Par Connectionivoirienne
« Quelle est cette classe politique qui, depuis plus de deux décennies, est incapable de faire des compromis et juguler les contradictions politiques ? » C’est le juriste et analyste politique Geoffroy-Julien Kouao qui se posait cette question dans l’une de ses nombreuses tribunes intitulée : « Une si étrange classe politique. » Il faisait remarquer par la suite que la classe politique post-Houphouët fait de la culture de la belligérance un moyen d’être ou pour devenir.
L’actualité politique dans notre pays, nous fait découvrir, une fois de plus, notre classe politique dans toute sa laideur et ses vilenies. Le débat sur l’opportunité d’une nouvelle constitution en Côte d’Ivoire oppose les partisans du pouvoir et ce qu’il reste encore de l’opposition politique. Si la cohérence anime le premier bloc (Rhdp) dans sa volonté de se maintenir au pouvoir après l’avoir conquis dans les conditions que l’on sait, les problèmes de personne et autres conflits de leadership minent profondément le camp de l’opposition. Ses leaders luttent pourtant pour le même objectif : amener l’exécutif à retirer son projet. La stratégie n’est cependant pas la même.
Si pour les uns, il faut aller affronter le pouvoir maintenant (appel d’Affi and Co), pour les autres, ce temps-là n’a pas encore sonné et il ne sert à rien de se donner en spectacle ce 5 octobre où Ouattara a décidé de venir parler en personne aux députés. L’appel de Pascal Affi N’guessan qui devait être fédérateur, une fois n’est pas coutume, est passé en dérision. Ses adversaires internes au Fpi trouvent là une occasion de lui rappeler ses turpitudes passées quand il condamnait hier les actions de masse que préconisait une frange importante de ses anciens camarades du Fpi des « Gbagbo ou rien ». Tous sont pourtant unanimes pour dire que le projet de Ouattara est inique en ce qu’il est loin des préoccupations des Ivoiriens dans le contexte actuel.
Mais comme celui qui a lancé l’appel paraît, selon ses détracteurs, peu crédible, les autres n’osent pas le suivre pour délit de traitrise. Qui est-il pour lancer un appel, lui le marchepied de Ouattara. Et comme d’habitude, l’adversaire n’est plus Alassane Ouattara mais Affi N’guessan. Le débat en est là, dévoyé et dénué de toute vision politique objective. « Pourquoi allons-nous suivre Affi, il n’est pas des nôtres », tente-t-on de justifier ici et là.
Koné Boubakar, l’un des pionniers de la tendance des « Gbagbo ou rien » comme pour dire que son camp n’a plus rien à avoir avec Affi N’guessan, a déclaré le mardi 4 octobre 2016 lors d’un point de presse ceci : «le Front Populaire Ivoirien qui s’est toujours battu aux côtés du peuple, saura déterminer, comme à son habitude, son propre moment, son propre terrain et sa propre méthode de combat. Il réaffirme qu’il se donnera les moyens, avec les Ivoiriens, de faire barrage à cette autre forfaiture inscrite dans la droite ligne du coup d’État permanent ». Tout s’arrête là. De quels moyens, autres que les actions de masse dont fera-t-il usage ? Silence là-dessus. De même, les partis regroupés au sein de la plateforme CODE ne donnent aucun signal. Ils avaient pourtant signé une charte commune contre ce projet de constitution.
Affi N’guessan, comme un solitaire dans la vallée n’avait d’autres choix que de capituler après une rencontre avec le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko. Depuis ce mardi après-midi, sa déclaration face aux caméras de la RTI est interprétée comme un acte de lâcheté prévisible. Il est raillé, vilipendé alors qu’objectivement, avec la dispersion de l’opposition, il n’y avait pas de doute qu’on se dirigeait vers un fiasco. Depuis cet après-midi, face à cette grande déception, ses communicants tentent de démentir sa déclaration mais le coup est déjà joué et ce n’est pas à quelques heures des débats à l’Assemblée nationale qu’ils peuvent renverser la vapeur. Seuls quelques téméraires pourraient se rendre au Plateau. Mais combien seront-ils pour faire basculer les choses.
Devant cette situation dont le seul profiteur est Alassane Ouattara, on peut bien s’interroger sur les objectifs poursuivis par ceux qui animent la scène politique au sein de l’opposition. Chaque jour, pourtant, Ouattara et Bédié leur font la démonstration de ce qu’on peut faire preuve de dépassement des rancœurs personnelles pour se mettre ensemble et construire un projet d’avenir. Cette nouvelle constitution qui sera à coup sûr adoptée en est une démonstration de plus. Elle est le fruit de leur complicité en bien comme en mal.
Six ans après la fin de la crise postélectorale l’opposition pro-Gbagbo peut s’éterniser dans ses contradictions inutiles et les querelles de personnes. Bédié et Ouattara avancent pour le malheur des anciens tenants du pouvoir. On comprend dès lors ces mots de désespoir d’un internaute pro-Gbagbo qui a eu ce commentaire sibyllin « C’en est fini. On va finalement laisser tout et attendre Gbagbo pour qu’il vienne nous libérer. Ces héritiers n’en valent pas la peine ! »
SD à Abidjan
Encadré
Le boycott actif de 1995, l’élection calamiteuse de 2000, l’absurde rébellion de 2002 et la mortifère élection de 2010 illustrent bien les insuffisances idéologiques et les maladresses stratégiques de la classe politique ivoirienne. Et la violence est en train de revenir. La classe politique post-Houphouët fait de la culture de la belligérance un moyen d’être ou pour devenir. Ce n’est pas de sa faute, elle ne peut pas être après avoir été.
Au Bénin, tout près de nous, lorsque les béninois ont constaté que les querelles personnelles et partisanes de Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo et Adrien Houngbedji conduisaient leur pays vers l’abysse, ils ont choisi lors de la présidentielle de 2006, un illustre inconnu, Thomas Yayi Boni. Le Bénin est aujourd’hui un pays paisible. Chaque peuple mérite ses souffrances et ses joies.
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