Quand, par décret n°96-205 du 7 mars 1996, le Président Henri Konan Bédié instituait, dans le contexte que l’on sait, le 15 novembre de chaque année, journée nationale de la paix en Côte d’Ivoire, l’observateur attentif de la scène politique ivoirienne ne pouvait que saluer la pertinence et la justesse d’une telle décision. En effet, nous nous trouvions aux lendemains des premiers véritables soubresauts de l’ère après Houphouët Boigny, soubresauts consécutifs au boycott actif de triste mémoire ayant occasionné officiellement une trentaine de morts. Dédier à ce moment-là, une journée, à l’instar de celle du 21 septembre instituée par les nations unies à l’échelon internationale, pour, le pensions-nous, le renforcement des idéaux de paix au sein de la nation et des peuples, ainsi que dans leurs relations, ne pouvait qu’être porteur d’espoir pour une Côte d’Ivoire plus paisible.
Sauf que, vingt ans après, alors que cette mesure a scrupuleusement été observée chaque année,le bilan n’est que des plus sombres eten fait, depuis cette date, nous n’avons fait que récolter l’exact contraire de notre attente d’une Côte d’Ivoire plus unie et plus fraternelle. La liste des évènements attentatoires à la paix sociale n’est qu’impressionnante. Citons-en juste quelques-uns parmi les plus tragiques :
• 24 décembre 1999, coup d’Etat: constitution et institutions dissoutes, que de traumatismes ;
• 26 octobre 2000, crise postélectorale,affrontements fratricides, 300 morts ;
• 19 septembre 2002, coup d’Etat manqué, plusieurs morts ;
• 19 novembre 2002 –décembre 2010, rébellion armée ; pays coupé en deux, bilan macabre inconnu à ce jour ;
• Décembre 2010 – mai 2011, crise postélectorale, 3000 morts, des centaines de milliers d’exilés et de déplacés internes;
• Mai 2011 – à ce jour, des dizaines de milliers d’exilés, des centaines de prisonniers politiques, populations divisées, grogne générale ;
• etc.
Moralité
‘’La paix n’est pas un vain mot, c’est un comportement’’.Cette citation bien connue des ivoiriens n’a jamais eu autant de sens que ces 20 dernières années. Elle enseigne que la paix n’advient pas juste parce qu’on la proclame. Elle n’arrive pas juste parce qu’on se retrouve une fois par an dans un coin du pays pour célébrer en grande pompe quelques amis dans une foire de dissertation et de belles poésies à l’honneur de la paix. La paix, la vraie, est le produit de deux facteurs paires: la volonté et l’action, la parole et l’acte.Elle exige en outre, une attitude et un comportement conséquents, non des seuls citoyens comme semblent l’indiquer les adresses presque toujours accusatrices à leur intention, mais aussi et surtout, des gouvernants. Ainsi, s’il est du devoir de chaque habitant de veiller à préserver un climat de paix autour de lui, c’est la responsabilité première des gouvernants d’assurer, à travers une politique intelligente et avisée, la paix et la stabilité sociale au pays et au peuple.
En réalité, gouvernance, paix et stabilité sociale sont des questions interdépendantes et indivisibles. Il n’y a pas de paix et de stabilité sociale là où il n’y a pas de bonne gouvernance. Inversement, il ne peut avoir de bonne gouvernance sans la paix et la stabilité sociale. Or,la bonne gouvernance elle-même, suppose le respect d’un certain nombre de principe dont quelques-uns me paraissent fondamentaux en matière de paix, notamment :
♦Système participatif : Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer sur la prise de décision, ils doivent pouvoir le faire en utilisant toutes les voies légales et démocratiques d’usage. Cela s’appelle la liberté d’expression ;
♦Etat de droit : La loi et les droits, doivent être équitables et appliqués en toute impartialité. Les institutions et les procédures en place doivent être au service de tous ;
♦Equité : Il s’agit de donner à chaque citoyen, des chances égales d’épanouissement et de bien-être ;
♦Recherche du consensus : La bonne gouvernance impose de concilier des intérêts divergents pour parvenir à un large consensus dans l’intérêt supérieur de tous.
Touteschoses qui sont hélas, loin de constituer les points forts de la gouvernance sous nos tropiques.
Quand dans un système,la voix de la différence est étouffée, la contestation est systématiquement réprimée et les acteurs arrêtés, violentés et humiliés devant les caméras du monde entier, on est loin des nobles valeurs démocratiques de la liberté d’expression et participatives de la bonne gouvernance.
Quand dans un système, la justice est appliquée de façon sélective, selon qu’on appartient au camp des vainqueurs ou des vaincus, les institutions toutes monocolores sont au service d’une seule personne, on est partout, sauf dans un Etat de droit.
Quand dans un système, les chances de promotion et de bien être dépendent de l’appartenance ethnique, régionale et de la filiation, on est simplement dans le tribalisme et le népotisme, deux vieux maux dont la nocivité sur la paix sociale n’est plus à démontrer.
Quand dans un système, l’on célèbre la pensée unique, les décisions sont prises de façon autoritaire et unilatérale sans le moindre souci du consensus et, bien souvent même, en totale violation de la loi, on n’est pas très loin de l’autocratie, ce régime politique aux antipodes de la démocratie et donc de la bonne gouvernance, où le souverain tire son pouvoir et sa légitimité de lui-même.
‘’La paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement’’.
Aux mots, faisons suivre des actes conséquents, à la volonté, joignons des actions concrètes et sincères, et j’ajoute, faisons-le sans ruse, sans orgueil ni arrogance car, parce que nul ne peut être assez fort pour demeurer toujours le plus fort, c’est quand on est ‘’fort’’ qu’il convient, par sagesse, de préparer la paix. Il y va de l’intérêt de tous.
Telle est ma compréhension de la célèbre citation de l’apôtre de la paix, tel est le rappel que nous fait Felix Houphouët Boigny, en ce 20ème anniversaire de la journée nationale de la paix en Côte d’Ivoire.
Dieu bénisse la Côte d’Ivoire !
Fait à Abidjan, le 15 novembre 2016
Konan Kouadio Siméon(KKS)
Président d’Initiatives Pour la Paix (IPP)
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