Nathalie Yamb | LIDER | 20 novembre 2016
«Quel est le bilan de untel ou unetelle en tant que député(e) dans sa commune?» J’ai souvent lu cette question dans une des nombreuses publications sur les législatives sur les réseaux sociaux et cela m’a fait sourire d’une part et hausser les sourcils de l’autre.
Cela dénote en effet une sérieuse méconnaissance du rôle de député(e).
Le rôle du/de la député(e), qui est élu(e) dans une circonscription, mais devient national(e) dès sa prise de fonction, consiste à 1) contrôler le gouvernement 2) amender, discuter, débattre, voter les textes et lois envoyés par le gouvernement 3) proposer des lois 4) rendre compte aux populations.
Le/la député(e) n’a donc pas à «faire quelque chose pour sa commune». Il/elle doit contrôler l’exécutif pour le compte du peuple de Côte d’Ivoire, qu’il soit dans sa circonscription ou ailleurs.
Celui ou celle qui veut faire quelque chose pour sa commune devrait donc plutôt s’orienter vers une candidature aux municipales.
Quand on veut faire le bilan d’un(e) député(e), ce qu’il faut regarder, ce n’est pas le nombre de dons, d’actions caritatives, de cocktails organisés ou de jolies photos faites avec les populations, mais plutôt :
– Quelle a été sa présence (assiduité) à l’Assemblée nationale ?
– Quels amendements a-t-il/elle apporté aux lois et textes présentés, soit en commission, soit en plénière ?
– Comment a-t-il/elle contrôlé le gouvernement ?
– Combien de fois a-t-il/elle rendu compte aux populations ? Combien de rapports ont été publiés à cet effet ? Combien d’interventions dans les médias ont eu lieu à cet effet?
– Combien de lois ont été adoptées pendant la législature et quelle a été la contribution du/de la député(e) pour ou contre chacune d’elle (amendement, adoption etc.)
Ainsi, celui ou celle qui veut vraiment aider un(e) candidat(e) sortant(e) à se faire réélire devrait donc communiquer sur des points précis:
1. Republier les liens de tous les rapports faits par le/la député(e) au cours de la législature qui s’achève
2. Republier les liens de toutes les interventions médiatiques du/de la deputé(e) relative au travail effectué au sein de l’hémicycle
3. Énumérer les lois et texte envoyés par le gouvernement à l’AN pendant la législature et mettre en face de chacun les amendements proposés par le/la député(e) ainsi que sa position finale lors du vote desdits lois et textes.
4. Énumérer le nombre de travaux en commissions qui se sont tenus et mettre en face les heures de présence du/de la député(e) à chacun d’entre eux.
5. Énumérer le nombre de travaux les travaux en plénière qui se sont tenus et mettre en face les heures de présence du/de la député(e) à chacun d’entre eux.
6. Rappeler les lois proposées par le/la député(e) lors de la législature.
Ce dernier point est certes difficile à mettre en œuvre avec les constitutions qui se succèdent depuis 1960 en Côte d’Ivoire. En effet, obligation est faite au/à la député(e) qui propose la loi de trouver les moyens de la financer. Or, en régime présidentiel, la clé de la caisse est dans la poche du gouvernement. Si la loi proposée n’arrange pas le président de la République, elle échouera sur cette conditionnalité. D’où le plaidoyer de LIDER pour le régime parlementaire.
Une concordance d’intérêts entre les députés (de tous bords) et le gouvernement peut cependant entraîner l’adoption d’une loi proposée par l’hémicycle. Cela a eu lieu une fois durant la législature 2001-2011 et concernait la loi portant création de la zone franche de la biotechnologie et des technologies de l’information de Bassam. Depuis lors, aucune loi proposée par un député(e) n’a été adoptée.
Cela n’empêche pas un/une député(e) de faire des propositions et de susciter des débats, ne serait-ce que pour faire connaître les idées qu’il/elle porte ou mettre au centre du débat parlementaire les préoccupations exprimées par les populations.
C’est lorsque toutes ces données lui seront accessibles que l’électeur pourra, en toute connaissance de cause, faire un choix éclairé, basé sur du concret et non sur des critères tribaux, pécuniaires ou du buzz autour d’une action isolée, qui ne fait pas un bon bilan, car, comme le dit le proverbe : une hirondelle ne fait pas le printemps.
En conclusion, si quelqu’un vient faire campagne chez vous en promettant la construction d’écoles, de maternités ou de routes, dites-lui clairement qu’il/elle est un menteur/une menteuse et un(e) démagogue et rayez-le/la rapidement de liste de ceux/celles à qui vous envisagez de donner votre suffrage. Les processus électoraux et démocratiques se renforceront d’autant plus que rapidement et solidement que les populations seront instruites et avisées.
Nathalie Yamb est la Conseillère Exécutive du Prof. Mamadou Koulibaly, Président de LIDER
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