 morts et laissé un profond traumatisme collectif.

En avril 2011, des forces rebelles qui appuient Alassane Ouattara, le candidat déclaré gagnant par l’ONU, prennent d’assaut la ville d’Abidjan. Elles capturent le président sortant, Laurent Gbagbo, avec l’aide des forces françaises et onusiennes.

La crise est terminée, la purge commence.

Dans les mois qui suivent, des partisans du président défait sont pourchassés, battus, forcés à l’exil ou emprisonnés sans accusations. Selon Amnistie internationale, 228 prisonniers auraient disparu, et 241 autres demeurent aujourd’hui incarcérés, dans des conditions troublantes.

Enfermés dans une chambre froide

« Ils sont torturés », affirme Nathalie Kouakou, présidente de la section ivoirienne d’Amnistie internationale. « Ils peuvent passer 24 heures dans la chambre froide. Après, on les met en plein soleil. C’est cette forme de torture où ils sont frappés. Ils ne mangent pas. Bon… parce qu’il faut des aveux. »

Nathalie Kouakou se bat depuis cinq ans pour que les Ivoiriens n’aient plus jamais à vivre les horreurs de la guerre de 2011. Pour que les responsables des violences postélectorales, dans les deux camps, soient soumis à la justice.

Il y a une justice du vainqueur. On attend toujours que des combattants du camp du président Ouattara soient accusés. Jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune poursuite contre eux.

« La justice est indépendante », selon Ouattara

« Nous sommes totalement opposés à emprisonner des personnes pour leur opinion politique, mais si le militant d’un parti se met en groupe avec des militaires pour attaquer un camp, ce n’est plus une personne politique, c’est un déstabilisateur. » (Alassane Ouattara, président ivoirien )

Quand des forces rebelles, qui appuyaient Alassane Ouattara, ont conquis l’ouest du pays en mars 2011, des massacres ont été commis. Mais aucun des combattants des forces rebelles n’a encore été poursuivi pour ces meurtres.

« Je signale que la justice a son rythme. En France, aux États-Unis et même à La Haye, des procès peuvent durer 10 ou 15 ans », souligne le président Ouattara.

La lenteur des procès n’est toutefois pas le problème. C’est plutôt l’absence de procès contre des partisans d’Alassane Ouattara qui est décriée.

« Toutes ces personnes qui ont été massacrées, leurs familles vivent. Il y a beaucoup de rancoeur à l’ouest sur cette question », rappelle Nathalie Kouakou.

L’Ouest est toujours une bombe pour la Côte d’Ivoire. Il faut que cette question soit réglée, il faut que la justice soit égale pour tout le monde.,  (Nathalie Kouakou d’Amnistie internationale )

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