Prao Yao Séraphin
« La liberté n’est rien d’autre qu’une chance de devenir meilleur »
(Albert Camus)
La situation actuelle de la Côte d’Ivoire est le résultat du combat de nos pères. Il est admis que l’état d’avancement d’un peuple dépend de sa capacité à se débrouiller tout seul. La vie politique de notre pays est rythmée par des immixtions étrangères qui dépendent en grande partie des options prises dans les années 50.
Les livres nous ont appris que les pères des indépendances en Afrique, étaient les premiers Présidents. Mais si on s’en tient à la définition de l’indépendance, alors il n’est pas vérifier que les premiers présidents soient les pères de l’indépendance. On peut définir l’indépendance comme la qualité ou la condition d’être indépendant, c’est-à-dire, être autonome et ne pas dépendre des autres. La notion d’indépendance peut également désigner tout État ne dépendant pas d’un autre. Le concept est souvent associé à la liberté. Quant à la notion de père, ce terme vient du Latin Pater, celui qui a fondé quelque chose. Avec ces définitions, on perçoit que, formellement, les États africains ont accédé à la souveraineté internationale en 1960, mais ce changement juridique n’a pas signifié la fin de la colonisation, c’est à dire d’une exploitation économique doublée d’une soumission à une autre culture. Parlant des premiers présidents, Julius Nyereré disait régulièrement que « nous nous sommes battus pour avoir notre drapeau et notre hymne national mais nous étions conscients que ce ne serait pas suffisant, qu’il nous faudrait aller plus loin si nous voulions construire une véritable nation indépendante ». Dans les lignes qui suivent, nous défendons la position suivante. Lorsqu’il s’agira d’écrire l’Histoire véritable de notre pays, nos enfants doivent retenir que le vrai père de l’Indépendance de notre pays, c’est bien Laurent Gbagbo. Pour ce faire, nous commençons par retracer les postures et propos qui valident la thèse selon laquelle le Président Félix Houphouet Boigny (FHB) ne voulait pas de l’indépendance mais elle s’est imposée à lui comme une obligation. La suite de la démonstration se focalise sur le combat de Laurent Gbagbo pour l’émancipation des Ivoiriens et des Africains en général.
L’indépendance était un cadeau surprise de la France au président Houphouët
Le Président Felix Houphouët Boigny a accepté l’idée de l’indépendance de la Côte d’Ivoire malgré lui. FHB voulait gouverner son pays dans le cadre de la loi cadre de Gaston Defferre de 1956. En effet, cette loi transforme en profondeur la façon de gouverner les colonies françaises d’Afrique, modifie les pratiques électorales et amorce l’africanisation des cadres politiques. Mais déjà, les illustres personnages, à l’instar de Senghor ne voulait pas de cette loi. Refusant la loi cadre, le président Senghor, dresse un réquisitoire contre le texte en ces termes : le gouvernement et sa majorité se sont réservés les pouvoirs réels, même ceux qui, dans un Etat fédéral, ressortissent aux autorités locales, et ne nous ont laissé que les joujoux et les sucettes. Or nous ne sommes plus les grands enfants qu’on s’est plu à voir en nous, et c’est pourquoi les joujoux et les sucettes ne nous intéressent pas ». Au sein du RDA, FHB demeurait totalement hostile à l’idée d’exécutif fédéral des Senghor et milite en faveur d’une fédération associant directement et sans intermédiaire chacun des territoires pris individuellement à la France. Il refuse par ailleurs toute perspective d’indépendance, du moins dans un avenir proche. Il est vrai qu’à cette époque, c’était, en effet, de Dakar, capitale fédérale relativement proche, beaucoup plus que de Paris, que s’exerçait alors le pouvoir sur les territoires. Cette volonté de liberté avait déjà envahi d’autres leaders dont le ghanéen, Kwame Nkrumah. Le Ghana, une ancienne colonie britannique connue sous le nom de « Gold Coast » (Côte-de-l’or), proclame officiellement son indépendance le 6 mars 1957. Il s’agit d’une première pour un pays de l’Afrique noire. A son ami Nkrumah, après l’indépendance du pays, FHB dit ceci : votre expérience est fort séduisante. Mais, en raison des rapports humains qu’entretiennent entre eux les français et africains, et compte tenu de l’impératif du siècle, l’indépendance des peuples, nous avons estimé qu’il était peut-être intéressant de tenter une expérience différente de la vôtre et unique en son genre, celle d’une communauté franco-africaine à base d’égalité et de fraternité. L’intérêt bien compris de la France, mais surtout son sens aigu de l’humain, l’ont amené à rechercher activement et sincèrement avec nous la réalisation de la communauté nouvelle. A sa loyauté et à son comportement humain, nous avons estimé devoir répondre par un geste identique, persuadés, comme vous l’êtes de la vôtre, que notre expérience sera fructueuse. Je donne rendez-vous dans dix ans à notre frère Nkrumah ». Moins d’un an après, le 16 mars 1958, le président du sénat français, Gaston Monnerville, est venu à Abidjan, pour inaugurer le pont Houphouët Boigny. Le Président FHB voulait profiter de la France et demander son indépendance, une fois le pays aurait amorcé un véritable décollage économique. Mais ce qu’il a oublié, c’est que la France n’a pas d’amis, elle a ses intérêts à défendre. L’indépendance de la Côte d’Ivoire va commencer avec le projet de la cinquième république. Alors que Felix Houphouët Boigny, Pierre Pflimlin, Guy mollet et Louis Jacquinot, réunis en comité interministériel, ont été chargés de l’examen préalable de l’avant-projet de Constitution établi par le gouvernement, les élus africains se penchent sur leur sort. Pour harmoniser les positions africaines, FHB propose une réunion de tous les élus africains, à Paris. La réunion a lieu, salle Colbert, au Palais Bourbon, le 18 juillet 1958. Pendant que Sékou Touré et Modibo Keita préconisaient que la constitution prévoie le droit à l’indépendance, FHB ne voulait pas de cette solution. FHB qui pensait que le général De Gaule allait s’en prendre aux dignes leaders africains indépendantistes, donne au contraire l’ordre d’ « arranger leurs souhaits dans le texte ». En effet, en demandant aux territoires de choisir entre l’indépendance et le maintien dans la Communauté, l’Union française échouait. Malgré la tournée africaine du Général de Gaule, pour le « Oui », le « Non » triomphe en Guinée où Sékou Touré disait ceci « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage ». A la fin des années 50, FHB se sent seul dans sa volonté de dépendre de la France. Critiqué de toute part, FHB se décide malgré lui à accepter l’indépendance. En privé, il se lamentait en ces termes « On nous vouerait aux abîmes qu’on ne ferait pas mieux. On comptera sur les doigts d’une main les pays qui sauront mériter le manteau de la souveraineté ». Pour lui, sa volonté de rester sous la férule de la France a été repoussée par cette dernière. Voici ce qu’il disait « J’avais attendu en vain sur le parvis de la Communauté avec les fleurs fanées. Il ne me restait plus qu’à replier sur mon propre pays ma générosité perdue ». Finalement, le 11 juillet 1960, à la demande de FHB, les accords de transfert » conduisant à l’indépendance des quatre pays du Conseil de l’entente (Côte d’Ivoire, Dahomey, la Haute Volta, le Niger) sont signés à Paris. La Côte d’Ivoire fêtera le 7 août 1960 son indépendance non voulue.
L’indépendance réelle sera acquise avec les idées de Laurent Gbagbo
Contrairement à FHB, Le Président Gbagbo pense qu’il faut aller à l’indépendance vraie. Ne pas se contenter de la « case léguée sans chaise ni lit ». Amilcar Lopez Cabral disait que « les colonialistes ont l’habitude de dire qu’ils nous ont fait rentrer dans l’histoire. Nous démontrerons aujourd’hui que ce n’est pas le cas : ils nous ont fait sortir de l’histoire, de notre propre histoire, pour les suivre dans leur train, à la dernière place, dans le train de leur histoire. ». Laurent Gbagbo voulait que les pays africains rentrent dans l’Histoire en commençant par assumer leur indépendance. Il est opposé à la Françafrique, ce système autodégradant qui se recycle dans la criminalisation. Il est naturellement hostile à la démocratie. Or, FHB est le père de la Françafrique. Un système qui agit avec plusieurs acteurs (économiques, militaires et politiques) entre un seul pays, la France et un continent, l’Afrique, le tout dans des réseaux. La Françafrique impose des présidents aux Africains et pille les ressources de notre continent. Elle veut tout contrôler même de simples nominations. Le Président Gbagbo a appris aux Africains à voir dans ce système l’origine de la création d’une chaîne hiérarchisée de relation d’exploitation entre métropole et satellites dans lesquelles la métropole s’approprie tout ou partie du surplus économique créé dans les satellites placés sous son contrôle ; dans cette logique, les grandes puissances manœuvrent toujours en Afrique pour installer leurs amis dociles aux affaires. Le Président Gbagbo voulait que les Africains soient les véritables maîtres de leur destin. Leur Histoire devrait s’écrire avec leurs propres mains et non celles des autres. Pour lui, l’Afrique a le sous-sol le plus fertile et le plus riche de ce monde, elle a le droit de jouir de ses ressources. Accorder des contrats gratuitement à des occidentaux n’est pas souhaitable. Pour lui, les contrats doivent être négociés selon une logique de gagnant-gagnant. Cette quête pour les libertés l’a amené à braver la peur et les humiliations pour arracher le multipartisme aux adeptes du parti unique en Côte d’Ivoire. Au lieu d’attendre que les colons nous donnent un contenu de notre indépendance, il a appelé le peuple à prendre ses responsabilités. D’ailleurs, Karl Marx nous rappelle à juste titre que “les moyens employés par la nation insurgée ne peuvent être mesurés selon les règles reconnues de conduite d’une guerre régulière ni d’après nul autre étalon abstrait mais d’après le degré de civilisation de la nation insurgée ”.
Au regard de la trajectoire de ces deux Hommes, et de la définition de l’indépendance, mes enfants garderont l’image de Laurent Gbagbo comme le Père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire. C’est lui qui a inculqué aux Ivoiriens, l’esprit de combattivité, de sacrifice. Il a enseigné aux Ivoiriens la beauté de vivre sans maîtres, et d’écrire notre Histoire avec nos moyens et nos faiblesses.
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