Côte-d’Ivoire: Souleymane Diallo, la dernière carte brûlante du Parquet contre Simone Gbagbo

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(PAPIER D’ANGLE) Par Manuella Yapi

Souleymane Diallo, le dernier témoin du ministère public au procès pour « crimes contre l’humanité » de l’ex-Première dame ivoirienne Simone Gbagbo, l’accuse d’avoir fait assassiner de nombreuses personnes au sous-quartier « derrière rail » de la commune d’Abobo (nord d’Abidjan). Un témoignage étalé sur deux jours, dans une atmosphère pour le moins tendue.

Imposant de par sa posture, le ton grave de sa voix et la dureté de ses mots, M. Diallo, 58 ans, annonce les couleurs dès les premières minutes de son audition lundi : »Mme Gbagbo a envoyé des gens pour m’assassiner et moi aussi j’ai assassiné ces gars ».

Avec des termes de rue combinés à des phrases en Malinké (ethnie du nord de la Côte d’Ivoire) il explique à la Cour avoir « défendu (son) quartier » au péril de sa vie, contre les attaques d’individus armés dont des « Libériens » envoyés par l’accusée pendant la crise postélectorale.

Selon le témoin, les quelques Ivoiriens qui faisaient partie des combattants avaient à leur tête l’ex-chef des syndicalistes dans le domaine du transport à Abobo, feu Lamine dit « Lamté ».

« C’est Mme Gbagbo qui a envoyé Lamté pour diriger Abobo (…) et tuer », estime Souleymane Diallo qui assure que le syndicaliste lui a « tiré dans (le) dos » après son refus d’une proposition de « six millions FCFA » en échange de sa collaboration.

Menaces de mort

La première journée de comparution de Souleymane Diallo devant la Cour d’Assises pourrait se résumer en deux mots: stupeur et frayeur.

De la stupeur en raison des accusations portées à l’encontre de Simone Gbagbo (envoi de milices pour « assassiner » des populations civiles, fréquentation sous-entendue de marabout, soudoiement) mais aussi pour les accès de colère de M. Diallo, le rendant parfois incontrôlable.

Pour ce qui est de la frayeur, les aveux de meurtre et menaces de mort visant ouvertement l’accusée et ses avocats auront largement suffi à répandre ce sentiment dans l’assistance, suscitant par la même occasion des inquiétudes qui vont amener le président de la Cour, Boiqui Kouadjo, à suspendre l’audience pour permettre au témoin de « maîtriser sa colère ».

« On a tous vu qu’il était dans un état second (…). Je ne pouvais pas garantir la sécurité de l’accusée et de ses avocats », a expliqué le juge.

Les conseils de Mme Gbagbo finiront par demander mercredi des « mesures de sécurité » avant la reprise du contre-interrogatoire, afin d’éviter un « incident malencontreux ».

Témoignage nuancé

Entre lundi et mercredi le témoignage de Souleymane Diallo a été comme dilué avec des nuances.

M. Diallo admet dans un premier temps avoir « assassiné » puis dit s’être « défendu » puis souligne encore qu’il a plutôt « massacré (…) ceux qui venaient attaquer » son quartier.

« Je n’ai jamais tué (…) j’ai massacré. Massacrer signifie blesser avec des machettes, assassiner veut dire égorger », fait-il savoir à la Cour.

Les présumés combattants Libériens qui ont attaqué « derrière rail » ont été « tués » puis « enterrés » certes, mais le témoin « ne considère pas que ce sont des morts parce qu’ils ne sont pas Ivoiriens ».

Dans son récit lundi, il avait désigné le Commissaire du gouvernement, Ange Kessy, comme celui qui l’a fait mettre en détention après un passage à tabac « au sous-sol de la Maison d’arrêt militaire d’Abidjan (MAMA) » d’où il s’est échappé lorsque les gardes ont abandonné leur poste, au plus fort de la crise.

Il a soutenu mercredi que M. Kessy a agi ainsi parce qu’il était « aux ordres » du pouvoir d’alors : »Ange Kessy a fait ça pour sa vie (et) pour ne pas que je meure (…). Mme Gbagbo est une criminelle, elle pouvait le tuer (lui) ou sa famille (…) sinon on ne m’a rien fait là-bas, j’ai joué aux dames avec les militaires ».

Comme l’ex-chef de milice, Moïse Metch, un autre témoin qui a fait parler de lui pour avoir mis la défense en difficulté, Souleymane Diallo n’a jamais vu l’accusée de près, encore moins en compagnie de « Lamté ».

Si ce procès était un spectacle, on aurait dit que le Parquet a gardé le meilleur pour la fin: intrigue, suspens, doute, éclats de rire et grandes frayeurs; tout (ou presque) y était.

MYA

Alerte info/Connectionivoirienne.net

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