Pourquoi l’opposition en Côte-d’Ivoire ne doit pas se tromper de combat au risque de créer de faux Martyrs

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PRAO Yao Séraphin
« En considérant des détails de peu d’importance, nous arrivons à négliger les généralités essentielles »

(Edgar Allan Poe)

Le mardi, 1er novembre 2016, la commission Electorale Indépendante (CEI) a donné les résultats officiels du referendum sous l’ère Ouattara. Sur 2 678 601 électeurs, 2 480 287 ont opté pour le ‘’oui’’ soit 93,42 %, 174 714 soit 6,58% ont dit ‘’non’’ à ce nouveau texte. Il y a eu 15 234 bulletins nuls et 8366 votes blancs. Le taux de participation est de 42,42%. Face à cette mascarade électorale, les démocrates ivoiriens, très remontés, attendent la conduite à tenir. Je voudrais modestement donner ici mon sentiment sur cette nouvelle situation. Nous rappellerons le sens de ce fort taux d’abstention. Puis, le combat à ne pas mener et le chemin à suivre.
La démocratie s’accommode de l’instauration d’un système électoral inclusif et crédible

Commençons par donner une définition à l’abstention. Elle consiste à ne pas participer à une élection ou à des opérations de référendum. Elle traduit soit un désintérêt total pour la vie publique, soit un choix politique actif consistant à ne pas se prononcer afin de montrer son désaccord. Ainsi, à l’occasion de ce référendum sur la nouvelle constitution, les partis d’opposition ont appelé leurs partisans à s’abstenir pour s’opposer au texte. Néanmoins, l’abstention semble traduire une crise de la représentation et peut poser la question de la légitimité des résultats de ce referendum avec une faible participation. Or, le succès du mécanisme électoral réside en ce que l’authenticité des résultats de scrutin a été très rarement mise en doute. Mais une fois qu’on a dit cela, il faut se projeter dans l’avenir. Peut-on aujourd’hui amener le régime à retirer ce projet ?
Dans l’absolu, une élection ne peut pas être invalidée par un fort taux d’abstention ou bien même par un nombre élevé de bulletins blancs. Une élection peut être invalidée lorsque le vainqueur de celle-ci se voit poursuivre pour irrégularité pendant la campagne ou le jour du vote. On peut aussi invalider une élection dans le cas où l’un des candidats est accusé d’avoir utilisé des modes de fonctionnement occultes à des fins électorale. Ce qui nous reste, c’est de compter sur le bon sens du Président Ouattara. Au nom de la morale politique, il devait écouter la voix du peuple pour retirer son projet. Au nom du sens démocratique dont il se réclame, il a l’occasion de rentrer dans l’histoire. Mais soyons lucides. Théognis de Mégare nous enseigne que « le passé ne peut se rappeler : mais gardons-nous de l’avenir : il doit occuper seul toute notre attention». En 2011, pendant que les Ivoiriens saignaient de l’intérieur, cela n’a pas empêché le régime de narguer les Ivoiriens. En 2015, sans surprise, il a été réélu pour un second mandat de cinq ans avec 83,66 % des voix et le taux de participation était de 54,63 %. Là encore, le vrai taux de participation ne dépassait pas les 20%. Aujourd’hui encore, ils annoncent un taux de participation de 42,42% alors que le monde entier sait que le vrai taux ne dépasse pas les 10%. Nous n’avons pas les moyens d’obliger le Président Ouattara à retirer son projet. Seule la morale politique peut le contraindre à revoir sa copie. La seule bataille qui s’impose à nous est celle de Commission Electorale Indépendante (CEI).

Notre seule cible reste la CEI de Bakayoko

Nous pouvons appeler le peuple à manifester pour le retrait, c’est notre droit. Mais de grâce, ne créons pas de faux martyrs car c’est un faux combat. Même si les textes conditionnaient la validation de ce referendum au taux de participation de 50%, le magicien Bakayoko n’allait pas se faire prier pour manipuler les chiffres. Finalement, on doit s’attaquer à la « fièvre et non au thermomètre ». Le plus court chemin vers la guérison de notre pays, c’est la démission de monsieur Bakayoko et la création d’une nouvelle CEI. Si on ne réclame sa tête, toute candidature d’opposant aux futures élections serait une marque de traitrise. La clé du projet lugubre du régime a pour unique serrure, la CEI. C’est à cette serrure qu’il faut s’en prendre. Le Président de la CEI a décidé de ramener les Ivoiriens dans les ténèbres. Toutes les marches, les sit-in doivent avoir pour unique objet la décapitation de la CEI. Elle manque de crédibilité. Si on ne perçoit pas la suite du combat de ce côté et qu’on pense faire plier le régime sur son « OUI », on n’aura rien compris de la politique. On engagera un faux combat qui va créer sans doute des faux martyrs.

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