CPI Gabon: Altit va défendre Ping

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Comment Ali Bongo et Jean Ping vont tenter d’influencer la Cour pénale internationale

Pascal Airault in lopinion.fr

Les deux rivaux de la dernière présidentielle s’accusent réciproquement d’incitation au génocide et de crimes contre l’humanité, avant et après le scrutin du mois d’août. Le bureau de la procureure de la juridiction de La Haye va procéder à un examen préliminaire

Procureure de la Cour pénale internationale, la Gambienne Fatou Bensouda va s’intéresser à la crise électorale gabonaise. Sollicitée par les autorités de ce pays qui reconnaissent la CPI, elle va procéder à un examen préliminaire de la situation « afin de déterminer si les critères imposés pour l’ouverture d’une enquête sont réunis ».

En d’autres termes, elle étudiera, selon les informations que ses équipes vont recueillir ou qui lui seront fournies, si un ou des groupes ou individus ont commis un génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. Elle verra ensuite si les éléments recueillis sont de la compétence de la Cour, recevables et conformes aux intérêts de la justice. Elle n’a aucune date limite. « Après un examen minutieux de tous les renseignements dont je dispose, je ferai connaître ma décision en temps opportun », a confié, évasive, la procureure.

Tout le jeu est dorénavant entre les mains des protagonistes de la crise et de leurs avocats, pour obtenir une accélération de la saisie de la CPI. Ali Bongo, le président gabonais, a confié le dossier à Denise Mekam’ne, sa nouvelle ministre de la Justice qui s’appuie sur un collège comprenant les robes noires parisiennes Patrick Klugman, Ivan Terel et Christophe Ingrain.

« Nous possédons des éléments de preuve qui attestent que Jean Ping a incité à la perpétuation d’un génocide, notamment en appelant à éliminer les “cafards” durant la campagne, soutient Me Ivan Terel. Nous dénonçons aussi son incitation à la violence qui s’est traduite par la destruction des biens de l’État et l’instrumentalisation des médias par l’opposition, qui ont diffusé de fausses vidéos incriminant la répression des forces de sécurité pour appeler au soulèvement des populations. »

De son côté, Jean Ping a mandaté l’avocat français Emmanuel Altit, également défenseur de l’ex-dirigeant ivoirien Laurent Gbagbo, pour mener une action devant la juridiction internationale. Ce dernier se félicite de l’ouverture d’un examen préliminaire. « Nous sommes en mesure d’identifier qui sont les auteurs des crimes durant la crise post-électorale », confie l’avocat qui va déposer un dossier relatif à « des crimes contre l’humanité » commis par le pouvoir.

Contre-feu. Son objectif est d’établir l’existence d’un « plan commun » mené par le président gabonais et ses proches, politiques et responsables militaires, qui aurait abouti à des attaques contre les populations civiles. L’équipe de Me Altit travaille actuellement avec des représentants de la société civile, des témoins des scènes de répression des forces fidèles à Ali Bongo, notamment lors de la nuit du 31 août au QG de campagne de Jean Ping.

Pour l’opposant gabonais, la voie de la justice internationale semble être aujourd’hui une des dernières cartes qu’il est en mesure de jouer. La communauté internationale appelle à l’apaisement après avoir échoué à obtenir un recomptage des votes de la présidentielle gabonaise. Et l’appareil de sécurité exerce toujours des pressions sur les opposants et la société civile, qui l’empêchent d’organiser des manifestations dans le pays.

Le pouvoir a menacé Jean Ping de l’arrêter s’il appelait à un soulèvement populaire. Pour nombre d’analystes, la requête déposée par le pouvoir gabonais ne pourrait être qu’un « contre-feu médiatique » afin de couper l’herbe sous le pied de l’opposition qui multiplie les déclarations sur les atteintes aux droits de l’Homme. « C’est assez étrange, cette demande des autorités gabonaises qui ne nous ont fait parvenir qu’une simple lettre sans dossier détaillé, pour demander l’ouverture d’une enquête ! » commente même un membre de l’équipe de la procureure.

La réalité de l’engagement des autorités gabonaises devrait se mesurer à l’aune de la coopération apportée aux équipes de la procureure si celle-ci demande l’ouverture d’une enquête.

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