Côte d’Ivoire: Le projet de constitution de Ouattara crée une Hyper-Présidence et des institutions faibles

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Le projet de constitution du Président Ouattara crée une Hyper-Présidence et des institutions faibles

Prao Yao Séraphin

« On ne demande jamais le carrefour d’une destination où, on ne veut pas y aller »
(Proverbe Akan)

Le Président américain, Barack Obama, a donné un discours historique le 11 juillet 2009 au Ghana. Pour lui, le leadership fort entraine des conflits. Il a dit que « l’histoire est du côté de ces courageux Africains, et non dans le camp de ceux qui se servent de coups d’État ou qui modifient les constitutions pour rester au pouvoir. L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions ». En 2011, l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, au Forum économique mondial pour l’Afrique, au Cap, disait le contraire. Pour lui, l’Afrique a besoin d’un leadership fort afin que la forte croissance économique du continent puisse profiter à la population. Il a argumenté en disant : “C’est nous, les dirigeants africains et nos populations, qui avons la responsabilité de faire avancer les choses. C’est à nous de traduire la richesse du continent en résultats, et pour le bénéfice des gens”. En 2016, l’ami de monsieur Annan, le Président Ouattara, déchire le discours du Président Obama pour affirmer l’idéologie des Hommes Forts. Nous abordons dans les lignes qui suivent, la question de la nouvelle constitution en Côte d’Ivoire. Nous présentons ce projet de nouvelle constitution comme instituant une hyper-présidence et des institutions faibles.

Une constitution qui consacre l’Hyper-présidence

Il est connu que les constitutions en Afrique francophones s’inspirent de la Ve République du Général de Gaulle. Cette constitution dit que le président ne devrait être qu’un simple arbitre de la politique nationale, le garant de la constitution et du bon fonctionnement des institutions, le chef de l’armée. Il devrait également s’occuper de la politique extérieure du pays ; la politique intérieure étant strictement réservée au premier ministre. Dans le cas de ce nouveau projet de constitution, les attributions ne sont pas claires. L’Article 53 dit que l’exécutif est composé du président de la république, du vice-président et du Gouvernement. Mais dans le même temps, l’article 63 dit que le président de la république est le détenteur exclusif du pouvoir exécutif. Dans ce projet de nouvelle constitution, l’article 87 indique que les sénateurs sont élus, pour deux tiers, et un tiers des sénateurs est désigné par le Président de la République. Cette façon autoritaire de faire n’est pas démocratique. On ne perçoit plus la séparation des pouvoirs dans cette république. C’est un régime Hyper-présidentialiste que le Président Ouattara veut instaurer en Côte d’Ivoire. Finalement, on constate avec ce projet l’omniprésence du président combinée à la faiblesse des autres pouvoirs.

Une constitution qui crée des institutions faibles

Rappelons que la séparation des pouvoirs dans une démocratie consacre les institutions fortes. Ce qui n’est pas le cas dans ce projet. Mieux, nous avons un parlement inféodé au pouvoir exécutif. L’article 85 dit que le pouvoir législatif est exercé par le parlement qui est composé de l’Assemblée nationale et du Senat. Mais parmi les détenteurs du pouvoir législatif, certains sont élus et d’autres pas (Article 86 et 87). L’article 93 indique que le parlement vote la loi et consent l’impôt. Deux problèmes se posent ici. Le premier tient au fait que certains sénateurs sont nommés. Ce qui est antidémocratique. Le second est que seuls les élus peuvent voter des lois. En effet, les élus sont comme des porte-paroles des populations et c’est à ce seul titre qu’ils peuvent voter les lois. Comment voter une loi quand vous n’avez pas vous-mêmes été élus ? Si nous devons accepter que des sénateurs nommés votent des lois, alors, notre démocratie marche à l’envers. En outre, une autre faiblesse de nos institutions réside dans le fait que celui qui veille au respect de la constitution ne respecte même pas les institutions (article 54). Comment exiger des populations le respect de règles lorsque celui qui assure l’exécution des lois et des décisions de justice, et qui prend les règlements applicables à l’ensemble du territoire de la république (Article 65), n’a aucun respect pour les règles ? Les Ivoiriens ne se reconnaissent pas dans cette constitution. C’est pourquoi, ils ne se sentent pas concernés. Ce projet étrange n’est destiné à la Côte d’Ivoire profonde mais aux autres.

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